«J’étouffe» : les derniers mots de Cédric Chouviat qui mettent à mal la défense des policiers – Le Parisien

Les images sont insoutenables. « J’étouffe », répète plusieurs fois Cédric Chouviat à l’attention des policiers qui l’interpellent. La nouvelle vidéo révélée par le journal Libération ce mardi risque bien de mettre à mal la défense des policiers dans l’affaire de la mort du livreur il y a deux ans. Alors que les agents mis en cause ont toujours affirmé ne pas avoir entendu les supplications de la victime, les images visibles dans la vidéo filmée par le propre téléphone portable du coursier permettent d’entendre assez clairement ses cris. Il répète pas moins de neuf fois « j’étouffe ».

Le père de famille de 42 ans avait été plaqué au sol le 3 janvier 2020 avec son casque de moto sur la tête lors d’un contrôle policier près de la tour Eiffel, provoquant son malaise. Hospitalisé dans un état critique, il était déclaré mort le 5 janvier.

Cette vidéo issue du téléphone de Cédric Chouviat, déjà versée au dossier, permet également de voir la scène du point de vue du coursier. Dans ce document d’enquête qui dure au total une dizaine de minutes, on peut entendre le ton monter au fil de la discussion entre l’homme et les forces de l’ordre jusqu’à des insultes mutuelles. L’escalade se fait des deux côtés. Puis on voit l’homme se retrouver au sol, policiers sur le dos et casque sur la tête, répéter à plusieurs reprises « j’étouffe ». Impossible en revanche de dire si les policiers ont pu l’entendre.

« Une minute quarante-cinq de clef d’étranglement et de plaquage ventral. Une minute quarante-cinq de sauvagerie. Cette sauvagerie, c’est aussi celle du ministère de l’Intérieur dont les instructions tuent en France », avait déjà commenté lundi l’un des avocats de la famille, Me Arié Alimi.

La publication de ces images intervient le lendemain de la révélation d’une nouvelle expertise médicale sur la mort du livreur Cédric Chouviat qui a confirmé la responsabilité des trois policiers, laissant au juge d’instruction la question de leur caractère volontaire ou non. Dans ce document daté du 8 janvier, les cinq experts médicaux mandatés par le juge retiennent comme cause du décès une « association simultanée de plusieurs facteurs » découlant des gestes d’interpellation ayant « abouti à une privation très rapide d’oxygène au cerveau ».

Ni les gestes d’interpellation lorsqu’il était encore debout ni sa chute n’ont « occasionné de malaise », selon les experts. « La problématique naît à partir du moment où la victime, obèse avec un cou court et un casque sur la tête attaché sous le menton, se retrouve en position ventrale avec un maintien et un appui en région dorsale, un avant-bras passé en avant du cou qui soulève le corps pour dégager les bras et les ramener dans le dos, dans une atmosphère générale de stress avec opposition et lutte », résument-ils d’une phrase. Pour eux, c’est bien au sol que la mort de Cédric Chouviat s’est jouée : le mouvement d’avant en arrière de l’ « avant-bras passé sous le menton » aurait engendré un « écrasement mécanique de la trachée » et de la « carotide ».

Homicide « involontaire » ou « volontaire » ?

Trois des quatre policiers qui ont participé au contrôle ont été mis en examen en juillet 2020 pour « homicide involontaire » et ont été placés sous un contrôle judiciaire leur interdisant d’entrer en contact avec d’autres membres de l’équipe d’intervention, selon une source judiciaire. Une quatrième policière a été placée sous le statut de témoin assisté.

Reste la question soulevée par la famille de la victime : y a-t-il eu intentionnalité des violences de la part des policiers ? Les proches de Cédric Chouviat leur reprochent de n’avoir pas réagi assez vite aux signes manifestes d’asphyxie de la victime, qui a dit neuf fois « j’étouffe » en treize secondes avant de faire un malaise. Pour savoir si les policiers étaient en mesure d’entendre les cris d’agonie du livreur, ce qu’ils contestent, une reconstitution des événements, qui devrait insister sur l’aspect auditif, devrait être organisée prochainement, selon des sources concordantes. Pourrait alors se jouer une requalification des faits en « violences volontaires ayant entraîné la mort », un crime passible des assises, comme le demande la famille.

Sollicité, Me Laurent-Franck Lienard, avocat de deux des policiers, a réagi à la publication de la vidéo en déclarant au Parisien qu’il « s’agit à l’évidence d’une violation du secret de l’instruction » et « qu’une instruction judiciaire ne se fait pas par voie de presse mais dans le cabinet d’un juge ».

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