L’Assemblée nationale vote pour l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution – Le Monde
L’Assemblée nationale a adopté, jeudi 24 novembre, à une large majorité, la proposition de loi constitutionnelle « visant à garantir le droit à l’interruption volontaire de grossesse » : 337 voix pour, 32 voix contre et 18 abstentions.
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Ce texte, soutenu par la majorité, était mis au programme de l’Assemblée nationale par les députés de La France insoumise (LFI) dans le cadre d’une « niche parlementaire », c’est-à-dire une journée permettant à un groupe minoritaire de fixer l’ordre du jour dans l’hémicycle.
Gauche et majorité s’étaient accordées, à la mi-journée, sur une formulation commune pour inscrire ce droit dans la Constitution, à son article 66 : « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse. » La proposition initiale des « insoumis » mentionnait aussi le droit à la contraception, faisant craindre à certains l’instauration d’un droit à l’avortement sans limite. Ce changement d’écriture, issu d’un travail transpartisan, visait donc à obtenir un texte de compromis dans l’espoir d’obtenir l’aval du Sénat, indispensable pour une réforme constitutionnelle.
Les députés Les Républicains (LR) et Rassemblement national (RN) se sont partagés entre pour, contre et abstention. Absente de l’hémicycle « pour des raisons médicales », la cheffe du groupe RN, Marine Le Pen, a annoncé ne pas « avoir pris part au scrutin », après une erreur dans le résultat mentionnant qu’elle avait voté pour.
Proposition soutenue par Dupond-Moretti
Avec ce texte de protection de l’avortement, il s’agit de « se prémunir d’une régression » comme récemment aux Etats-Unis ou ailleurs en Europe, a plaidé la cheffe de file des députés « insoumis », Mathilde Panot. Devant un hémicycle fourni à gauche, elle a cité Simone de Beauvoir : « Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. » Mme Panot a ensuite salué un vote « historique » : « Notre pays parle au monde », a-t-elle lancé.
Le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, a salué « un vote historique, un grand honneur, une grande émotion ». Il avait apporté son soutien à ce texte, « plus que nécessaire en ces temps agités ». Et déploré un « petit jeu d’obstruction parlementaire » avec « des dizaines d’amendements » déposés par des opposants à la proposition de loi.
Après le vote, les députés de gauche et du camp présidentiel se sont levés à deux reprises pour applaudir, pendant que LR et RN restaient assis.
La présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, a retiré un texte similaire, qui était prévu lundi, afin de voter ce compromis de « toute l’Assemblée ».
L’Assemblée nationale avait adopté, en février dernier, l’allongement du délai légal pour recourir à un avortement de douze à quatorze semaines de grossesse. Le texte d’alors, rédigé à l’initiative de la députée d’opposition Albane Gaillot (ex-LRM) mais soutenu par la majorité, visait à répondre à un manque de praticiens et à la fermeture progressive des centres pratiquant l’IVG. Il avait suscité une vive opposition d’une partie de la droite.
Huit mois après son adoption, « il existe des endroits en France où les femmes ne sont toujours pas prises en charge au-delà de douze semaines de grossesse, et où on les réoriente vers des centres qui appliquent la loi », a dénoncé dans un article du Monde la médecin Laura Marin Marin, porte-parole de l’Association nationale des centres d’IVG et de contraception (Ancic), qui réunit des professionnels de santé pratiquant des avortements.
En 2021, 223 300 interruptions volontaires de grossesse ont été enregistrées en France, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), un chiffre relativement stable par rapport aux deux années précédentes.