Le Nobel d’économie attribué à un trio de spécialistes de l’économie expérimentale – Le Monde
Le prix Nobel d’économie a récompensé lundi 11 octobre trois spécialistes de l’économie expérimentale, le Canadien David Card, l’Américano-Israélien Joshua Angrist et l’Américano-Néerlandais Guido Imbens.
Le trio « nous a apporté de nouvelles idées sur le marché du travail et montré quelles conclusions peuvent être tirées d’expériences naturelles », a salué le jury Nobel. Les expériences naturelles, aussi appelées expériences involontaires, sont des études menées à partir de situations réelles – et non en laboratoire, dans des espaces contrôlés. Elles tirent ainsi parti des événements politiques ou économiques qui touchent une partie aléatoire de la population.
Economie expérimentale
Le Canadien David Card, né en 1956, est ainsi récompensé « pour ses contributions empiriques à l’économie du travail ». À l’aide d’expériences naturelles, Card a analysé les effets du salaire minimum, de l’immigration et de l’éducation sur le marché du travail. « Ses études du début des années 1990 ont remis en question les idées reçues, ce qui a conduit à de nouvelles analyses et à de nouvelles perspectives », selon le jury Nobel. Les résultats de ses recherches ont notamment montré que l’augmentation du salaire minimum n’entraîne pas nécessairement une diminution des emplois.
L’économiste de Berkeley (Californie) s’était notamment penché sur l’« exode de Mariel » : en 1980, 125 000 Cubains expulsés par le régime de Fidel Castro par le port de Mariel se sont installés aux Etats-Unis, dont près de la moitié à Miami. L’économiste a étudié comment la ville de Floride a « absorbé » cet afflux, en comparant l’évolution des indicateurs économiques avec ceux de quatre autres villes témoins. Résultat ? Ce choc migratoire n’a pas fait exploser le chômage, ni fait plonger les salaires, selon lui.
Apports méthodologiques
L’Américano-Israélien Joshua Angrist, 61 ans, et l’Américano-Néerlandais Guido Imbens, 58 ans, ont eux conjointement été récompensés « pour leurs contributions méthodologiques à l’analyse des relations de cause à effet ». Au milieu des années 1990, les deux chercheurs ont notamment démontré comment des conclusions précises sur les causes et les effets peuvent être tirées d’expériences naturelles.
Joshua Angrist, accompagné d’Adriana Kugler, avait notamment montré en 2003 que le chômage augmentait d’autant plus fortement que les institutions du marché du travail et du marché des biens et services sont rigides, en étudiant l’immigration yougoslave des années 1990 en Europe.
L’an passé, le prix avait récompensé les Américains Paul Milgrom et Robert Wilson, deux experts des enchères dont les travaux novateurs ont notamment servi aux attributions des fréquences télécom.
L’économie vient clore une saison Nobel marquée notamment par le prix de la paix à deux journalistes d’investigation, la directrice du média philippin Rappler, Maria Ressa, et le rédacteur en chef du journal russe Novaïa Gazeta, Dmitri Mouratov.