
La visite d’Etat du président égyptien Sissi en France critiquée par des ONG – Le Monde

Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi est arrivé, dimanche 6 décembre, à Paris pour une visite d’Etat de trois jours. Celle-ci est destinée à renforcer la coopération bilatérale face aux crises du Moyen-Orient, mais il sera aussi attendu sur les questions des droits de l’homme.
Le dirigeant est arrivé dans l’après-midi à l’aéroport d’Orly, près de Paris, a précisé le porte-parole de la présidence égyptienne sur sa page Facebook. Abdel Fattah Al-Sissi devait ensuite être reçu par le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, pour un entretien suivi d’un dîner au Quai d’Orsay.
La rencontre lundi matin avec le président Emmanuel Macron constituera le moment fort de la visite, près de deux ans après leur tête-à-tête au Caire, au cours duquel les deux chefs d’Etat avaient assumé leurs divergences sur les droits humains.
Le 27 janvier 2019, le Français avait regretté que la situation n’évolue pas « dans la bonne direction » en Egypte : des « blogueurs, des journalistes et des activistes » y sont emprisonnés. « N’oubliez pas que nous sommes dans une région troublée », lui avait alors répondu Abdel Fattah Al-Sissi, à la tête du pays depuis 2014 à la suite de la destitution par l’armée du président islamiste Mohamed Morsi.
« On est stupéfait que la France déroule le tapis rouge »
M. Macron ne manquera pas d’aborder de nouveau cette question, a d’ores et déjà assuré l’Elysée. Les défenseurs des droits humains réclament, eux, des gestes forts. Ils exhortent Paris à « passe[r] des discours aux actes », notamment en conditionnant son soutien militaire à la libération des prisonniers politiques. Avec 1,4 milliard d’euros en 2017, la France devance, désormais, les Etats-Unis pour les ventes d’armes à l’Egypte.
« On est stupéfait que la France déroule le tapis rouge à un dictateur alors qu’il y a plus de 60 000 détenus d’opinion aujourd’hui en Egypte », a ainsi déclaré à l’Agence France-Presse Antoine Madelin, un des responsables de la Fédération internationale des droits humains.
Une vingtaine d’organisations non gouvernementales, dont cette dernière, ont appelé à une manifestation, mardi à 18 heures devant l’Assemblée nationale, à Paris, pour dénoncer « le partenariat stratégique » entre la France et l’Egypte au nom de la lutte antiterroriste. Pour ces ONG, Le Caire « se sert abusivement de la législation antiterroriste pour éradiquer le travail légitime en faveur des droits humains et supprimer toute dissidence pacifique ».
La rencontre entre MM. Macron et Sissi s’annonce toutefois sous de meilleurs auspices après la remise en liberté, jeudi 3 décembre, de trois dirigeants d’une organisation de défense des droits humains, l’Initiative égyptienne pour les droits personnels, dont les arrestations en novembre avaient suscité l’indignation de la France et de nombreux pays.
Coopération sur les grands enjeux de sécurité régionale
La visite d’Etat s’ouvrira sur une cérémonie officielle d’accueil, lundi, aux Invalides, suivie de l’entretien avec le président Macron à l’Elysée et d’un point-presse. Abdel Fattah Al-Sissi rencontrera ensuite le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, et la maire de Paris, Anne Hidalgo, avant un dîner à l’Elysée.
Mardi, il se rendra à l’Arc de triomphe pour un dépôt de gerbe sur la tombe du Soldat inconnu, avant notamment une rencontre avec le premier ministre, Jean Castex, et le président du Sénat, Gérard Larcher.
Les deux chefs d’Etat feront aussi le point de leur coopération sur les grands enjeux de sécurité régionale, de la lutte contre le terrorisme à la crise libyenne en passant par les rivalités avec la Turquie en Méditerranée orientale.
La France et l’Egypte veulent consolider les « signes positifs » observés en Libye, de l’accord sur un cessez-le-feu permanent à l’instauration d’un dialogue politique interlibyen, souligne Paris, longtemps soupçonné d’avoir soutenu le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est du pays, au côté de l’Egypte.