La France se retire du Traité sur la charte de l’énergie, annonce Emmanuel Macron à Bruxelles – France Bleu

Le président Emmanuel Macron a annoncé ce vendredi 21 octobre, au terme du sommet européen de Bruxelles, le retrait de la France du Traité sur la charte de l’énergie, ratifié en 1994. “Dans le moment que nous vivons, nous devons plutôt accélérer et concentrer nos investissements sur : aller plus vite sur le renouvelable, aller plus vite sur l’efficacité énergétique, aller plus vite sur le nucléaire”, a expliqué le chef de l’État. Ce retrait intervient au lendemain de la publication d’un avis du Haut Conseil pour le climat qui appelait le gouvernement à sortir de ce traité. Cette convention, très décriée par les militants pour le climat, visait à sécuriser l’approvisionnement de l’Europe de l’Ouest en énergies fossiles. France Bleu vous explique en quoi consiste ce traité méconnu et pourquoi il est pointé du doigt par les associations de protection de l’environnement ainsi que les ONG. 

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En quoi consiste ce traité ?

Le Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) a été signé en 1994, à la fin de la Guerre froide, pour offrir des garanties aux investisseurs dans les pays d’Europe de l’Est et de l’ex-URSS. Cette convention visait à sécuriser l’approvisionnement de l’Europe de l’Ouest en énergies fossiles. Réunissant l’Union Européenne et 52 pays (d’Europe, d’Asie centrale, mais aussi la Turquie ou encore l’Australie), il permet à des entreprises de réclamer, devant un tribunal d’arbitrage privé, des dédommagements à un Etat dont les décisions affectent la rentabilité de leurs investissements, même lorsqu’il s’agit de politiques pro-climat. Il existe 146 litiges connus liés au TCE, pour les deux tiers intra-européens, et les compensations accordées dépassent les 42 milliards d’euros, selon Yamina Saheb, économiste contributrice du rapport du Giec (experts climat de l’ONU).

Un des cas les plus emblématiques s’est déroulé aux Pays-Bas. Après l’adoption d’une loi néerlandaise bannissant le charbon d’ici 2030, l’énergéticien allemand RWE avait réclamé 1,4 milliard d’euros à La Haye pour compenser ses pertes sur une centrale thermique. En septembre, l’Italie a été condamnée à verser une compensation de 180 millions d’euros à la compagnie pétrolière britannique Rockhopper, pour lui avoir refusé un permis de forage offshore. Des poursuites ont également été entamées contre la France par l’entreprise allemande Encavis AG suite à la modification des tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque en 2020.

Les géants du pétrole ou du charbon ont recours de manière croissante à ce type d’arbitrage pour récupérer leurs investissements et demander réparation pour leur manque à gagner, au fur et à mesure que des États diminuent la part des fossiles dans leur bouquet énergétique, soulignent les ONG. “Il ressort de plusieurs cas récents que cette charte et le traité qui s’ensuivait conduisaient à des mécanismes un peu spéculatifs et à des indemnisations importantes de certains acteurs”, a notamment expliqué Emmanuel Macron. 

Pourquoi est-il décrié par les associations environnementales ? 

“La France a décidé de se retirer du traité sur la charte de l’énergie, ce qui était un point important demandé par beaucoup”, a déclaré le chef de l’État en marge d’un sommet européen à Bruxelles. En effet, ce traité est jugé par plusieurs instances comme trop protecteur des énergies fossiles et incompatible l’accord de Paris
dont l’objectif est de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à deux degrés. Dans un avis rendu ce mercredi, le Haut Conseil pour le Climat (HCC), instance consultative française, avait estimé que ce texte nuisait à l’engagement des pays signataires “sur une trajectoire de décarbonation de leurs secteurs énergétiques respectifs à l’horizon 2030 et à la hauteur de l’ambition de l’Accord de Paris”. Pour les ONG environnementales, il oblige davantage les Etats à dépenser l’argent public pour indemniser les entreprises d’énergies fossiles au lieu de financer les énergies renouvelables. Sur franceinfo ce vendredi matin
, Pascal Canfin, eurodéputé Renew et président de la Commission Environnement du Parlement européen, a dénoncé ce traité et jugé “insupportable que des multinationales des énergies fossiles attaquent les États qui mettent en place des politiques climatiques qui sont demandées par tous les citoyens et qui sont une évidence absolue au regard des impacts que nous avons encore vus cet été”. 

Face à la multiplication des contentieux, les Européens se sont efforcés depuis 2020 de “moderniser” le texte. L’UE avait obtenu en juin que soit réformé ce Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) mais le compromis était jugé insuffisant par les ONG, qui ont alors demandé aux Européens de s’en retirer. Plusieurs journaux, dont le journal L’Humanité,
ont d’ailleurs publié sur leur site ce jeudi, une “Lettre aux membres du gouvernement endossée par les organisations de la société civile” signée par de nombreuses associations et ONG. Cette lettre demandait expressément à la France de se retirer du traité. 

La France est-il le seul pays à quitter le traité ? 

La France n’est pas le seul pays à avoir pris la décision de quitter cette convention. Les Pays-Bas ont déjà annoncé ce mercredi qu’ils se retireraient du traité, tout comme l’Espagne. La Pologne a également lancé une procédure parlementaire pour le quitter. La Russie s’était déjà retirée du traité en 2009, suivie de l’Italie en 2016. Dans son avis, le HCC demande un retrait plus large : “Le retrait coordonné du TCE par la France et les Etats membres de l’UE apparaît comme l’option la moins risquée pour permettre l’atteinte des objectifs climatiques et le respect des rythmes de décarbonation nécessaires à l’horizon 2030”. 

Reste la question épineuse de la “clause de survie” du TCE pour protéger encore pendant 20 ans, après le retrait d’un pays signataire, les installations d’énergies fossiles couvertes par le traité.

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