La mort d’Yves Coppens, codécouvreur de Lucy et infatigable ambassadeur de la paléontologie – Le Monde

Le paléontologue Yves Coppens, à son domicile, à Paris, le 2 décembre 2016.

« Comme à toute personne, comme, à plus forte raison, à tout scientifique voyageur, il m’est arrivé bien des aventures ! » Dès l’introduction de son dernier ouvrage, Une mémoire de mammouth (Odile Jacob, 448 pages, 24,90 euros), paru fin mai, où il narre une vie au service de la science, « compagne de charme et de rigueur », Yves Coppens adoptait le ton du conteur qui lui a valu la reconnaissance et l’affection du grand public.

Le paléontologue, professeur au Collège de France, est mort, mercredi 22 juin, à l’âge de 87 ans, a annoncé son éditrice, au nom de sa famille.

Yves Coppens est indissociablement lié à Lucy, une petite australopithèque vieille de 3,2 millions d’années, découverte en 1974 en Ethiopie, lors d’une mission internationale qu’il codirigeait avec l’Américain Donald Johanson et le géologue français Maurice Taieb. C’est ce dernier, mort en juillet 2021, qui avait mis l’équipe sur la piste de ce fossile bientôt considéré comme la grand-mère de l’humanité – ou sa grand-tante, selon les interprétations. Et Yves Coppens, qui avait capté en France l’essentiel de la lumière attachée à cette découverte, ne cachait pas la dette qu’il avait envers son contemporain, oublié des médias.

« Après le décès de Maurice Taieb et celui d’Yves Coppens, c’est une page de notre histoire qui se tourne. Il faisait le lien avec les pionniers de la paléontologie africaine tels que Camille Arambourg ou Louis Leakey », déplore Brigitte Senut, paléoanthropologue au Muséum national d’histoire naturelle. « Yves Coppens était quelqu’un d’élégant dans la vie et dans la science », souligne la codécouvreuse, en 2000, au Kenya, d’Orrorin tugenensis, un fossile d’homininé de près de 6 millions d’années. Il faisait, selon elle, partie de ces rares « patrons » à ne jamais imposer ses vues à ses étudiants et collaborateurs – il avait codirigé et dirigé ses thèses. « C’était aussi le premier vulgarisateur de notre discipline, pour laquelle il a fait énormément, salue-t-elle. Il ne sera pas remplacé. »

L’amour de l’humain

Le paléoanthropologue Michel Brunet partage la même émotion : « Je viens de perdre un ami très cher, mon coloc collégien du Collège de France. » Les deux hommes partageaient, en effet, rue d’Ulm, le même bureau, orné de reproductions de crânes et de souvenir d’expéditions lointaines – à son domicile, Yves Coppens faisait voisiner ces memorabilia avec une distinction du Journal de Mickey, « une de mes plus grandes fiertés ». « Nous n’avons jamais été ensemble sur le terrain, mais je suis allé sur ses traces en Afrique orientale et ensuite au Tchad, qu’il avait parcouru pendant son service militaire. »

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