« La police aux Etats-Unis est à l’aise avec l’usage de la force » – Le Monde

Un officier du département de police d’Austin pulvérise du gaz poivré sur un manifestant sur la voie nord de l’Interstate 35, samedi 30 mai 2020, à Austin, au Texas, alors que des manifestations ont eu lieu dans tout le pays en réponse au décès de George Floyd, lors de son arrestation à Minneapolis, à l’occasion du Memorial Day.

Un officier du département de police d’Austin pulvérise du gaz poivré sur un manifestant sur la voie nord de l’Interstate 35, samedi 30 mai 2020, à Austin, au Texas, alors que des manifestations ont eu lieu dans tout le pays en réponse au décès de George Floyd, lors de son arrestation à Minneapolis, à l’occasion du Memorial Day. RICARDO B. BRAZZIELL / AP

Jesse Jannetta est chercheur, spécialiste des questions de justice et de police pour le think tank Urban Institute de Washington, DC. Il a participé à l’évaluation de l’initiative nationale lancée à partir de 2015 dans six villes américaines pour améliorer les relations entre les forces de l’ordre et la population. Minneapolis (Minnesota), où la mort de George Floyd à la suite d’une arrestation violente suscite depuis plusieurs jours des protestations à travers le pays, en faisait partie.

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L’arrestation puis la mort de George Floyd, un Afro-Américain plaqué au sol par un policier blanc de Minneapolis, qui a appuyé durant de longues minutes sur son cou avec son genou sous le regard de ses collègues, a relancé le débat sur les violences policières aux Etats-Unis. Comment expliquez-vous ce type de comportements de la part de policiers ?

Les raisons sont complexes, mais il faut relever en premier lieu la latitude des policiers à user de la force, d’un point de vue juridique, avec notamment la notion d’« immunité qualifiée » [qui empêche les officiers de police d’être poursuivis pour des actions discrétionnaires dans l’exercice de leurs fonctions]. On a vu dans de nombreux cas la difficulté de la justice à poursuivre des officiers de police qui avaient tué des citoyens, même lorsque les preuves de leurs comportements inappropriés étaient évidentes. Les conventions collectives sont aussi la plupart du temps protectrices et ne facilitent pas les procédures pour que les policiers soient tenus responsables de leurs actes. Selon les termes de ces contrats, il arrive ainsi que des fonctionnaires suspendus ou licenciés soient réintégrés.

Par ailleurs, l’organisation des forces de l’ordre est complètement décentralisée aux Etats-Unis et il existe des milliers d’agences avec des règles différentes. Les standards peuvent donc varier d’une ville à l’autre car la police est en grande partie organisée et gérée par les autorités locales élues. En outre, faute d’un fichier national, un policier renvoyé d’un service de police pour fautes peut être réembauché dans un autre département.

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La formation des officiers de police est-elle en cause dans l’utilisation de la force de manière disproportionnée ?

C’est un aspect du problème, mais ce n’est pas le seul. Dans le cas de Minneapolis, par exemple, le sujet n’est pas la formation de ce policier : ce qu’il a fait [mettre le genou sur la nuque d’un homme ne présentant pas de danger immédiat] ne répond à aucune règle et rien ne lui permettait de faire ce geste. Il s’agit davantage d’un problème culturel : que les policiers comprennent ce que doit être leur travail, qu’ils soient conscients qu’ils doivent répondre de leurs actes et que les conséquences peuvent être graves [le policier en question a été inculpé pour meurtre].

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