Jean Daniel, fondateur du « Nouvel Observateur », est mort – Le Monde

Jean Daniel, au Musée Rodin à Paris, en mai 1979.

Jean Daniel, au Musée Rodin à Paris, en mai 1979. Sophie Bassouls / Leemage

Pour une fois, il s’était voulu modeste. A Martine de Rabaudy qui, dans Cet étranger qui me ressemble (Grasset, 2004), lui demandait s’il avait rédigé son épitaphe, il avait répondu : « Jean Daniel, journaliste et écrivain français ». « Point final », avait ajouté le fondateur du Nouvel Observateur.

Il fut en réalité bien plus que cela. « Jean Daniel s’est comporté dans le domaine du journalisme comme un homme d’Etat, a écrit Hubert Védrine dans Jean Daniel, observateur du siècle (éditions Saint-Simon, 2003). Voyez comme il parle du Proche-Orient, inlassablement, où chaque jour supplémentaire qui passe sans solution véritable est à la fois un scandale et une imbécillité politique. La façon dont Jean Daniel parle est au-dessus de ce que disent les hommes politiques les mieux inspirés, les plus courageux. C’est pour cette raison que je dis qu’il est dans son monde, une sorte d’homme d’Etat. »

Jean Daniel est mort mercredi 19 février, à l’âge de 99 ans, a annoncé L’Obs. Il était né le 21 juillet 1920, à Blida, « la petite fleur du Sahel », à une cinquantaine de kilomètres d’Alger. « Je ne suis pas né comme Camus sur les rivages de la Méditerranée mais au pied d’une montagne, écrira-t-il plus tard. La mer était une promesse à quinze kilomètres. Il me reste l’odeur du chèvrefeuille, le braiment de l’âne attelé à une carriole devant notre porte. »

« L’Algérie s’est arrachée de moi »

Blida, c’est aussi « la grande maison » dans laquelle, longtemps, il dormit dans la chambre de ses parents. « Onzième enfant, on ne m’attendait pas », disait-il. Plus tard, son père lui raconterait comment il avait enlevé sa mère, alors âgée de 15 ans. Pour la séduire, il lui avait dit que « l’eau de nos sources était plus limpide, les raisins plus doux, les figues plus pleines ». « Rien, écrit-il dans Le Temps qui reste (Stock, 1973), pas même le désir que j’avais de garder pour moi seul une mère que ce patriarche lointain ne songeait pas à me voler, ne nourrissait une révolte contre notre père. » Il ajoutait : « L’Algérie de mon père, c’est évidemment la mienne, la seule. »

Ce père qu’il respectait et admirait tant présidait le Consistoire israélite de Blida. « Il a admis que six de ses huit garçons épousent des non-juives. Les enfants de ces couples ont été pour les uns juifs, pour les autres catholiques. » Quand il est mort, « il a en même temps emmené Dieu avec lui. J’ai été ensuite condamné à l’incroyance. Quand ma mère est morte, l’Algérie s’est arrachée de moi ».

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *