Jane la femme accomplie

Jane la femme accomplie La diffusion erratique de Teva avait rendu le visionnage de l’intégrale de Jane The Virgin très compliquée. Heureusement, les cinq saisons sont intégralement disponibles sur Netflix.

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Une télénovela adaptée

Chaque pays possède ses propres caractéristiques en matière de telenovelas même si on retrouve des points communs. Tout l’enjeu de Jane The Virgin était d’arriver à adapter pour les États-Unis et l’Europe, une série d’Amérique latine sans qu’elle soit ringarde. Le pari est réussi et tient sur cinq saisons d’une vingtaine d’épisodes chacune. L’un des points forts de la série est la prise en compte de l’actualité.

C’est ainsi qu’au détour d’un épisode, on entend une référence parfaitement claire et techniquement correcte de Silk Road. De la même manière, il est fait référence au Dark Web et de la façon dont Sin Rostro s’en sert pour recruter ses complices. Là encore, tout est techniquement correct. Il est assez amusant de constater que c’est dans une télénovela qu’on retrouve une meilleure représentation de l’informatique que dans des séries policières.

Lorsque l’ordinateur de Jane se retrouve noyé par le jus d’orange, elle l’amène chez un dépanneur, qui ne lui fait aucune promesse quant à la récupération de ses données. Alors que la série promet du rêve et du fabuleux, on est dans une situation parfaitement réelle, à savoir une panne matérielle accidentelle, dont on ne sait pas si elle est réparable.

Enfin, sur le chapitre numérique, il est impossible de faire l’impasse sur Rogelio qui est toujours autant obsédé par ses fans et ses followers. Il se fait plusieurs fois rappeler à l’ordre. Citons pour le plaisir le moment où il streame en direct le col de l’utérus de la future mère de son enfant. Héroïquement, cette dernière ne l’étrangle pas. Mais elle manque de le faire quand elle constate que Rogelio passe tout un après-midi à poster des photos de son bébé sur Twitter avec le plus de hashtags possibles.

Identification

L’avant-dernier épisode de la série est une sorte de bonus. Les acteurs principaux sont interviewés et expliquent tout ce que le show leur a apporté de positif, la façon dont ils se sont emparés de leurs personnages et les anecdotes de tournage. Andrea Navedo, qui interprète Xiomara, souligne que cette série était importante pour elle, pour deux raisons. La première est celle du traitement de l’immigration. Alba, la grand-mère de Jane, est entrée illégalement aux États-Unis et durant quatre saisons, elle est terrifiée par la police et la justice. Elle renonce même à faire valoir ses droits, car elle est persuadée qu’elle va être expulsée. La série ne s’interdit d’ailleurs pas de souligner que cette terreur est renforcée par l’accession à la Maison Blanche de Donald Trump.

L’autre raison est l’identification. Andrea Navedo dit que lorsqu’elle était petite, elle ne voyait pas à la télévision des gens qui lui ressemblaient, des Latinos, qui menaient une vie de famille normale. Cela lui a manqué et elle a apprécié jouer une femme qui vive avec son temps, tout en étant fière de ses racines. Elle en était d’autant plus fière que la série a fait une large place aux invités Latinos.

L’ensemble n’est pas caricatural alors que les telenovelas laissent grandement la place à l’exagération. C’est un genre télévisé qui permet de donner libre court à toutes sortes de fantaisies scénaristiques, y compris dans les traits de caractère. Pourtant, ce n’est pas sur ces points que la série va le plus délirer. On nous montre Alba, élevée dans la religion catholique et toujours très croyante, Xiomara, plus libre, car étant née aux États-Unis et Jane, la plus terre-à-terre, mais aussi la plus ambitieuse de la famille. Si l’action est évidemment centrée sur la famille Villanueva, les autres personnages sont tout aussi intéressants.

Métamorphose

On ne l’aurait pas parié en début de série, mais le personnage de Petra finit par devenir le plus attachant. De méchante au début du show, elle finit par s’humaniser au contact de Jane, au point qu’elles se considèrent comme des sœurs. Son évolution est intéressante. D’entrée de jeu, elle est très forte, quitte à prendre des libertés avec la morale ou la légalité. Au fur et à mesure, on comprend qu’elle ne le fait pas uniquement pour elle, mais pour protéger ceux à qui elle tient. Partie de rien – elle commence sa vie d’adulte en jouant de la musique dans la rue – elle finit à la tête d’une entreprise florissante, en se battant. Rafael la décrit forte comme un dragon, ce qui contraste avec son apparence physique gracile et délicate. Cela montre aussi qu’il faut toujours se méfier des dragons, ils peuvent vous surprendre.

Suivant la même courbe, Rafael gagne en épaisseur. Contrairement à Petra et à Jane, il a grandi dans le luxe et l’argent. Il en a toujours eu, il ne sait ce que c’est de compter ses sous. Les scénaristes vont donc prendre un malin plaisir à lui faire tout perdre pour qu’il réalise enfin ce qui est essentiel pour lui. Jane a manqué d’argent, mais jamais d’amour, pour Rafael, c’est l’inverse. Quant à Petra, elle a manqué des deux. Il va comprendre qu’il aspire simplement à une vie de famille heureuse et simple. Rafael et Petra vont gagner en maturité. Leur amour passé va se transformer en amitié profonde et sincère. Jane va également comprendre qu’il lui arrive de juger sévèrement les autres, tout en profitant parfois des avantages de leur style de vie et se remettra en question.

Dès le départ, on sait que Jane veut devenir écrivain, mais la peur de manquer la pousse à être raisonnable. C’est aussi pour cela que son histoire d’amour avec Michael sonne faux. Il est aussi raisonnable qu’elle. On a de la sympathie pour ce personnage, mais on veut que Jane épouse Rafael car leur histoire est une évidence. Tout comme il est évident que Jane est faite pour être écrivain. C’est d’ailleurs intéressant de la voir confrontée à ses propres écrits. Tous les auteurs devraient voir cette série, ne serait-ce que pour comprendre que les difficultés qu’ils traversent en tant qu’écrivain, sont normales.

La série est attachante et met du baume au cœur. Comme le dit le narrateur, c’est digne d’une télénovela. À ce propos, avez-vous deviné de qui il s’agit ?      

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