Italie : Mario Draghi désavoué, l’Europe en apnée – Ouest-France

Mario Draghi se savait observé en Italie et bien au-delà, en arrivant au Sénat, ce mercredi 20 juillet 2022. Partira, partira pas ? La démission du Premier ministre, refusée par le président Sergio Mattarella jeudi, était aussi désapprouvée par deux Italiens sur trois. Mais Draghi, 74 ans, n’a pas digéré le boycott par son allié, le Mouvement 5 Étoiles (M5E), du vote de 23 milliards d’euros pour aider familles et entreprises.

En menaçant de claquer la porte, il entendait donc remettre les pendules à l’heure. Sommer sa coalition improbable, du centre-gauche à l’extrême-droite, de ressouder les rangs. Loupé. Ce mercredi soir, le Sénat lui a bien accordé sa confiance, mais trois alliés cruciaux le lâchent : la droite Forza Italia de Silvio Berlusconi ; la Ligue d’extrême-droite de Matteo Salvini et les antisystème du Mouvement 5 Étoiles. Les deux premiers étaient allergiques à l’idée de siéger plus longtemps auprès du M5E.

Le gouvernement vacille

Finie l’unité nationale. Oublié ce mois de février 2021, quand le pays avait vu en Super Mario ​un sauveur : l’ex-patron de la Banque centrale européenne acceptait de jouer les équilibristes en formant un gouvernement, même bigarré, pour parer à l’urgence : s’attaquer à la dette redoutable (150 % de la richesse nationale) qui valait à Rome les foudres de l’Union européenne.

Le gouvernement vacille et les problèmes demeurent. En pire. L’Italie, ultra-dépendante du gaz russe (43 % de ses importations) prend de plein fouet la guerre en Ukraine. Son inflation s’emballe (8 %).

Le jeu des europhobes

Désavoué par ses alliés, Draghi pourrait, cette fois, s’éclipser. Des élections anticipées seraient alors inéluctables, à l’automne. Scénario redoutable, qui risquerait de voir germer une union de la droite de Berlusconi avec la Ligue et Fratelli Italia. Ce parti, le plus extrémiste de tous, est donné en tête des sondages (23 %).

Rome aux mains d’europhobes ? L’idée fait frémir Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen : Avec la guerre qui fait rage sur notre continent, la hausse du coût de la vie et la reprise post-Covid, nous avons besoin de stabilité politique.

À Madrid, Paris et Berlin, on redoute une crise politique qui plomberait la zone euro et enverrait un message de désunion à la Russie. Moscou se réjouit de voir la tête de Draghi servie sur un plateau à Poutine​, alerte le chef de la diplomatie italienne, Luigi Di Maio. Washington s’en inquiète aussi : Joe Biden dit suivre la situation à Rome avec attention​.