Investiture de Joe Biden : un ami de la France à la tête des Etats-Unis ? – Le Parisien

C’est donc ce mercredi 20 janvier que tout commence pour le démocrate Joe Biden, précisément là où s’est tragiquement soldée la fin de règne de Donald Trump le 6 janvier : sur les marches du Capitole à Washington. Un symbole, car c’est ici que le 46e président des Etats-Unis prêtera serment, à midi pile, comme le veut la tradition : « Je jure solennellement que j’exécuterai loyalement la charge de président des Etats-Unis et que du mieux de mes capacités, je préserverai, protégerai et défendrai la Constitution », dira-t-il, main droite levée et la gauche posée sur une bible.

Ces mots pèseront lourd après quatre ans de présidence Trump. Le premier défi de cet homme presque octogénaire, qui entrera à la Maison Blanche à pied, dans l’après-midi, sera de tourner cette page chaotique et recoller les morceaux d’une Amérique déchirée. Comme un message de réconciliation envoyé à la Nation, il débutera sa journée d’investiture par une messe − c’est un fervent catholique − à laquelle il a convié les chefs démocrates et républicains du Congrès.

«Très simple, au fond assez différent d’Obama»

Avec le reste du monde aussi, il aura à cœur de montrer le visage − même masqué − d’une Amérique plus ouverte et solidaire. En tout cas mieux disposée à l’égard de ses partenaires européens. Question de forme, tout d’abord. En France, ceux qui ont approché Joe Biden n’ont que des louanges à formuler. « C’est un homme charmant, courtois, civilisé, respectueux de ses interlocuteurs. Ça nous changera de Donald Trump », salue d’emblée l’ancien président François Hollande, qui l’avait rencontré plusieurs fois lorsque ce dernier était le « VP » de Barack Obama. « Il a été un vice-président très utile : fidèle, loyal, toujours solidaire de ce que faisait ou disait son président. On pouvait lui faire passer les messages, c’était un bon relais pour nous. »

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Un président dont il se démarque à ses yeux par un aspect qui n’est pas pour lui déplaire : « Il est très simple, au fond assez différent de Barack Obama, très séducteur, certes, mais plutôt froid, très intellectuel. Joe Biden, lui, raisonne avec sensibilité, il entre en connivence et aime plaisanter. » Il en avait d’ailleurs fait − gentiment − les frais en septembre 2016, quand le vice-président avait dû meubler plus de 40 minutes à la tribune du Metropolitan Museum de New York, en attendant son invité français bloqué dans les embouteillages. « Ah, le président de la France est ici… le timing est parfait ! », avait lancé Joe Biden, pince-sans-rire, en voyant débouler le chef de l’Etat connu pour ses retards. « C’est assez agréable : on se retrouve dans le sourire, puis on discute sérieusement. C’est peut-être superficiel, mais en diplomatie, c’est important », apprécie François Hollande.

Pour le peuple américain aussi, veut croire un ancien diplomate de haut rang, qui a beaucoup côtoyé Joe Biden à Washington. « Il est vraiment sympathique et chaleureux, très attachant. Le contraire absolu d’Obama. Vu la période que traversent les Etats-Unis, sa capacité à faire passer des messages d’empathie sera un atout majeur. »

«Il partage nos valeurs communes»

Le « style Biden » comptera donc beaucoup aux yeux des Français et plus largement des Européens. « Trump voulait être le gorille dans la jungle. Avec Biden, les contentieux ne manqueront pas, mais il entend réparer les relations transatlantiques endommagées par son prédécesseur », poursuit le même diplomate, qui se souvient que même pendant la brouille entre les deux pays après l’invasion de l’Irak en 2003, « il n’avait jamais hurlé avec les loups. Il connaît sur le bout des doigts La Fayette et Rochambeau, le débarquement de 1944, toute notre histoire mêlée… »

Francophile, Biden? « Il ne faudrait pas exagérer, corrige Gérard Araud, ancien ambassadeur de France auprès des Nations unies puis à Washington. Il n’a pas d’attachement particulier à la France, mais son équipe, oui. Notamment Tony Blinken, son secrétaire d’Etat, qui a passé son enfance à Paris, jusqu’au bac. Ou John Kerry, son envoyé spécial sur le climat, dont une partie de la famille est française. »

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Un tour de l’actualité pour commencer la journée

« Il était très au fait des affaires européennes, plus sensible qu’Obama à ces questions », se souvient Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères de 2007 à 2010, qui a apprécié aussi son « souci constant des droits de l’Homme ». « Il connaît bien l’Europe, il partage nos valeurs communes », renchérit François Hollande.

«Avec Macron, ils sont aux antipodes»

Quoi qu’il en soit, tous s’accordent à dire que pour la France et l’Europe, son élection est une bonne nouvelle, « même s’il faut garder à l’esprit qu’il poursuivra des intérêts proprement américains, relativise l’ancien président socialiste. Mais je crois qu’il n’exercera pas son leadership de façon écrasante, comme l’ont fait Donald Trump ou George Bush. Joe Biden n’a pas besoin de jouer les fiers à bras. »

Après le chaud-froid des relations Trump-Macron, qu’en sera-t-il avec le nouveau boss des Etats-Unis? « Entre un président français très jeune, arrivé au pouvoir comme une météorite, très intellectuel, et un Américain bien plus vieux, plus attaché au bon sens qu’aux concepts, ils sont aux antipodes, analyse Gérard Araud. Leur intérêt, c’est que ça matche. »

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