La Tunisie plongée dans l’inconnu après le coup de force du président Kaïs Saïed – Le Monde

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Manifestation en faveur du président tunisien Kaïs Saïed, le 26 juillet, à Tunis.

« Game over », la banderole brandie par les défenseurs du président tunisien Kaïs Saïed devant le palais du Bardo laisse peu d’équivoque. Ce lundi 26 juillet, à Tunis, à l’entrée du siège du Parlement, fermé par l’armée après la suspension des activités de la Chambre ordonnée par M. Saïed, deux foules se font face, séparées par des barrages de police. D’un côté, les partisans du président de l’Assemblée et chef de file du parti islamo-conservateur Ennahda, Rached Ghannouchi, qui a entamé un sit-in avec d’autres députés ne pouvant plus accéder à l’hémicycle. De l’autre, des jeunes venus crier des slogans anti-Ennahda et soutenir les mesures prises la veille par le président de la République.

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Kaïs Saïed a décidé de limoger le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, de suspendre le travail de l’Assemblée pour trente jours et de lever l’immunité parlementaire des députés, tout en prenant les rênes du ministère public. Des annonces spectaculaires qui divisent le pays et plongent la jeune démocratie tunisienne dans l’inconnu. Le président justifie cette mainmise provisoire sur le pouvoir par son interprétation de l’article 80 de la Constitution, l’autorisant à « prendre des mesures d’exception » en cas de « péril imminent pour le pays ».

L’entrée du parlement tunisien bloqué par les manifestants le 26 juillet 2021 à Tinis.

Le président prend ainsi en compte l’hostilité d’une grande partie de l’opinion publique tunisienne à l’égard du gouvernement, exacerbée ces dernières semaines par la mauvaise gestion de la crise sanitaire. Alors que le pays enregistre en moyenne 150 décès par jour dus au Covid-19, les hôpitaux sont saturés et le personnel soignant épuisé. La crise sanitaire se greffe sur une profonde crise sociale. Le pays, lourdement endetté, négocie actuellement un quatrième plan d’aide en dix ans auprès du Fonds monétaire international, et subit de plein fouet la chute du tourisme.

« J’ai peur pour l’avenir de nos libertés »

Ahmed El Mehdi, 24 ans, chemise soignée et masque chirurgical sur le nez, se mêle à la foule en fin d’après-midi. Cet étudiant en droit a échappé aux échauffourées qui ont éclaté entre les deux camps dans la matinée, forçant les policiers à délimiter un périmètre pour chacun des groupes de manifestants. « Je suis juste venu dire non à ce Parlement, nous ne voulons plus qu’il nous représente, il abrite des voleurs. Cela fait dix ans que ça dure, c’est assez », lance Ahmed en colère. Comme beaucoup de Tunisiens, il était heureux dimanche lors des annonces du président. « Nous n’en pouvons plus, la crise économique et sanitaire nous épuise, regardez tous les gens que nous perdons avec le coronavirus, il nous faut un changement », déclare un autre manifestant, Nour Saïd, 38 ans, le drapeau tunisien dans une main.

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