“J’ai jeté 14 000 litres de lait” : après l’incendie de Lubrizol à Rouen, les exploitants laitiers se sente… – franceinfo
Samedi, le préfet de la Seine-Maritime a demandé que le lait, le miel et les œufs des élevages de plein air soient consignés.
Pollution, cultures et pâturages contaminés, aliments impropres à la consommation… Après l’incendie du site Seveso de Lubrizol à Rouen, jeudi 26 septembre, les possibles conséquences agricoles liées aux retombées des fumées et des suies sont dans toutes les têtes. Samedi, au nom du principe de précaution, le préfet de la Seine-Maritime a demandé par arrêté préfectoral (en PDF) que soient consignés, sous la responsabilité des exploitants agricoles, et “jusqu’à l’obtention de garanties sanitaires”, le lait issu d’exploitations dont les vaches vont au pâturage, les œufs des élevages de plein air et le miel collecté depuis le jour de l’accident. Une fois la consignation levée, la mise sur le marché “s’effectuera sous la responsabilité de l’exploitant”, qui devra lui-même vérifier la conformité sanitaire de ses produits.
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En attendant, les agriculteurs, et notamment les exploitants laitiers, de la région rouennaise se sentent abandonnés. “On n’a quasiment pas d’informations”, déplore Stéphane Donckele, exploitant à Catenay (Seine-Maritime) et secrétaire général de la FNSEA 76.
Jusqu’à ce que les résultats d’analyse soient publiés, on ne sait quand, on est dans l’obligation de jeter notre lait et c’est moralement très dur.à franceinfo
Un point de vue partagé par Aline Catoir, dont l’exploitation se trouve à 45 kilomètres du lieu de l’incendie : “Cette mise sous quarantaine est très ambiguë, le lait étant ramassé tous les trois jours, on ne peut pas le stocker plus longtemps et on est donc obligé de le jeter”. “Le chauffeur laitier était dans la cour quand on a eu l’information de l’arrêt des collectes et il est tout simplement reparti sans notre lait”, précise-t-elle à franceinfo, désarçonnée.
“On continue de traire, de stocker et de refroidir le lait et si mardi il n’y a pas de décisions concernant les résultats d’analyses, on devra jeter encore.” En tout, l’agricultrice a déjà jeté plus de 5 000 litres de lait. “La production de trois jours, directement dans la fosse à lisier…”, soupire-t-elle.
“Sur quatre jours, j’ai jeté 14 000 litres de lait”, compte de son côté Bruno Defromerie, contacté par franceinfo. Il possède 150 vaches laitières à La Ferté-Saint-Samson, à 40 kilomètres de Rouen. Vice-président d’une organisation regroupant 42 producteurs, l’exploitant laitier a lui-même prévenu les membres de son groupement, dont environ 85% sont touchés par le gel des productions.
Selon Laurence Sellos, la présidente de la Chambre d’agriculture de Seine-Maritime, près de 280 producteurs laitiers répartis sur 112 communes sont concernés par des restrictions. Cela représente “une moyenne de 450 000 litres de lait jetés chaque jour, soit un préjudice d’environ 200 000 euros par jour”, assure-t-elle à franceinfo. Le calcul des pertes de chacun est rapide : les 1 000 litres de lait sont actuellement vendus 360 euros.
Dès la publication de l’arrêté préfectoral, les laiteries ont suspendu la collecte des productions. Le géant Danone a appelé individuellement chacun des exploitants laitiers partenaires, tandis que Lactalis leur a envoyé un mail ou un courrier pour les prévenir. La multinationale indique par ailleurs à franceinfo réaliser en ce moment des analyses sur l’ensemble des laits provenant des zones concernées, “afin de qualifier chaque lot”.
Pour les exploitants interrogés, la solution la plus simple serait que les laiteries continuent de collecter le lait, même s’ils ne peuvent pas le vendre. “Il faut soit que les laiteries continuent de ramasser le lait, soit que des entreprises spécialisées viennent le chercher pour l’incinérer”, explique Bruno Defromerie.
Parce que là, c’est un cercle vicieux : le lait déversé retourne en partie dans la nature et s’il est contaminé…à franceinfo
Lundi soir, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a promis une indemnisation totale des agriculteurs. Mais pour Laurence Sellos, c’est “le responsable qui doit payer. Lubrizol doit être la personne morale qui paiera”. En attendant, la présidente de la Chambre d’agriculture de Seine-Maritime veut “demander des relais de trésorerie auprès de l’Etat, car il est hors de question que l’on nous laisse seuls face à cette difficulté”. Les résultats des analyses, dont la date de publication n’est pas connue, donneront la tendance. “Si c’est négatif, tout va bien quelque part. Si c’est positif, là, c’est dramatique”, conclut Stéphane Donckele.