La téléphonie dans le cloud séduit enfin les PME françaises

La téléphonie dans le cloud séduit enfin les PME françaises

Selon les analystes du cabinet d’étude britannique Cavell Group, le nombre de lignes gérées dans le cloud a dépassé la barre du million en 2018. Ce marché connaît un taux de croissance de 26 %, notamment tiré par les PME de moins de 50 postes. Les solutions de Centrex IP lancées il y a plus d’une quinzaine d’années se sont très largement enrichies, se dotant de capacités en termes de visio, de messagerie instantanée et en assurant une convergence fixe/mobile. Le marché de UCaaS (Unified Communications as a Service) est enfin en train de décoller en France.

« La téléphonie devient l’une des composantes de l’IT des entreprises, ce qui se traduit par une convergence des métiers, avec des éditeurs qui deviennent opérateurs, une volonté d’automatisation et de simplification des offres pour les démocratiser », souligne Laurent Silvestri, président du CDRT (Club des Dirigeants Réseaux et Télécoms).

Parmi les éditeurs sur le marché qui accompagnent les opérateurs, cet expert du marché signale Mitel, 3cx, Wildix mais aussi les agrégateurs, des opérateurs qui donnent les moyens aux intégrateurs de proposer des offres de communications unifiées en marque blanche. Parmi eux : Sewan, Unyc, OpenIP et AlphaLink, quatre opérateurs qui accompagnent ainsi 1 500 intégrateurs en France. « Les agrégateurs disposent d’une plateforme de communication unifiée dans le cloud, qui s’appuie sur les solutions Cisco/Broadsoft ou celles de Metaswitch. Il faut aussi noter quelques acteurs européens tels que Centile (groupe Enreach), le groupe Destiny dont OpenIP est la filiale française et qui dispose de sa propre plateforme logicielle », ajoute-t-il.

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Le cloud, un moyen de faire baisser la facture télécom

Poussées par l’abandon du RTC et la fin prochaine du réseau cuivre, les PME abandonnent leurs PABX au profit d’offres de type PABX virtuels, et surtout UCaaS. De nombreux opérateurs et intégrateurs se sont donc positionnés sur le marché. C’est le cas de Networth Telecom, un opérateur basé en région parisienne qui présente la particularité d’être aussi éditeur, préférant développer lui-même sa plateforme de téléphonie cloud. Richard Aubry, PDG de l’opérateur, explique ce choix stratégique : « nous sommes à la fois opérateur et éditeur d’une offre Centrex IP, ce qui nous permet de proposer une seule offre, avec le volet logiciel et tous les services apportés par un opérateur, avec des offres de convergence entre fixe, mobile et data ».

Mais, si le marché évolue rapidement vers le cloud, les PME qui portent leur téléphonie dans le cloud veulent abaisser leur facture télécom sans faire de sacrifices sur les fonctionnalités, bien au contraire. « Les PME sont de plus en plus exigeantes, et notamment les TPE, qui souhaitent aujourd’hui offrir un accueil téléphonique le plus professionnel possible, à la hauteur de ce que proposent les grandes entreprises », souligne Richard Aubry. « Intégrer la mobilité à ce type de service Centrex est devenu essentiel alors que les entreprises ont largement recours au télétravail. » Networth Telecom mise sur une interface utilisateur simplifiée pour permettre aux utilisateurs ou aux intégrateurs de paramétrer eux-mêmes les services téléphoniques, pour construire la stratégie de traitement des appels entrants par simple “Drag & Drop”.

Richard Aubry estime que la priorité aujourd’hui porte sur la convergence fixe/mobile. « Etre à la fois opérateur fixe et opérateur mobile nous permet de capter les appels via nos bornes de collecte avec les opérateurs mobiles et les opérateurs fixes. Ceux-ci sont transmis vers nos datacenters vers notre plateforme, et c’est ce qui permet une convergence totale entre téléphonie fixe et mobile. » Cette intégration permet de passer un appel fixe depuis le mobile, un appel mobile depuis le fixe, ou recevoir des appels fixes ou mobiles sur un PC et avoir une messagerie unifiée, avec les messages reçus indifféremment sur le fixe ou le mobile. Le challenge pour l’opérateur/éditeur est maintenant de rivaliser avec les offres UCaas et doter sa plateforme de capacités collaboratives, notamment de visioconférence et de l’interfacer avec les solutions CRM.

Les acteurs OTT peuvent-il bousculer les opérateurs ?

Face aux opérateurs se dresse une nouvelle classe de fournisseurs de services, dits OTT pour “Over The Top”. L’arrivée du très haut débit dans les entreprises permet désormais de totalement décorréler services téléphoniques et infrastructure. Des éditeurs venus du monde internet proposent des applications et services en ligne sans nécessairement disposer d’une infrastructure réseau. Les plateformes Microsoft 365 et G Suite de Google offrent de nombreux outils collaboratifs et de plus en plus de moyens de communication, dont la voix. Teams s’est récemment doté de capacités en ce sens et, même si la plateforme de Microsoft n’offre pas les capacités fonctionnelles de traitement des appels et la sophistication des solutions de call-centers ou d’UCaaS, aucun opérateur ne peut faire l’autruche devant la montée en puissance des solutions IT dans leur pré carré. Ils sont nombreux à proposer des solutions télécoms couplées à la plateforme Microsoft, à l’image d’Arkadin (aujourd’hui NTT) qui propose une offre d’intégration téléphonique très élaborée pour Microsoft 365.

Outre les GAFAM, quelques autres pure players UCaaS ont pris position sur le marché français. C’est le cas de Ring Central, arrivé sur le marché en 2020, mais aussi de Fuze, qui a équipé les 650 agences Foncia en France. « Fuze propose une offre complète car nous sommes éditeurs de notre propre solution, nous assurons nous-mêmes le support de nos clients et nos équipes Professional Services assurent le déploiement de la solution dans les entreprises », explique Guillaume Dethan, Regional Vice President de Fuze en France, qui ajoute : « nous sommes opérateur dans 58 pays, pour un service délivré dans 110 pays. Dans ces pays, nous pouvons remplacer les opérateurs locaux, si bien que les entreprises n’ont qu’un seul point de contact, une seule facture avec un prix par mois et par utilisateur tout compris. Cela fait toute la différence pour les DAF en termes de visibilité et de prédictibilité des coûts. En termes d’usage pour les collaborateurs, ceux-ci n’ont plus qu’une seule application afin de téléphoner, participer à des visioconférences, faire du chat ou même être en mode call-center pour ceux qui sont en mode avancé ».

Même l’emblématique Zoom, acteur américain qui s’est fait un nom pour sa plateforme de webconferencing, commence à lorgner sur le secteur de la téléphonie. L’application Zoom Phone permet aux utilisateurs de converser entres eux, mais aussi de composer des numéros RTC classiques. L’américain revendique une présence dans 40 pays, dont l’ensemble des pays européens. L’essor du très haut débit pour toutes les entreprises va précipiter la fin de la segmentation du marché entre opérateurs, intégrateurs télécoms et ESN. La fusion entre les télécoms et l’IT est en marche et nous allons assister à une redistribution des cartes entre des opérateurs, qui devront être de plus en plus intégrateurs IT, et des acteurs du cloud, qui veulent proposer des solutions tout-en-un qui vont parfois jusqu’à la connectivité réseau. Les PME vont avoir accès à des plateformes UCaaS aussi performantes que celles mises en œuvre par les grands comptes, mais le déplacement de la valeur vers l’IT pourrait s’avérer coûteux pour certaines…

Paroles d’experts


Laurent Silvestri, président du CDRT (Club des Dirigeants Réseaux et Télécoms)

« Avec l’avènement du cloud, le marché de la téléphonie d’entreprise connaît une profonde transformation. Elle est devenue un outil de communication unifiée beaucoup plus large, ce que l’on appelle les communications unifiées. La France reste encore très en retard au niveau européen. La Covid a montré que la résilience est critique, et le cloud est une solution pour atteindre un bon niveau de résilience. »

« Cette crise a montré aux entreprises qu’elles devaient passer dans le cloud, notamment pour la téléphonie. La fin du RTC est un autre accélérateur pour les PME, et le très haut débit permet aujourd’hui de faire passer toute la téléphonie sur internet. Un autre facteur est sans doute l’arrivée des méta-plateformes telles que Microsoft 365, Google ou Amazon Web Services. Ainsi, Microsoft Teams a connu des taux de croissance incroyables lors du confinement. La solution collaborative Microsoft intègre désormais des fonctions de téléphonie et certaines entreprises pourraient être tentées de faire de Teams leur système de téléphonie. »

Richard Aubry, PDG de Networth Telecom

« Aujourd’hui, 99 % des PME utilisent la téléphonie fixe à la fois pour la voix et la data. Nous accompagnons les entreprises vers une approche qui comprend une partie fixe et une partie mobile, mais nous commençons à voir des entreprises qui veulent aller vers le full mobile. Tous les postes sont des mobiles avec une application pour disposer de toutes les fonctionnalités de centre d’appel. Certaines TPE ne souhaitent même plus avoir d’ADSL, mais un routeur avec une ou deux SIM 4G pour leur ToIP et la Data. C’est une véritable révolution qui est en train d’émerger sur la mobilité. »

« En tant qu’éditeur et opérateur, nous maîtrisons totalement la chaîne, et c’est ce qui nous permet de répondre en cas de dysfonctionnement, que ce soit sur le matériel ou le logiciel, ce que ne peuvent pas faire les éditeurs de solutions “Over the Top”. Pour moi, le monde des plateformes collaboratives et celui de la téléphonie sont distincts dans les PME, et ne se concurrencent pas. Office 365 est une solution qu’elles considèrent comme coûteuse, et la plateforme Microsoft n’apporte ni de plus-value sur la partie téléphonique, ni toutes les fonctionnalités requises par les PME, notamment dans le domaine des call-centers. »

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