La France pleure ses soldats – Le Figaro

Le chef doit être au plus près de ses hommes. Surtout quand la mort frappe. Alors le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, s’est envolé mercredi pour Gao au Mali. Deux jours plus tôt, lundi soir, treize militaires français sont morts dans un accident impliquant deux hélicoptères au cours d’une opération de combat.

La ministre des Armées, Florence Parly, doit, elle aussi, se rendre sur place. «Nous nous sentons charge d’âmes», a-t-elle commenté mardi lors d’une conférence de presse dans une ambiance pesante. Un hommage national aux Invalides présidé par le chef de l’État, Emmanuel Macron, sera rendu aux militaires «dans les prochains jours», a-t-elle ajouté. «Ces treize héros n’avaient qu’un seul but: nous protéger», a commenté sur Twitter le chef de l’État.

Emmanuel Macron avait prévu de préciser «dans les semaines à venir» sa stratégie pour le Mali. La tragédie de lundi soir risque de précipiter le débat sur le rôle de l’armée française. Engagée depuis six ans au Sahel dans le cadre des opérations «Serval» puis «Barkhane» (depuis 2014) destinées à ramener la sécurité dans la région, celle-ci est menacée par l’impasse politique. Malgré l’action militaire de ces 4500 hommes, la sécurité se dégrade au Mali, mais aussi au Burkina Faso, alors que se multiplient les tensions sociales et inter-ethniques. «L’armée n’a pas vocation à compenser les défaillances de l’État malien», commente un observateur proche du terrain. Sans objectif clair, elle risque de se trouver «indéfiniment» prisonnière d’une opération sans issue avec les morts et les coûts qui vont avec, dit-on.

L’armée vient ainsi d’enregistrer ses plus lourdes pertes. L’accident porte à 41 le nombre de militaires morts au Sahel depuis 2013

À gauche, La France insoumise a demandé, tout en exprimant «son émotion», l’ouverture d’une «discussion sérieuse et rationnelle pour envisager les voies de sortie». Les autres groupes politiques ont respecté le moment d’unité nationale. Des témoignages de solidarité ont été adressés à la France d’Europe ou des États africains de la région.

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«L’heure n’est pas au questionnement sur le bien-fondé ou pas de l’opération», a assuré Florence Parly mardi. À l’Assemblée nationale, où une minute de silence a été observée, le premier ministre, Édouard Philippe, a défendu, face aux doutes naissants, l’action militaire française au Sahel. «Sans une présence militaire, sans une capacité à confronter l’ennemi, sans une capacité à déstabiliser ses routes, ses caches d’armes, ses regroupements, nous ne pouvons pas garantir le travail par ailleurs indispensable de stabilisation politique et de développement économique», a-t-il déclaré. L’hypothèse d’un retrait n’est pas d’actualité. La France espère plutôt pouvoir partager le fardeau avec les armées locales et ses partenaires européens.

En attendant, l’armée française est bien la seule à pouvoir dominer le terrain. Jusqu’alors, son action était saluée pour son efficacité contre les groupes terroristes. Mais «Barkhane» n’est pas infaillible. L’armée vient ainsi d’enregistrer ses plus lourdes pertes. L’accident porte à 41 le nombre de militaires morts au Sahel depuis 2013. Au sein de l’institution militaire, on craint une contre-réaction de l’opinion, qui fragiliserait la mission française. «Nous sommes debout, unis, résilients», a déclaré la ministre des Armées, Florence Parly. «Cette solidarité nous rend forts et nous permet de mener le combat», a-t-elle ajouté.

Des conditions opérationnelles «très exigeantes»

Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances exactes de l’accident de lundi soir. Mais mardi, le général Lecointre dressait déjà un panorama général du drame.

Depuis le 22 novembre, un groupement commando parachutiste se trouvait sur la piste de terroristes dans la région du Liptako, près d’Indelimane. Le groupe État islamique au Grand Sahara (EIGS) sévit dans la zone, théâtre de combats meurtriers pour l’armée malienne ces dernières semaines. Vers 17 h 15 (heure locale), le groupe ennemi est repéré. Il est «équipé d’un pick-up et de plusieurs motos», a raconté le général Lecointre. Très rapidement, les militaires français «entrent en contact par le feu».

Vers 18 heures, un hélicoptère Cougar, avec une «équipe d’extraction», entre en scène en appui ainsi que deux hélicoptères Tigre en mission de reconnaissance à basse altitude. Il fait nuit noire ; l’obscurité est totale: «niveau 5», soit le maximum, dit-on en langage militaire. Les conditions opérationnelles «sont très exigeantes», a souligné le général.

Vers 18h38, deux engins, le Cougar et un Tigre, entrent en collision. Au sein de l’état-major, on rappelle que les engins ne sont pas équipés de dispositifs anticollisions, compte tenu des opérations dans lesquelles ils sont engagés. On assure aussi qu’aucun tir venu des terroristes n’est à l’origine de l’accident. Quoi qu’il en soit, les deux boîtes noires ont été récupérées. L’enquête permettra de répondre aux questions. Le général Lecointre a rappelé que les pilotes des hélicoptères connaissaient le théâtre d’opérations et disposaient de l’expérience nécessaire.

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Mardi, l’opération contre le groupe terroriste était « toujours en cours  »

L’état-major

Aucun des militaires embarqués n’a survécu. Ces hommes appartenaient à des unités de haute volée: sept au 5e Régiment d’hélicoptères de combat (5e RHC), quatre au Groupement commandos montagne (GCM) du 4e Régiment de chasseurs (4e RCH), un opérateur GCM du 93e Régiment d’artillerie de montagne (93e RAM) et un opérateur GCM du 2e Régiment étranger du génie (2e REG). Parmi eux, le sénateur et ancien ministre Jean-Marie Bockel a perdu son fils.

Mardi, l’opération contre le groupe terroriste était «toujours en cours», expliquait-on au sein de l’état-major. Les terroristes n’étaient pas encore neutralisés. Les militaires français de leur côté s’efforçaient de sécuriser la zone. Les dépouilles des soldats morts ont été évacuées.

L’accident est l’incident le plus grave pour l’armée depuis l’attentat contre le Drakkar au Liban en 1983, qui avait fait 58 morts. L’embuscade d’Ouzbin, en 2008 en Afghanistan, avait causé la perte de 10 soldats. Ces attaques avaient choqué l’armée et l’opinion.

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