La dépendance des autorités allemandes à Microsoft pose question

La dépendance des autorités allemandes à Microsoft pose question

Une étude commandée par le ministère allemand de l’Intérieur a confirmé ce que de nombreuses voix soutiennent depuis longtemps : le gouvernement allemand est trop dépendant des logiciels made in Microsoft. Le ministère allemand de l’Intérieur a demandé au cabinet de conseil en management PricewaterhouseCoopers (PwC), de réaliser une “analyse stratégique de marché sur la réduction de la dépendance vis-à-vis des fournisseurs de logiciels uniques”.

Le long de ce document de 34 pages publié hier, les chercheurs concluent qu'”à tous les niveaux” le gouvernement allemand est “fortement dépendant” de très peu de fournisseurs de logiciels. Si ce n’est Microsoft et ses programmes Office et Windows, qui fonctionnent sur 96 % des ordinateurs des fonctionnaires. Cette dépendance se traduit par des “points de pression au sein du gouvernement fédéral, qui vont à l’encontre des objectifs stratégiques du gouvernement en matière de nouvelles technologies”, note le rapport. Avant d’aller plus loin, en soutenant que ces préoccupations concernant la sécurité de l’information chez Microsoft pourraient “mettre en danger la souveraineté numérique du pays”.

Cette observation n’est pas nouvelle. La dépendance de l’administration allemande à l’égard de Microsoft a déjà fait l’objet de nombreuses critiques, dont la plus récente cet été, lorsque les ministres ont accepté de prolonger les contrats avec Microsoft jusqu’en 2022. En 2018, le gouvernement central avait dépensé 73 millions d’euros en licences Microsoft, soit environ 25 millions d’euros de plus que le budget prévu – et ce, sans compter le coût de la fourniture de logiciels Microsoft aux collectivités locales allemandes, dotées de bien plus de pouvoir que nos collectivités françaises. Comme l’ont souligné les membres de l’opposition allemande, le total s’élève à des centaines de millions d’euros, directement issus de l’argent des contribuables allemands.

Des autorités allemandes pieds et poings liés à Microsoft

Outre les préoccupations financières des autorités allemandes, celles-ci avancent aussi des préoccupations politiques. Malgré tous leurs efforts, la Conférence allemande sur la protection des données, ou BSK, un groupe de responsables de la protection des données nommés par l’État qui tentent de déterminer si Windows 10 est conforme aux réglementations nationales, n’a pas été en mesure de savoir exactement quels diagnostics, ou informations télémétriques, Microsoft collecte et où il est envoyé.

Réagissant au rapport de PwC, Microsoft a déclaré au journal Tagesspiegel que l’entreprise n’est là que pour soutenir le gouvernement allemand et pour “améliorer les services aux citoyens”. Ses clients avaient fait le choix de les utiliser, et de toute façon, selon la déclaration de Microsoft, même l’étude de PwC indique qu’il n’y a “aucune option réaliste” de sortie qui puisse être mise en œuvre à moyen terme. Un manque de plan B reconnu par le ministère de l’Intérieur allemand, dont un porte-parole a indiqué au même journal que les autorités n’ont pas l’intention de cesser d’utiliser Microsoft dans un avenir proche.

Au lieu de cela, il y aurait d’autres négociations avec les fournisseurs de logiciels, y compris Microsoft, portant sur les options suggérées dans le rapport réalisé par PwC. “Nous évaluerons également des programmes alternatifs, afin de pouvoir remplacer certains logiciels”, a ainsi fait savoir le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer dans un communiqué. “Cela se fera en étroite coordination avec les États [allemands, NDLR] et l’UE”, a-t-il soutenu. La souveraineté numérique représente un défi particulier pour le gouvernement allemand, a de son côté déclare Sidonie Krug, porte-parole pour les affaires politiques chez Eco, l’association de l’économie Internet allemande, interrogée par ZDNet.

Le recours aux logiciels libres, un plan B à étudier

“Le système fédéral signifie que pratiquement chaque état et même chaque district a son propre système informatique”, a reconnu cette dernière. Même au niveau fédéral, la hiérarchie des responsabilités en matière de TI crée un long processus décisionnel qui peut retarder les changements nécessaires. “C’est pourquoi nous disons depuis des années qu’un ministère des affaires numériques est nécessaire “, a-t-elle affirmé.

Une opinion partagée par Bernhard Rohleder, directeur de Bitkom, une association représentant plus de 2 600 entreprises allemandes, qui a de son côté affirmé que la souveraineté numérique n’est pas décidée par le système d’exploitation fonctionnant sur l’ordinateur d’un fonctionnaire. “Il s’agit de pouvoir choisir librement, et d’avoir la capacité de produire, des produits informatiques.” Le directeur de Bitkom a estimé que les conclusions de ce rapport mettent surtout en lumière le rôle de leader perdu de l’Allemagne dans les technologies critiques.

Le rapport de PwC a présenté au gouvernement allemand différentes option pour se défaire de cette dépendance à Microsoft. Celles-ci portent notamment d’établir un cadre et des règles pour l’utilisation future d’autres logiciels, en particulier les logiciels libres. Une autre option consiste à négocier des accords individuels avec les fournisseurs de logiciels. A titre d’exemple, le ministère néerlandais de la Justice a ainsi conclu un accord avec Microsoft sur la sécurité des données télémétriques, tandis que le gouvernement israélien avait conclu un accord similaire portant sur le coût du stockage dans le Cloud.

Article “Microsoft poses threat to Germany’s digital sovereignty, warns study” traduit et adapté par ZDNet.fr

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