La confiance dans le numérique est en berne et les entreprises en font les frais

La confiance dans le numérique est en berne et les entreprises en font les frais

Alors que la confiance des Français dans le numérique ne franchit toujours pas le plafond de verre des 40 % (37 % cette année), les usages numériques continuent paradoxalement de progresser, révèle la 10 e édition du baromètre annuel de l’Acsel, présenté ce mardi à Bercy.

Une hausse de la fréquentation des usages les plus établis est flagrante dans les secteurs de l’administration, de la banque et du e-commerce. Mais les internautes ont tendance à se détourner des réseaux sociaux, ternis par les scandales du type Cambridge Analytica. Selon le baromètre, 18 % des utilisateurs de réseaux sociaux affirment être allés jusqu’à désactiver leur compte.

La hausse des usages numériques a contribué à généraliser le partage des données personnelles en ligne. Les internautes disent se méfier principalement du piratage de leurs données, de la consultation abusive des données personnelles et de l’usurpation de leur identité. Une peur, qui, selon le baromètre, s’avère fondée, puisque 28 % des internautes ont été confrontés par le passé à une personne usurpant leur identité, alors que le piratage bancaire a augmenté de 20 % et l’usurpation d’identité de 10 % depuis 2013.

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Le RGPD a peu convaincu

Depuis deux ans, la mise en place du RGPD n’a pas convaincu les usagers d’adopter une attitude plus sereine, même s’il a contribué dans une certaine mesure à généraliser les connaissances du public en matière de protection des données. Près de 43 % s’estiment plus confiants depuis la mise en place du règlement européen et un peu plus de la moitié (52 %) estime au contraire que les sites internet informent mal sur la collecte et l’utilisation des données.

« Seuls trois Européens sur dix sont au courant de leurs nouveaux droits en matière de protection des données », constate Denise Lebeau-Marianna, avocate associée chez DLA Piper. Pour elle, il faudrait « trouver des solutions technologiques complémentaires pour mieux contrôler l’accès aux données ».

Le Cloud ne contribue pas non plus à calmer cette méfiance. « On constate que les usagers attendent que les données soient traitées en France », observe Ludovic Francesconi, responsable du service marketing et innovation chez CB.

Pour Romain Liberge, CDO du groupe Maif, il faut « remettre la donnée chez les utilisateurs. Nous pensons qu’il y a une génération de services innovants qui pourraient s’organiser autour de Cloud personnels », explique-t-il.

Travailler le volet pédagogique

La défiance dans le numérique est à la fois liée « à la perte de la confiance dans les institutions et à une incompréhension générale de la grammaire de l’Internet », indique Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du Numérique.

Pour Muriel Barnéoud, directrice de l’engagement sociétal du groupe La Poste, le degré de confiance est aussi intrinsèquement lié à la perception des marques.

Dans les secteurs de la banque et de l’assurance, la confiance a tendance à s’effriter. « Dans la banque, on se bat pour avoir les numéros et les adresses e-mail de nos clients, et nous avons du mal à les obtenir alors que les internautes les donnent facilement aux acteurs du e-commerce », constate Frédéric Burtz, directeur adjoint de la direction digital et data, directeur de la 89C3 Factory, responsable des “usages avancés de la data et IA” du groupe BPCE.

Le sujet de confiance est d’autant plus crucial que les systèmes d’authentification bancaires sont voués à évoluer au bénéfice des systèmes à deux facteurs, compte tenu de la directive des services de paiement.

La Maif opte quant à elle pour plus de transparence. Afin de « casser le phénomène de boîte noire, nous essayons de privilégier les technologies open source, auditables », indique Romain Liberge.

Les entreprises travaillent par ailleurs sur le volet pédagogique. « Nous travaillons sur l’inclusion du public pour favoriser le développement de ces nouveaux usages » poursuit Romain Liberge. « On ne peut pas parler de confiance sans faire de pédagogique », acquiesce Ludovic Francesconi. Même son de cloche du côté de Katya Lainé, CEO de Kwalys.com, qui affirme que c’est aussi aux fabricants de « faire en sorte que cette confiance augmente en assurant l’information et la pédagogie du grand public ».

L’intelligence artificielle est perçue plus favorablement que les réseaux sociaux

Près de 48 % des personnes interrogées disent avoir confiance en l’IA pour améliorer la sécurité des réseaux et des sites, 42 % pour favoriser la prévention des risques médicaux et 41 % pour améliorer la relation client. L’Etat, les établissements de santé et les banques se placent en tête pour la confiance des Français dans l’usage de l’IA, alors que les Gafam, entreprises du numériques et réseaux sociaux sont en bas de l’échelle.

L’intelligence artificielle est ainsi mieux perçue du public que les réseaux sociaux, révèle le baromètre, précisant en ce sens que le degré de confiance a tendance à baisser proportionnellement à la connaissance d’un usage ou d’une technologie. « Il nous apparaît clairement que l’IA, usage à mi-chemin de l’efficacité et du fantasme, rentre parfaitement dans ce cycle en bénéficiant d’une confiance plus forte en cet instant car ses mécanismes sont encore peu connus », précise Ludovic Francesconi.

Si une réglementation autour de l’IA doit encore être élaborée, certains s’inquiètent d’une régulation qui serait trop contraignante. L’idéal, pour Eric Barbry, avocat associé chez Racine, serait de travailler sur « une auto-discipline régulée. On pourrait imaginer une régulation qui laisse aux entreprises le choix de mettre en place en interne pour favoriser les comportements éthiques, et de demander à une autorité de régulation de contrôler ces pratiques ».

D’une façon générale, le corpus législatif français est « encore loin d’être adapté au monde dans lequel nous vivons », rappelle Cédric O.

L’un des prochains grands volets réglementaires concerne l’identité numérique, qui devrait arriver à échéance en juin 2021, avec l’arrivée des nouvelles cartes d’identité numériques. « La question de l’identité numérique est nécessaire pour développer un certain nombre de services dans le secteur public comme privé », explique Cédric O. Selon le ministre, c’est à l’Etat de se charger du sujet de l’identité numérique, sous peine de voir d’autres organisations s’en occuper.

La régulation des plateformes numériques est également regardée de près en ce moment au niveau européen, afin de faire émerger « une régulation spécifique des organisations structurantes et systémiques », poursuit Cédric O. Là encore, le temps long est de rigueur et Cédric O s’attend à ce que les discussions prennent « un an ou deux ans » avant d’aboutir à une régulation « pour les 20-30 années à venir ».

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