Le Cigref joue la carte du collectif pour repenser le monde de demain

Le Cigref joue la carte du collectif pour repenser le monde de demain

Le Cigref, qui réunit des grandes entreprises et administrations publiques françaises, a célébré hier ses 50 ans en diffusant en live son assemblée générale publique. « Plus de 1 000 inscrits » pour l’événement, s’est réjoui, non sans une pointe d’étonnement, son président Bernard Duverneuil, devant ce nombre de connexions inédit. Un record pour l’association qui, habituellement, communique auprès d’une audience plus confidentielle.

50 ans, c’est un peu « l’âge de raison », continue Bernard Duverneuil, qui défend la légitimité de l’association pour porter un regard « pertinent et raisonnable » sur le secteur numérique.

Mais cette année, le Cigref élargit le champ des possibles, en accueillant sur scène ses partenaires du Syntec Numérique, Syntec Conseil et de Tech in France pour penser un « pacte numérique », projet collectif initié début avril, au plus fort de la crise sanitaire. Ces quatre poids lourds du secteur numérique n’ont pas l’habitude de travailler ensemble, mais le contexte sanitaire et les enjeux de la relance économique ont changé la donne. « Cette première collaboration inédite a eu du sens pour mettre en commun ce qu’on vit ensemble à travers cette crise, mais surtout essayer de s’en sortir », explique Corinne Dajon, vice-présidente du Cigref.

« On s’est parlé pendant 1h30 toutes les semaines du confinement, c’est très inédit. Ce pacte, pour nous, c’est la conviction que nos clients étaient solidaires des problèmes qu’on rencontrait », confirme Godefroy de Bentzmann, président du Syntec Numérique.

Editeurs de logiciels, start-up, entreprises de la tech et sociétés de conseil ont élaboré sept propositions concrètes. Dont la plus symbolique, instaurer une autorité interministérielle en charge de ces sujets, a résonné dans le début public à la faveur du dernier remaniement. Pour Corinne Dajon, l’ambition est très clairement de « concentrer les moyens et la capacité d’arbitrer par rapport à tous les investissements nécessaires dans ce secteur » en créant « une autorité directement rattachée au Premier ministre, avec le concours de Cédric O qui a partagé nos travaux », décrit-elle.

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Le monde académique ouvre ses bras

Le secteur privé n’est pas le seul impacté par ces bouleversements numériques. Antoine Petit, PDG du CNRS, a pris la parole pour insister sur le manque de communication entre la recherche académique et le secteur privé. « Venez nous voir ! », lance-t-il à l’assemblée. « Au CNRS, on crée aujourd’hui entre 80 et 100 start-up, mais je pense qu’il faut aller encore plus loin », poursuit-il. « On a réinitialisé après la crise un échange avec nos grands partenaires pour leur demander de quoi ils ont besoin. Il faut qu’on arrive encore plus qu’avant à abattre les quelques barrières qui continuent à exister. »

Antoine Petit estime, d’une manière générale, que le savant est « beaucoup plus questionné qu’avant » par les utilisateurs. Il note que la plupart des chercheurs ressentent « le besoin de comprendre en quoi leur travail a un impact sur la société ».

Alors que l’Europe cherche à remettre la main sur la souveraineté de ses données, Antoine Petit fait remarquer que les intérêts scientifiques dépassent ces querelles de chapelle. « Dans la recherche, le terrain de jeu c’est le monde. Mettre des miradors en France, c’est aussi peut-être une perte », glisse-t-il. Pour lui, la seule façon de s’en sortir est « de travailler ensemble, secteurs public et privé. Il faut que l’on sache faire plus de choix, notamment sur le quantique. Si on ne sait pas faire de choix sur le quantique, on va rater le quantique comme on a raté un certain nombre de choses ».

Tous les yeux rivés sur Gaia-X

Les espoirs sont aujourd’hui beaucoup tournés autour du cloud souverain et du projet Gaia-X. Michel Paulin assure que « cela va dans la bonne direction ». Mais il reste nuancé : « ce n’est pas la carte magique qui va régler le problème du cloud B to B ». Selon le directeur général d’OVH, l’ambition de Gaia-X est de « mettre en place des API ouvertes et documentées pour donner le choix aux entreprises ».

« Le post-Covid sera plus cloudifié, le monde restera multicloud. Mais avec Gaia-X, on a un outil de confiance avec un passeport européen », note pour sa part Helmut Resinger, DG Orange Business Services.

Pour résumer les perspectives européennes dans les années qui s’annoncent, Helmut Resinger tente un parallèle footballistique : « dans la première partie du match, on a presque perdu sur le consumer internet. Dans la seconde partie, on a notre carte à jouer en Europe concernant l’internet des entreprises et des industriels ». Et avec tous les sujets autour de la 5G et de l’intelligence artificielle, complète-t-il, citant la récente incursion de Schneider Electric dans la 5G industrielle.

Pour Antoine Petit, l’avenir de l’IT n’est pas seulement B to B. Le grand public a lui aussi son mot à dire, et le scepticisme des Français sur l’application StopCovid en est d’ailleurs révélatrice d’une certaine manière, mentionne-t-il. Cet enjeu autour de la notion d’« acceptabilité » des technologies n’est d’ailleurs pas toujours rationnel, estime le chercheur, qui fait remarquer la popularité des services du type Facebook et Gmail.

En dépit de ces contradictions permanentes, le cap à maintenir est celui de la pédagogie. « Le numérique a échappé aux spécialistes, il faut l’accepter. On ne peut pas à la fois dire “utilisez le numérique”, mais “c’est trop compliqué pour vous” », estime Antoine Petit.

Si “l’âge de raison” du numérique a encore du mal à trouver un juste équilibre entre éthique, usages et business, Bernard Duverneuil conclut par une note optimiste teintée de regret. « C’est grâce à la force du collectif que nous nous en sortirons, pour dépasser l’angélisme qui nous a parfois aveuglé. »

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