Le comité pour Adama Traoré ne lâche pas la pression sur le gouvernement – Le Monde

La  fresque en hommage à George Floyd et Adama Traoré créée par le street artiste JR sur la façade d’un immeuble du 10e arrondissement de Paris, le 9 juin.

Une immense fresque en hommage à George Floyd, afro-américain mort le 25 mai lors de son arrestation par un policier blanc, et Adama Traoré, mort à 24 ans sur le sol de la caserne de Persan (Val-d’Oise) à la suite d’une interpellation musclée, en juillet 2016, est apparue dans la nuit de lundi 8 à mardi 9 juin, sur la façade d’un immeuble du 10e arrondissement de Paris. Elle a été réalisée par le célèbre street-artiste français JR et des élèves de l’école de cinéma Kourtrajmé, créée par Ladj Ly, le réalisateur du film couronné aux Césars Les Misérables.

C’est ici, place Jan-Karski, à quelques mètres de ce collage en noir et blanc de 40 mètres de long qui laisse entrevoir le regard de chacun des deux hommes, que le comité Adama a donné rendez-vous à la presse, mardi 9 juin. Pour appeler à une « grande manifestation nationale », samedi 13 juin, à Paris. « Nous appelons les autres collectifs de familles de victimes [de violences policières] à monter à Paris », a lancé Youcef Brakni, du comité Adama.

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Une semaine après la mobilisation parisienne du 2 juin – qui a rassemblé 20 000 personnes selon la Préfecture, 80 000 selon les organisateurs – le comité Adama ne lâche pas la pression sur le gouvernement.

Les propos de Christophe Castaner, lundi 8 juin, n’ont pas apaisé la colère des familles. Le ministre de l’intérieur a déclaré vouloir « une tolérance zéro contre le racisme dans notre République » et annoncé l’abandon de la méthode d’interpellation controversée de la « prise par le cou, ditede l’étranglement ». « Il n’a jamais employé le mot de violences policières », fustige Assa Traoré, grande sœur d’Adama.

« Plus personne ne parle pour nous »

Lors d’un déplacement à Evry (Essonne), mardi matin, pour rencontrer policiers et associations, Edouard Philippe a tenté de faire descendre la tension en appelant au « respect et à la confiance » envers la police, mais aussi à « l’exigence vis-à-vis d’elle ». Il a constaté une « émotion très grande » dans le monde entier, à la suite de la « diffusion d’images montrant la mort d’un homme dans des conditions inacceptables et, à vrai dire, monstrueuses », à propos de la mort de George Floyd.

Au même moment, dans le 10e arrondissement de Paris, Ladj Ly, présent à la conférence de presse du comité Adama, a déclaré : « Ça fait plus de vingt ans que je me bats contre les violences policières, que je les filme. Vingt ans plus tard, les choses ne changent pas. »

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Le comité Adama tient à se démarquer du « rassemblement solennel » organisé à l’initiative de SOS-Racisme en fin de journée mardi, à Paris, pour rendre hommage à George Floyd, inhumé au même moment. La France insoumise, le Parti socialiste (PS), Europe Ecologie-Les Verts, la Ligue des droits de l’homme, la CGT et l’UNSA se sont aussi associés à ce « moment de recueillement ». « La marche de 1983 [Marche pour l’égalité et contre le racisme, rebaptisée Marche des beurs] a été récupérée [par les partis politiques, le PS en tête], aujourd’hui, plus personne ne parle pour nous », tranche Assa Traoré.

Pour Ladj Ly, « la situation est critique » et « la solution ne peut être que politique ». « Le monde d’après [l’épidémie de Covid-19] a commencé le 2 juin, s’il le faut, chaque semaine on sortira dans la rue », a enchaîné Assa Traoré, qui a réclamé des « actes judiciaires et la mise en examen des gendarmes [qui ont procédé à l’arrestation de son petit frère ] ».

« On ne demande pas une discussion dans un salon de thé de l’Elysée, nous avons refusé le rendez-vous proposé par ministre de la justice, a-t-elle ajouté. Nous sommes dans une guerre d’expertises [médicales], nous demandons des experts spécialistes des maladies nommées (…) et nous demandons une reconstitution [de l’interpellation]. »

Deux auditions dans l’affaire Adama

En février, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait rejeté la demande des parties civiles, qui avait été refusée une première fois en avril 2019 par les juges d’instruction chargés du dossier. Mais la procureure générale près la cour d’appel de Paris avait rendu trois mois plus tard un réquisitoire favorable à la tenue de cette reconstitution, à laquelle l’inspection générale de la gendarmerie nationale s’était aussi déclarée favorable.

Cela faisait des années aussi que la famille Traoré demandait à ce que deux témoins – une femme qui dit avoir assisté à la première tentative d’arrestation d’Adama et un homme chez qui le jeune homme a finalement été interpellé – soient auditionnés par les magistrats instructeurs. Ces derniers devraient finalement les entendre en juillet.

Dans un communiqué publié ce lundi, le procureur de la République de Paris, Rémi Heitz, a cependant affirmé que ces deux auditions étaient programmées avant la manifestation de la semaine passée. Pour Assa Traoré, « ce n’est pas une petite victoire que nous voulons : nous voulons l’interdiction de toutes les techniques d’immobilisation, nous voulons que la police française soit réformée, nous attendons que les gendarmes et les policiers qui se disentbonsdénoncent les comportements de ceux que j’appelle les brebis galeuses, nous attendons que samedi, comme aux Etats-Unis, ils mettent un genou à terre, le poing levé ».

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