Le datacenter de Scaleway sans climatisation a passé le test de la canicule

Le datacenter de Scaleway sans climatisation a passé le test de la canicule

C’est sur l’emplacement d’un ancien centre de tri de La Poste que le cinquième datacenter de Scaleway est sorti de terre en 2018. D’une superficie de 16 000 m2, le DC5 de Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise) ressemble de l’extérieur à n’importe quel entrepôt industriel. Pourtant, le sas de sécurité et les barbelés tout autour de la propriété nous mettent bien vite la puce à l’oreille.

Exploité depuis deux ans, le site n’a pas encore atteint sa capacité maximale, puisque sur les 11 tranches de déploiement possibles, seule une est opérationnelle, et deux autres en chantier d’extension. « Plus on signe, plus on déploie », résume Arnaud de Bermingham, qui s’est prêté, ce jeudi, à une visite du lieu. Le président et fondateur de Scaleway (ex-Online) témoigne d’un business florissant pour le cloud computing, une tendance déjà bien ancrée que le contexte sanitaire de la Covid-19 n’a fait que renforcer.

C’est d’ailleurs sur ce même DC5 basé en région parisienne que la filiale d’Iliad vient d’annoncer l’ouverture de PAR2, sa deuxième zone de disponibilité (AZ) à Paris.

A en croire Arnaud de Bermingham, la technologie déployée dans ce datacenter de la région parisienne est « unique au monde ». Eprouvé depuis deux ans, le système de refroidissement adiabatique déployé par Scaleway a été breveté, la société espérant ainsi convertir, dans le futur, d’autres de ses datacenters de Paris, Amsterdam et Varsovie.

publicité

Industrialiser un concept physique

Tout, jusqu’à l’architecture du lieu, a été imaginé sur-mesure pour accueillir un tel système. Quatre ans de R & D ont été nécessaires pour parvenir à résoudre les nombreux freins qui se sont rapidement imposés aux ingénieurs. « Sur la trentaine d’initiatives des dix dernières années, toutes ont échoué », a constaté Arnaud de Bermingham.

L’air venant de l’extérieur est aspiré par les serveurs puis traverse tous les composants électriques avant d’être restitué chaud de l’autre côté de la machine. Cet air chaud est rejeté dehors.

Le vrai challenge, c’est avant tout la gestion des pics de chaleur, et tout particulièrement des épisodes de canicule, comme cet été, où les 38°C ont été atteints pendant quatre jours d’affilée. « C’était le stress test », confie Arnaud de Bermingham.

Quand la température de l’air extérieur excède les 30°C, c’est là qu’intervient l’innovation. Le système adiabatique consiste à recourir à l’évaporation de l’eau pour faire baisser la température à l’intérieur de la pièce où s’activent les serveurs. Dans les faits, Scaleway parvient à refroidir la salle de 9°C avec 2 grammes d’eau. « Tout l’enjeu a été de reprendre ce principe de physique simple et de l’industrialiser », souligne Arnaud de Bermingham.

Quand la température excède les 30°C, de l’eau est diffusée sur des murs en cellulose par capillarité, avant de s’évaporer pour refroidir le système.

De la même façon, lorsque les températures sont trop basses, il faut réchauffer la pièce en récupérant cette fois-ci l’air chaud produit par les serveurs et stocké dans le couloir “chaud” cloisonné au centre de la pièce.

Au cœur du dispositif, une machine autonome pilote l’ensemble du système et monitore toutes les données récoltées en temps réel, pour agir en conséquence et redistribuer l’air chaud mêlé à l’air extérieur, quand cela est nécessaire, et faire actionner le système d’évaporation pour les grosses chaleurs.

Cette machine fonctionne en autonomie et gère l’ensemble des données du système.

La température n’est pas le seul risque auquel les ingénieurs doivent faire face. L’équipe de Scaleway s’est aussi penchée sur la qualité de l’eau (la société a été contrainte de mettre en place un osmoseur pour récupérer de l’eau pure) susceptible de rendre l’air corrosif et d’endommager les machines.

Autre blocage de taille : les clients eux-mêmes. Beaucoup préfèrent confier leurs données à des hébergeurs qui font la promesse de maintenir un thermostat autour de la barre des 20°C, même si les datacenters peuvent supporter entre 15°C et 30°C sans problème, soulève le président de Scaleway, qui estime que, pour toutes ces raisons, le marché du datacenter reste « extrêmement lent à se transformer ».

Un PUE de 1,15

Si le pari est risqué, le jeu en vaut la chandelle. Cette technologie permet à DC5 de consommer jusqu’à 40 % d’énergie en moins par rapport à la plupart des datacenters utilisant un système de climatisation. L’indicateur d’efficacité énergétique (PUE) de DC5 s’élève à 1,15, quand la grande majorité des datacenters montent à 1,55 en moyenne, note le président.

Si les datacenters sont « le terreau du numérique », ils concentrent aussi « la quasi-totalité de l’empreinte numérique », souligne Arnaud de Birmingham. Avec son projet DC5, le fournisseur d’infrastructure a souhaité « penser différemment l’usage de l’énergie pour se passer complètement de la climatisation », explique-t-il.

Scaleway, qui vient par ailleurs d’ouvrir un sixième datacenter en Pologne, entend poursuivre son développement en Europe de l’Est, un marché en croissance puisque « le choc du cloud n’y est pas encore arrivé », fait remarquer Arnaud de Bermingham.

Le président de Scaleway mise par ailleurs sur le déploiement du cloud souverain. « Il n’y a pas de raison que l’on n’y arrive pas. Il faut penser global et ne pas rester franco-français. » A ce titre, le fournisseur français s’affiche comme partenaire du projet européen Gaia-X, inauguré il y a quelques mois.

Interrogé sur les perspectives de l’architecture ARM, Arnaud de Bermingham se montre tout aussi optimiste : « je n’en pense que du bien », s’enthousiasme-t-il, évoquant l’argument énergétique et l’aspect concurrentiel, sur un marché trusté par Intel. Il rappelle que Scaleway fut le premier cloud au monde basé sur ARM, même si la filiale travaille aujourd’hui énormément avec AMD.

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading