La nicotine, une arme contre le Covid ? – France Inter

La nicotine protègerait-elle contre le Covid ? C’est l’hypothèse, très sérieuse, d’une équipe de la Pitié-Salpêtrière et d’un neurobiologiste mondialement reconnu. Elle devrait bientôt faire l’objet d’une étude clinique : des patchs nicotiniques seront administrés à des patients et soignants pour en mesurer les effets.

La nicotine pourrait-elle protéger du Covid-19 ?
La nicotine pourrait-elle protéger du Covid-19 ? © Getty / picture alliance / Contributeur

La nicotine, remède préventif et curatif contre le Covid, c’est donc l’hypothèse défendue par une équipe de médecine interne de l’hôpital de la Pitié Salpétrière, et d’un neurobiologiste mondialement reconnu, membre de l’Académie des Sciences, Jean-Pierre Changeux.

Tout est parti d’une étude qui vient d’être menée par l’hôpital, et qui conclut que les fumeurs seraient moins atteints que les autres par le virus. De cette constatation de terrain est née une hypothèse qui semble solide, et vient d’être publiée par l’Académie des Sciences. Elle devrait être vérifiée prochainement par une étude clinique : ce ne serait pas le tabac, mais la nicotine qui aurait des vertus préventives.

L’étude menée à la Pitié fait suite à plusieurs constatations de terrain assez troublantes. Ces dernières semaines, plusieurs études (mais qui comportaient des “biais”, ce qui les rendait peu exploitables), semblaient montrer qu’il y avait une assez faible proportion de fumeurs chez les malades. Les populations carcérales ou les patients d’hôpitaux psychiatriques – des populations qui fument en général beaucoup – semblent ainsi peu atteintes. Tout cela laisserait penser que le statut de fumeur constitue une protection contre le virus.

► DOCUMENT – Le communiqué de presse de l’AP-HP sur cette étude

Peu de fumeurs chez les patients Covid

Pour en avoir le cœur net, l’étude menée par la Pitié a porté sur 350 malades hospitalisés et 130 patients plus légers accueillis en ambulatoire, tous testés positifs au Covid. On a regardé si ces patients fumaient plus ou moins que la population générale de même sexe ou de même âge, en comparant avec des données de population générale datant de 2018. Conclusion : très peu de fumeurs parmi ces patients, explique le Professeur de médecine interne Zahir Amoura, qui a mené l’étude : “On a trouvé seulement 5% de fumeurs chez ces patients, ce qui est très bas. En gros, on a 80% de moins de fumeurs chez les patients Covid qu’en population générale de même sexe et de même âge.”

Il y aurait donc quelque chose dans le tabac qui pourrait protéger contre le Covid. Et pourquoi pas la nicotine ? Pour la petite histoire, l’idée a germé d’une heureuse coïncidence. Par l’entremise d’une connaissance commune, le Prix Nobel de physique Serge Haroche, le professeur Zahir Amoura rencontre il y a un mois le neurobiologiste de renommée mondiale Jean-Pierre Changeux. Spécialiste de ce qu’on appelle les récepteurs nicotiniques, le scientifique suggère que la nicotine pourrait empêcher le virus de se fixer, de pénétrer dans les cellules : elle interdirait ainsi sa propagation et constituerait un frein au développement de la maladie, ce qui finalement expliquerait cette sous-représentation des fumeurs parmi les patients testés positifs. Certains retours de terrain (mais il ne s’agit encore que d’observations qui méritent d’être étayées) suggèrent même que des patients fumeurs hospitalisés (et donc brutalement sevrés) pourraient s’aggraver avec ce sevrage brutal.

Pas question pour autant de se ruer sur les cigarettes

Mais les deux scientifiques restent prudents : pas question de se ruer sur les cigarettes. Le tabac reste un fléau et la nicotine une substance addictive, ce qui rend l’hypothèse assez troublante. Difficile, en effet, d’encourager l’usage d’une substance addictive pour protéger d’une maladie. “Tout est question de balance bénéfice/risque” insistent les deux chercheurs, qui suggèrent que la nicotine pourrait ne pas être la seule substance à jouer un rôle actif sur les récepteurs nicotiniques, et donc à empêcher sur un principe biologique similaire la propagation du virus. L’ivermectine, un anti-parasitaire bien connu, pourrait avoir ces mêmes propriétés, cela reste néanmoins à prouver.

Leur hypothèse nicotinique mérite en tout cas d’être vérifiée. Des essais vont donc débuter prochainement, d’autant que les autorités sanitaires semblent intéressées. Tant le ministre de la Santé Olivier Véran que le directeur général de la Santé Jérôme Salomon ont montré de l’intérêt, disent les chercheurs, pour leur démonstration. Dès qu’ils en auront le feu vert, des patches nicotiniques vont être administrés à trois publics différents, et à des dosages différents : à des soignants, en préventif, pour voir si cela les protège ; à des patients hospitalisés, pour voir si les symptômes diminuent ; et à des patients graves en réanimation, pour voir si leur état inflammatoire s’atténue.

Car l’autre hypothèse, c’est que la nicotine pourrait aussi amoindrir la réponse immunitaire excessive qui caractérise les cas les plus sévères.

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