Jordan Bardella, l’ascension en trompe l’oeil d’un surdoué des plateaux – Le HuffPost

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FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

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Jordan Bardella lors d’un déplacement à la Foire de Châlons le 10 septembre (illustration)

POLITIQUE – Impossible d’être passé à côté. Il les a enchaînés, les portraits qui lui tracent une trajectoire stratosphérique. Avant même l’issue du XVIIIe Congrès du Rassemblement national qui se tient ce samedi 5 novembre à Paris, Jordan Bardella est annoncé largement vainqueur face à l’historique Louis Aliot, les spéculations portant uniquement sur l’écart avec son poursuivant. « La question, c’est l’ampleur de sa victoire », résumait un cadre du RN à l’Agence France Presse ces derniers jours.

Trop facile, comme son ascension au sein du parti d’extrême droite. Le maire de Perpignan, fort de son bagage militant, de son expérience d’élu et de sa connaissance des rouages frontistes, pouvait difficilement résister face à la coqueluche des cadres, qui avait été choisi par Marine Le Pen en personne pour assurer l’intérim durant la présidentielle, alors que Louis Aliot (déjà) s’y voyait bien.

À 27 ans, l’eurodéputé a donc tout pour lui. La présidence de plein exercice du Rassemblement national, un fan-club de députés RN acquis à sa cause à l’Assemblée et une proximité affichée avec la patronne Marine Le Pen, qu’il présente volontiers comme une deuxième maman.

Gendre idéal

Cerise sur le gâteau lepéniste, le jeune homme dispose d’un zest de filiation qui ne gâche rien. Il est en couple avec Nolwenn Olivier, fille de Marie-Caroline Le Pen et de Philippe Olivier (conseiller spécial de l’ex-présidente du RN), et petite-fille de Jean-Marie Le Pen. Dans Paris Match, le magazine des ambitieux, on apprend même qu’il lui prépare des plats italiens.

Une image lisse de gendre idéal qui correspond en tout point avec la « normalisation » que cherche à acquérir Marine Le Pen. Pur produit du « marinisme », Jordan Bardella a parfois été décrit comme un robot, un « cyborg », taillé sur mesure pour incarner l’avenir du Rassemblement national.

D’où cette ascension éclair, en dépit d’un déficit de formation universitaire (il n’est pas allé au bout de sa licence de géographie et a échoué à intégrer Sciences Po) et d’expérience professionnelle, offrant aux responsables politiques un vécu à faire valoir.

Sa réelle plus value, c’est sa précocité. Engagé au FN depuis l’âge de 16 ans, il n’a cessé de gravir les échelons internes dans un parti en mal de cadres. Trois ans plus tard, en 2015, tout s’accélère. Il est nommé secrétaire départemental, chez lui, en Seine-Saint-Denis. Il colle des affiches, milite et fait la démonstration de son dévouement.

Le natif de Drancy, qui soigne son image d’enfant du 93, se présente deux fois dans ce département hostile au FN. Aux départementales, puis aux régionales, en prenant la tête de liste FN en Seine-Saint-Denis, sous la houlette de Wallerand de Saint-Just, candidat en Île-de-France. Une élection qui lui permet d’obtenir son premier mandat dans un parti où les places éligibles sont chères : conseiller régional. Jordan Bardella a 19 ans.

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JOEL SAGET / AFP

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Jordan Bardella photographié le 5 novembre 2015 en compagnie de Wallerand de Saint Just à Aulnay-sous-Bois (illustration).

« Le meilleur d’entre nous »

Deux ans plus tard, en 2017, Marine Le Pen le prend dans son équipe de campagne pour la présidentielle. Il entre à la Cour. Pour de bon. La même année, il est investi aux élections législatives, toujours dans son département de Seine-Saint-Denis. Une défaite, certes, mais une réputation qui se forge.

Avec 15,06 % des voix, il arrive à la 3e place, devant le médiatique (et à l’époque candidat LFI) avocat Juan Branco. Un an plus tard, alors que le Front national change de nom, le voilà à la tête du Front national de la Jeunesse, bientôt rebaptisé « Génération nation ».

Jordan Bardella devient alors l’un des visages médiatiques du FN, dans un contexte où l’omniprésent Florian Philippot a mis les voiles pour fonder Les Patriotes. Maîtrisant parfaitement les éléments de langage qu’il débite avec une aisance déconcertante, l’intéressé incarne à merveille son rôle de vitrine sur les plateaux de télévision.

Ce qui incite Marine Le Pen à le mettre sur orbite, en lui confiant la tête de liste eux élections européennes de 2019. Avec 23,34 %, la liste « Prenez le pouvoir » arrive devant celle de LREM. Trois ans plus tard, il se permet de livrer un réquisitoire face à Emmanuel Macron devant la représentation européenne. Il est debout, le chef de l’État est assis. Il l’écoute, avant de le renvoyer dans ses cordes.

« Il est vraiment impressionnant, c’est le meilleur d’entre nous », loue auprès du HuffPost Gaëtan Dussausaye, arrivé au FN en même temps que Jordan Bardella.

« Même quand on le connaît depuis longtemps, on est étonné par sa capacité de travail. Il connaît ses dossiers sur le bout des doigts, il est redouté sur les plateaux de télévision et il a un très bon sens politique », poursuit celui qui l’a précédé à la tête du FNJ.

Des sorties de route et une occasion manquée

Pourtant, le jeune homme n’a pas tout le temps fait la démonstration de cette infaillibilité politique vendue par ses admirateurs. « Didier Raoult est à la médecine ce que nous sommes à la politique » , ose en mai 2020 Jordan Bardella, alors que le professeur marseillais est déjà critiqué par la communauté scientifique.

Une sortie qui lui revient comme un boomerang, à l’aune de la disgrâce du chantre de l’hydroxychloroquine. Lors de la campagne des élections régionales en 2021, celui qui est loué en interne pour la maîtrise de ses sujets se retrouve coincé en plein direct comme un débutant sur l’une des mesures phares de son programme pour l’Île-de-France.

Plus récemment, c’est la promesse de poursuivre tous ceux qui insinuent des liens de connivence entre le Rassemblement et la Russie qui s’est retournée contre lui. Approximation toujours quand le prodige du RN fait de Kylian Mbappé un « modèle d’assimilation », alors que la star du PSG est née et a grandi en France.

Au-delà de ces sorties de route en plateau, risque consubstantiel à l’exercice, son flair politique peut également laisser à désirer. Pour les législatives de 2022, le jeune homme lorgne ostensiblement sur la quatrième circonscription du Var, puis finit par laisser tomber. Or, c’est dans cette même circonscription que l’inconnu Philippe Lottiaux (RN) a battu à plate couture un certain Éric Zemmour.

Un scalp symbolique et une victoire qui auraient permis à Jordan Bardella de faire partie de ceux qui ont forgé l’entrée en force des 89 députés RN à l’Assemblée. Las, c’est en visiteur que l’intéressé parcourt les couloirs du Palais Bourbon, pendant que d’autres étoiles montantes du parti, comme Jean-Philippe Tanguy ou Alexandre Loubet, prennent la lumière dans l’hémicycle, dans un contexte où les projecteurs politiques sont constamment braqués vers l’Assemblée.

Une victoire aux législatives aurait surtout chassé les accusations distribuées sous le manteau par le camp de Louis Aliot, qui soulignaient que ce prodige du RN ne devait ses mandats électoraux qu’à des scrutins de liste, et qu’il n’avait jamais été élu sur son propre nom. Cela devrait être le cas ce samedi – mais en interne au RN, et non devant les Français.

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