La «volcanique» Alice Coffin, élue et militante féministe qui a fait tomber Christophe Girard à Paris – Le Parisien

«Excessive» ou nouvelle Jeanne d’Arc du féminisme? En poussant à la démission Christophe Girard, l’adjoint à la culture d’Anne Hidalgo, en raison de ses liens supposés avec Gabriel Matzneff, l’écrivain visé par une enquête pour « viols sur mineurs », l’activiste féministe Alice Coffin a fait une entrée fracassante au Conseil de Paris où elle vient d’être fraîchement élue sous les couleurs des écologistes.

Inconnue du grand public, cette militante lesbienne habituée des cercles féministes et LBGT s’est offert une publicité inattendue en sortant de ses gonds vendredi en plein Conseil de Paris. « La honte, la honte, la honte » a-t-elle hurlé alors que les conseillers de Paris s’étaient levés pour applaudir après « le salut républicain » adressé par le préfet de police de Paris, Didier Lallement au monsieur Culture de Paris, contraint de démissionner la veille, sous la pression d’une trentaine de féministes rassemblées sur le parvis de l’hôtel de ville, auxquelles s’étaient joints plusieurs élus écologistes.

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Une tempête d’insultes et de haine

Cette scène abondamment critiquée sur les réseaux sociaux a même valu à Alice Coffin d’être propulsée en tête des tendances Twitter. C’est à ce moment-là qu’est ressortie une vidéo de 2018 dans laquelle elle avait estimé, sur le plateau de RT France, que « ne pas avoir de mari, ça m’expose à ne pas être violée, ne pas être tuée, ne pas être tabassée ». « Ce qui s’est passé est très grave, confie l’activiste au Parisien. La tempête d’insultes et de haine a été tellement violente qu’on m’a proposé une protection policière. »

Avant de l’accepter ce dimanche soir, elle dit l’avoir d’abord refusée malgré la pression de sa compagne Silvia avec laquelle elle est pacsée depuis 6 ans. Elle vivait auparavant en couple avec Alix Béranger, organisatrice de la manifestation controversée contre Christophe Girard, jeudi dernier, et cofondatrice du groupe d’action féministe La Barbe et du collectif LGBT Oui Oui Oui, né pendant les débats autour du Mariage pour tous.

Loin de l’activisme échevelé, la vie d’Alice Coffin, âgée aujourd’hui de 42 ans, a pourtant commencé comme dans un conte de fées. C’est du moins la version très lisse que livre l’intéressée. Aînée d’une famille de six enfants, elle a été élevée dans le XIIe arrondissement parisien, entre le marché d’Aligre et la gare de Lyon. « J’ai grandi dans une famille très unie. Mon père était dans l’aviation civile, ma mère directrice d’école. Je jouais au football. J’avais les cheveux courts. Ils n’ont pas essayé de me faire rentrer dans le moule. D’ailleurs, ma mère est devenue militante à La Barbe qui est ma matrice et mon père vient d’ouvrir un compte Twitter pour m’apporter son soutien. »

Paris, dimanche 26 juillet 2020.Après la tempête de haine de ce week-end sur les réseaux sociaux, Alice Coffin a accepté une protection policière. LP/Olivier Arandel
Paris, dimanche 26 juillet 2020.Après la tempête de haine de ce week-end sur les réseaux sociaux, Alice Coffin a accepté une protection policière. LP/Olivier Arandel  

Journaliste à 20 Minutes

Après des classes préparatoires au lycée Condorcet (VIIIe), elle obtient une licence de philosophie et poursuit ses études à Sciences-po (Bordeaux) et au Centre de formation des journalistes avant de devenir journaliste spécialisée dans les médias, notamment au quotidien 20 Minutes. Parallèlement à ses activités professionnelles, elle mène son combat militant.

En 2013, elle cofonde l’Association des journalistes LGBT. En 2018, elle décroche la bourse Fulbright et part aux Etats-Unis « pour étudier le traitement des questions LGBT dans les médias ». Elle a achevé son livre « Le génie lesbien » qui sortira à la rentrée chez Grasset. Aujourd’hui, elle enseigne l’écriture journalistique à l’Institut catholique à Paris, ainsi qu’à Paris I.

A l’entendre, rien ne la prédestinait à faire de la politique. « David Belliard (l’ex-candidat EELV à la mairie de Paris, aujourd’hui adjoint aux transports, NDLR), avec lequel je suis amie, a souhaité que je rejoigne ses listes. J’ai longtemps hésité car je ne voyais pas comment rendre visibles mes combats en étant élue », raconte-t-elle. Elle a franchi le pas… Mais pas question d’abandonner son activisme : « Je n’y renoncerai pas, l’histoire est truffée de militants et syndicalistes qui ont eu un parcours politique. Je ne vais pas renoncer à mon combat parce que j’ai endossé une écharpe tricolore. Il n’y a pas de frontière pour moi entre le militantisme et la politique. »

Réputée «volcanique »

Réputée « volcanique », Alice Coffin offre une image posée à ses interlocuteurs, revendiquant son appartenance à la Barbe, « un groupe qui fait l’unanimité au sein du mouvement féministe et LGBT » et se défendant d’avoir des ennemis. « J’ai pour principe de ne pas critiquer publiquement d’autres féministes », assure celle qui a pour modèles la médiatique Rokhaya Diallo en France, Denise Ho, lesbienne militante à Hong-Kong ou Marielle Franco, conseillère municipale lesbienne de Rio assassinée. Elle dit vouer « une admiration absolue pour les afro-féministes militantes ».

«Elle a dépassé les bornes»

Audrey Pulvar, l’ancienne journaliste devenue adjointe d’Anne Hidalgo et qui revendique elle aussi son « activisme », estime qu’Alice Coffin « a dépassé les bornes » et ne partage pas sa lecture « des liens entre Matzneff et Christophe Girard, « qui n’est accusé de rien », et encore moins « sa vision « haineuse de la société et son rejet des hommes ». « Elle me fait penser à Christine Angot. Elle est sincère mais excessive et sans limite », analyse Audrey Pulvar, « inquiète » pour l’avenir de la majorité municipale mais qui condamne la déferlante de propos lesbophobes dont Alice Coffin a fait l’objet sur les réseaux sociaux.

La maire de Paris, Anne Hidalgo, s’est montrée quant à elle plus virulente en demandant son exclusion du Conseil de Paris. «On est dans l’hystérie militante », affirment ses proches selon le JDD.

«Sortir par le haut de cette affaire »

Tout allié d’Anne Hidalgo qu’il est, et alors que la maire de Paris considère qu’Alice Coffin et son acolyte Raphaëlle Rémy- Leleu ne font plus partie de la majorité, son ami David Belliard, lui, la défend : « J’ai souhaité qu’elle soit sur nos listes car elle incarne une mouvance activiste féministe reconnue très investie sur les questions de l’égalité femmes – hommes et les violences faites aux femmes. On ne peut pas vouloir le renouvellement et demander aux jeunes générations de se conformer aux pratiques d’il y a vingt ans. Il va falloir apprendre à travailler ensemble et construire une doctrine commune pour sortir par le haut de cette affaire ».

Alice Coffin explique avoir ressenti la standing ovation au Conseil de Paris comme « une démonstration de force ». « Je ne m’y attendais pas, j’ai été à la fois abasourdie, révoltée, révulsée. C’est scandaleux que Christophe Girard ait été nommé adjoint et applaudi. Moi j’ai lu Médiapart et le New York Times et je crois ce que disent les journaux », appuie-t-elle en référence au soutien supposé de l’ex-adjoint à la Culture, qui aurait aidé Gabriel Matzneff à obtenir un logement et une bourse du Conseil national du Livre dans les années 1980.

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