«Je savais que l’on allait parler de moi» : le mari de Delphine Jubillar présent lors de la nouvelle battue – Le Parisien

Au départ, il n’avait pas forcément envie de se mêler aux copines de Delphine comme aux curieux qui ne manqueraient pas de répondre à l’appel. Pas envie non plus de croiser des regards en coin chargés d’arrière-pensées. Pourtant, Cédric Jubillar est bien là ce dimanche pour participer, lui aussi, aux opérations de recherche organisées dans le but de retrouver ne serait-ce qu’une trace de son épouse disparue il y a cinq mois dans la nuit du 15 au 16 décembre, à proximité d’Albi (Tarn).

Cédric Jubillar, 33 ans, à la fois victime, reconnue comme telle par l’autorité judiciaire qui lui a accordé le statut de partie civile fin avril, et aussi potentiel suspect. Casquette vissée sur la tête, dissimulé dans un premier temps derrière son masque chirurgical, le jeune homme se présente donc au lieu du rassemblement, à proximité du stade de football et de rugby, peu après 13h30.

Accompagné par deux amies, il se tient d’abord très en retrait du barnum où se sont regroupées les organisatrices du rassemblement. Manière d’être présent tout en restant dans l’ombre. Ses enfants, Louis (6 ans) et Elyah (2 ans depuis mardi dernier) sont à l’abri des regards chez leurs grands-parents paternels. « Que je vienne ou que je ne vienne pas, je savais que l’on allait parler de moi et me critiquer, souffle-t-il. Mais je me suis dit que c’était mieux que je vienne… »

Cédric Jubillar s'est d'abord tenu en retrait de la battue, avant d'intégrer un groupe.
Cédric Jubillar s’est d’abord tenu en retrait de la battue, avant d’intégrer un groupe. LP/Ronan Folgoas

Dans le même temps, les copines de Delphine Jubillar, rencontrées pour la plupart à l’école maternelle de Cagnac-les-Mines, se succèdent micro en main en une sorte d’hommage qui ne se veut pas funèbre. Surtout pas. Même si l’espoir raisonnable de la retrouver vivante confine désormais au néant. « Delphine, où que tu sois, tu es dans nos pensées et dans nos prières, souligne Emy, une voisine devenue amie au fil des dernières années. Tu es une belle personne, droite, attentive… Tu manques à tes enfants, à ta famille et à tes amis. On t’aime Delphine et on ne lâche rien. »

Puis « Mesdames », le tube de Grand Corps Malade que l’infirmière d’Albi affectionnait particulièrement, prend le relais, à peine concurrencé par le vent et la pluie. « À chaque invitation, tu réponds présente, à chaque appel au secours aussi, reprend Séverine, la voix charriée par l’émotion. Avec toi, il n’y a pas de peur à avoir, pas de superficialité à craindre. Merci à la vie de nous avoir offert une amie aussi précieuse. »

« Je penche pour l’hypothèse d’une mauvaise rencontre »

Chaussures de randonnée aux pieds, prêt à en découdre, Bernard, lui, ne connaissait pas Delphine Jubillar. Mais ce retraité, domicilié à Toulouse, se sent concerné et touché par le mystère de sa disparition. « J’étais déjà là lors de la première battue organisée fin décembre par les gendarmes et je tenais à être à nouveau présent, par solidarité. Peut-être parce que j’ai des enfants qui ont le même âge qu’elle… » Au fil de la discussion, il finit par donner son avis personnel sur l’affaire. « Je penche pour l’hypothèse d’une mauvaise rencontre, soupèse-t-il. Un rôdeur ou du moins une personne mal intentionnée qui la prend en voiture. Mais ce ne sont que des suppositions tout ça… »

Deux autres retraitées venues d’Albi développent un autre point de vue. L’une porte une canne, l’autre des chaussures de ville. Pas question de participer aux recherches, mais l’envie de témoigner de leur solidarité, elles aussi. Marie-Thérèse, marquée par les féminicides de l’actualité récente, suspecte qu’on pourrait un jour retrouver Delphine dans un des nombreux trous de mine qui parsèmeraient la région.

Un dernier point aux allures d’idée reçue selon le maire de Cagnac-les-Mines, Patrice Norkowski. « Nous sommes dans un ex-pays minier, rappelle l’édile. Donc, oui, il a existé des trous et des arrivées de canalisation qui servaient aux systèmes d’aération des mines. Mais ces trous ont été rebouchés depuis le temps ». Lui préfère ne se livrer publiquement à aucune spéculation sur l’enquête en cours. Sur place, deux gendarmes de Cagnac observent le rassemblement depuis leur voiture, sans aller au contact de la population.

Cédric Jubillar rebrousse chemin rapidement

Vers 14h30, la soixantaine de participants, sans compter la dizaine de journalistes présents, s’ébroue en direction du cimetière Saint-Dalmaze, toujours sur la commune de Cagnac. C’est le point de départ des recherches décidé par Hélène et les cinq autres organisatrices. Début mai, la gendarmerie a déjà fouillé un périmètre situé à proximité immédiate du cimetière. Sans succès. Cette fois, les copines de Delphine veulent profiter de la présence de plusieurs dizaines de personnes pour évoluer dans une vaste zone forestière relativement accidentée.

Anthony, militaire réserviste, encadre l’un des deux groupes. Après quelques dizaines de minutes de marche sur un terrain boueux et glissant, une participante s’interroge sur le bien-fondé des recherches. « Nous sommes quand même très loin de la première route et du premier parking, observe-t-elle. Comment une personne aurait-elle pu transporter en pleine nuit le corps de Delphine sur un parcours aussi difficile ? » Élisabeth, habitante des environs de Cagnac, dégaine une réponse dans la seconde. « Un ami gendarme m’a dit qu’il était possible qu’un meurtrier développe après son crime une force presque surnaturelle pour dissimuler son acte », propose-t-elle. Silence dans les rangs.

« Delphine, où que tu sois, tu es dans nos pensées et dans nos prières », ont témoigné ses amies.
« Delphine, où que tu sois, tu es dans nos pensées et dans nos prières », ont témoigné ses amies. LP/Ronan Folgoas

Après s’être glissé dans l’un des groupes, Cédric Jubillar a rapidement rebroussé chemin, peu convaincu semble-t-il par l’utilité de ce rassemblement de bonnes volontés. Quant à Jean-Baptiste, cueilleur de champignons et grand connaisseur de la forêt, lui est bien là, mais son esprit est ailleurs. « Mon pendule m’indique la présence du corps de Delphine sur la retenue d’eau de Fourogue, révèle-t-il. C’est aussi sur la commune de Cagnac. J’ai transmis cette information à la gendarmerie, mais je ne sais pas ce qu’elle en a fait… »

Au bout de deux bonnes heures, l’ensemble du groupe est de retour au point de départ. Bredouille. L’opération de recherches n’a fourni aucun résultat, mais elle a fait revivre le souvenir de Delphine. Au moins dans l’esprit de ses plus proches amies.

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