« La France a un problème avec l’inceste » : avec #metooinceste, des dizaines de milliers de Tweet libèrent la parole – Le Monde

A Givors, près de Lyon, le 24 avril 2020.

Muriel Salmona a passé le week-end sur son portable. Des heures durant, la psychiatre spécialiste des violences faites aux femmes et aux enfants a consulté compulsivement les dizaines de milliers de Tweet publiés avec le mot-dièse #metooinceste. Elle a regardé éclore les histoires de tous ces Français, connus ou inconnus, petits comptes à quelques followers créés pour l’occasion, ou gros comptes leaders, qui racontent publiquement les agressions dont ils se disent victimes à 5, 8 ou 13 ans, par leur père, grand-père, frère, oncle ou cousin.

« Ça concrétise ce que l’on sait déjà, il y a tellement de victimes en France. C’est une bonne nouvelle, elles arrivent à parler, ça veut dire qu’elles se sont senties en sécurité pour affronter le poids du secret », s’enthousiasme la soignante. Elle-même a pour la deuxième fois évoqué les propres faits dont elle a été victime, pour montrer « que ce sont les personnes les plus saccagées qui se battent, les plus abîmées qui tentent de remettre le monde à l’endroit ».

Créer un élan

Caroline De Haas, militante au sein du collectif #NousToutes, a elle aussi eu du mal à dormir ce week-end. Cramponnée à son téléphone, à lire tous ces récits et à savoir que derrière les Tweet, il y a « tous ces gens fracassés, qui souffrent autant ». Pour rendre visible l’inceste après la publication du livre de Camille Kouchner, La Familia grande (Seuil, 208 p., 18 euros), paru le 7 janvier, elle a orchestré avec Madeline Da Silva, du même collectif, cette campagne #metooinceste sur les réseaux sociaux.

Autour de midi samedi 16 janvier, 180 personnes avaient pour consigne de tweeter en même temps, pour créer un élan. Le premier d’entre eux, c’était celui-là : « J’avais 5 ans. En une soirée, ce frère de ma mère a bouleversé ma candeur et assombri le cours du reste de ma vie. En une seconde, j’avais 100 ans. #metooinceste. »

Lire l’enquête : Olivier Duhamel, l’inceste et les enfants du silence

« C’est tout de suite parti hyperfort. D’habitude, un hashtag ça dure à peu près trois heures, là dimanche soir ça continuait encore. On est toujours surpris quand une campagne rencontre autant une réalité, mais en même temps on le sait, la France a un problème avec l’inceste. Et ces Tweet ne sont qu’une petite partie de la réalité du problème », assure Mme De Haas.

« Je l’attendais, je l’espérais », explique de son côté Charlotte Pudlowski, journaliste et autrice d’un podcast sur le sujet, « Ou peut-être une nuit », qui sera adapté en livre à l’automne chez Grasset. « Le mécanisme de la parole qui en libère plein d’autres est connu, il y a moins l’effet de sidération qu’en 2017 avec #metoo, mais ça reste bouleversant de lire toutes ces souffrances tues depuis si longtemps », analyse la cofondatrice du studio de production de podcasts Louie Media.

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