
“Ipad kids” : quand les écrans prennent la place des mots – ma-sante.news

Pendant longtemps, les écrans ont été perçus comme de simples outils d’appoint : un dessin animé le matin, un jeu éducatif après le goûter, une tablette pour patienter chez le médecin. Mais aujourd’hui, leur usage s’est banalisé au point de devenir omniprésent dès le plus jeune âge.
Ce qui semblait pratique ou ludique s’avère, à la lumière des études récentes, bien plus problématique qu’on ne le pensait. Car derrière chaque enfant silencieusement absorbé par une vidéo YouTube se joue peut-être un retard de langage… ou un trouble qui passera inaperçu, jusqu’à l’entrée à l’école.
Les écrans, un danger silencieux pour le développement des enfants
Écrans et performances scolaires : une équation perdante
C’est un constat que de nombreux enseignants font chaque jour : les élèves sont moins attentifs, moins concentrés, et souvent fatigués. Une étude récente de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) met un chiffre sur ce phénomène : au-delà de deux heures d’écrans par jour, les résultats en français et en mathématiques baissent significativement.
La raison ? Le temps passé devant un écran se fait aux dépens d’activités essentielles à l’apprentissage : la lecture, le jeu libre, la discussion avec les parents ou les enseignants. Les écrans captent l’attention, mais n’entraînent pas le cerveau à raisonner, à mémoriser, à structurer une pensée.
Langage en retard : les tout-petits en première ligne
Le constat est encore plus alarmant chez les 0-3 ans. À cet âge-là, chaque interaction compte pour le développement du langage. Or, selon Santé publique France, un tiers des enfants de moins de 2 ans regardent régulièrement la télévision ou une tablette.
Résultat : retards de langage, moindre acquisition du vocabulaire, et moindre compréhension des consignes dès l’entrée à l’école. « Le cerveau de l’enfant ne se développe pas seul. Il a besoin d’interactions, de réponses humaines, pas de vidéos YouTube », alerte le pédopsychiatre Serge Tisseron, spécialiste des usages numériques.
Des effets discrets, mais profonds
Ce qui rend les effets des écrans si insidieux, c’est leur apparente innocuité. Contrairement à une chute ou une fièvre, le retard cognitif ou langagier ne se détecte qu’après coup, souvent quand l’enfant entre à l’école maternelle.
Et plus les écrans s’invitent tôt dans le quotidien, plus les conséquences sont lourdes. Le “bruit de fond” de la télévision suffit à diminuer la quantité de mots échangés entre un parent et son bébé. Or c’est justement ce bain de langage précoce qui façonne les circuits neuronaux de la parole et de la compréhension.
Agir face à l’omniprésence des écrans : un défi éducatif et collectif
Des recommandations claires, mais peu suivies
Les professionnels de santé sont formels :
- Pas d’écran avant 3 ans, sauf en visioconférence avec la famille.
- Entre 3 et 6 ans, pas plus de 30 minutes par jour, et toujours accompagné.
- Après 6 ans, un usage encadré, limité et adapté aux besoins scolaires.
Mais dans les faits, ces recommandations sont rarement respectées. La tablette est devenue la nouvelle tétine numérique, un moyen facile de calmer, occuper, endormir ou récompenser. Sauf qu’elle prend la place des histoires racontées, des jeux éducatifs ou des simples discussions, essentiels au développement.
Des solutions pour reprendre la main
Face à l’envahissement des écrans, des alternatives existent :
- Établir des “zones sans écran” à la maison : cuisine, chambre, salle à manger.
- Proposer des temps calmes sans écran, avec des livres, des puzzles, des jeux de société.
- Éduquer les enfants dès le plus jeune âge aux bons usages du numérique, pour en faire un outil, pas une béquille.
- Donner l’exemple en tant qu’adulte : un parent absorbé par son smartphone ne peut pas exiger de son enfant qu’il lise…
Un enjeu de société, pas seulement de famille
La lutte contre les effets nocifs des écrans ne relève pas uniquement de la bonne volonté des parents. Elle touche à l’organisation de la société : publicité omniprésente, absence de régulation stricte, manque d’espaces publics adaptés au jeu libre…
Alors que les troubles de l’attention et du langage explosent chez les enfants, il devient urgent d’interroger notre rapport collectif aux écrans. Et de se demander si le véritable progrès, ce ne serait pas… d’apprendre à les éteindre.
À SAVOIR
En France, les enfants de 2 ans passent en moyenne 56 minutes par jour devant un écran, un temps d’exposition qui augmente avec l’âge (1h20 à 3 ans et demi, 1h34 à 5 ans et demi), selon l’étude Elfe coordonnée par Santé publique France. Ces durées dépassent les recommandations de l’OMS, qui préconise zéro écran avant 2 ans et maximum une heure par jour entre 2 et 5 ans, toujours accompagné d’un adulte.
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