Jean-Luc Romero sur la fin de vie : “Alain Cocq se bat au-delà de lui-même” – LaDepeche.fr

l’essentiel La décision d’Alain Cocq, un patient souffrant d’une maladie incurable depuis 34 ans, de se laisser mourir a relancé le débat sur la fin de vie en France. Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et adjoint à la mairie de Paris, revient sur ce débat pour La Dépêche du Midi.

Alain Cocq qui souffre d’une maladie incurable depuis 34 ans a décidé de se laisser mourir suite au refus de l’Élysée de lui procurer une « assistance active » pour mourir. Quelle a été votre réaction ?

Évidemment, je me doutais que l’Élysée n’allait pas accéder à la demande d’Alain Cocq, ce n’est pas du pouvoir d’Emmanuel Macron étant donné que la loi ne l’y autorise pas pour l’instant. Mais on s’attendait, au vu de la situation d’Alain, à ce que l’on fasse une nouvelle loi sur la fin de vie. Par ailleurs, nous n’avons aucun plan concernant les soins palliatifs depuis 2018. Les lois en vigueur à l’heure actuelle ne répondent pas à beaucoup de cas. Alors qu’Emmanuel Macron refuse cette demande, je peux le comprendre. Mais Alain Cocq se bat au-delà de lui-même.

Qu’attendez-vous de la part de l’État concernant la fin de vie ?

On veut une loi qui touche toutes les situations, ainsi qu’un accès aux soins palliatifs pour au moins 95 % des malades qui en ont besoin. Aujourd’hui, à peine 20 à 25 % des malades qui demandent un accès à un lit en soins palliatifs l’obtiennent. On s’intéresse beaucoup dans notre pays au début de la vie, on y met les moyens. Par contre la fin de vie, j’ai l’impression que tout le monde s’en fout. Pour moi, le gouvernement ne s’intéresse pas aux patients. Nous avons eu deux ministres de la Santé qui se sont succédé et aucun d’entre eux n’a voté de nouveau plan. À part parler de la Covid-19, le ministre de la Santé est aux abonnés absents.

Par ailleurs, les soins palliatifs ne répondent pas à toutes les situations. Si on prend l’exemple d’Alain Cocq, il a des souffrances qui ne peuvent être soulagées. Ces douleurs-là sont insupportables. À côté des soins palliatifs, nous avons besoin d’un geste d’amour, un geste ultime pour ces gens-là qui n’en peuvent tout simplement plus. On ne peut pas continuer à vivre au gré des affaires.

Vous êtes le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). Qu’est-ce que ça signifie pour vous de “mourir dans la dignité” ?

Mourir dans la dignité, ça doit être du point de vue de chacun. Chacun doit pouvoir décider pour lui-même comment il souhaite partir. Il n’y a pas de définition universelle. Si vous êtes souffrant, mais que votre dignité n’est pas remise en cause, que vous estimez que votre plaisir à être en vie surpasse vos souffrances, alors tant mieux. Mais encore une fois, pour en revenir à Alain Cocq, il est cloué dans son lit depuis des années avec des souffrances qu’on ne pas soulager et lui estime que cette vie-là ne vaut pas la peine d’être vécue, qu’elle n’est pas digne.

Facebook a bloqué samedi la diffusion vidéo qu’Alain Cocq voulait faire de son agonie sur sa plateforme. Qu’en pensez-vous ?

Alain Cocq n’est pas le premier à crier son désespoir sur la fin de vie. Il y a d’autres affaires qui ont ému l’opinion. Je pense notamment à Vincent Lambert. Et nous avons bien vu avec la Covid-19 qu’une loi sur la fin de vie aurait été nécessaire. Je pense qu’Alain Cocq s’est dit que ce débat était important. C’est un geste très fort, très dur certes, mais c’est son choix et il a dû penser que ça pouvait faire avancer les choses. Ce n’est pas un suicide. Il a fait le choix de se laisser mourir et d’interrompre ses soins. La loi Kouchner l’y autorise. Il n’y avait aucun risque légal pour Facebook à autoriser cette diffusion, donc je ne comprends pas cette décision. Je pense que ça aurait montré les limites des lois actuelles, comme la loi Leonetti, qui ne fonctionnent pas.

Aujourd’hui en France, existent-ils des solutions pour les personnes souhaitant avoir recours au suicide assisté ou à l’euthanasie ?

Soit ils se suicident violemment, on voit notamment beaucoup de pendaisons. Je rappelle que nous avons le taux de suicide le plus fort de la zone OCDE chez les personnes âgées et les malades graves. Sinon, pour ceux qui ont les moyens, ils peuvent aller à l’étranger. Ce qui crée bien évidemment des inégalités. Un peu comme à l’époque pour les femmes avec l’avortement. Si vous avez de l’argent, vous pouvez aller en Suisse. On parle là d’un budget entre 12 000 et 13 000 euros. C’est votre droit, vous ne serez pas poursuivis. Mais malheureusement, ça ne concerne qu’une partie des gens, tout le monde n’en a pas les moyens.

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