Interview du 14 Juillet : pourquoi Emmanuel Macron reprend la parole – Le Parisien

C’est devenu son obsession. « Il ne nous reste plus que 600 jours, soit un peu moins de deux ans utiles », répète Emmanuel Macron à tous ceux, ministres et amis, qu’il croise. Celui qui se vantait d’être le maître des horloges vit l’œil rivé sur le compte à rebours. « Le chef de l’Etat est tétanisé à l’idée de ne plus pouvoir agir, souligne un intime. C’est l’une des raisons qui ont conduit au départ d’Edouard Philippe. Il devait sans cesse le convaincre, comme pour le rythme du déconfinement, cela prenait du temps. A l’inverse, Emmanuel Macron apprécie la capacité de Jean Castex à agir, à manager les équipes, à se déplacer sur le terrain sans arrêt. »

A la veille du discours de politique générale du Premier ministre, Emmanuel Macron veut convaincre que le nouvel attelage au sommet de l’Etat saura redonner une impulsion au pays. « On aimerait qu’il nous dise où le président va et pourquoi on a changé de copilote, insiste le communicant Philippe Moreau Chevrolet, président de MCBG Conseil. Les Français veulent du dialogue, pas un monologue permanent. »

Cela tombe bien, le président renoue ce mardi avec l’exercice traditionnel de l’interview du 14 Juillet. Un entretien qui a donné lieu à trois semaines de discussions de coulisses entre l’Elysée, TF1 et France 2. Il se déroulera après le mini-défilé militaire place de la Concorde, réduit pour cause de Covid-19. « La société a besoin de repères », se justifie Emmanuel Macron, en privé.

«Cela va être son moment de vérité»

Dès jeudi, ses collaborateurs lui ont remonté des notes. Le chef de l’Etat s’est mis au vert dans la résidence présidentielle de la Lanterne, à Versailles, dans les Yvelines, pour se préparer aux questions des journalistes Léa Salamé et Gilles Bouleau. Il aborde l’exercice avec un tout nouvel atout dans son jeu : la signature, lundi 13 juillet, d’ un accord historique de huit milliards d’euros en faveur de l’hôpital.

Ce « Ségur de la Santé » est le fruit de huit semaines d’intenses négociations entre les syndicats et le gouvernement. « Je m’y étais engagé, nous venons de le faire », a tweeté, sur un ton victorieux, le chef de l’Etat.

Suffisant pour calmer le front social qui se profile à la rentrée? Pas sûr – la CGT appelle déjà à manifester le 17 septembre. « Le chef de l’Etat veut remettre du sens, avant une rentrée qui s’annonce compliquée, il doit faire la pédagogie de son nouveau chemin », résume un conseiller du palais. « Parler de nouveau chemin, c’est bien, mais c’est aussi très fumeux quelque part, glisse, lucidement, un ministre de poids. Le président a conscience qu’il ne faut pas décevoir avec cette interview. Cela va être son moment de vérité après tous ces mois de crise. »

Le plan de relance en cours de préparation fera l’objet de toutes les attentions, alors que l’opposition demande une accélération des annonces. Mais qui, du président de la République ou du Premier ministre, en dévoilera les contours? Sur l’indépendance industrielle, sur l’emploi des jeunes, sur la réforme de l’assurance chômage, sur la rénovation thermique et les autres dossiers en cours d’arbitrage, le couple exécutif devra se répartir les réponses entre l’hôte de l’Elysée, censé fixer le cap, et son Premier ministre, chargé en théorie de l’application. Le duo a deux jours pour se roder, sous les yeux des Français. « Le chef de l’Etat a formé un gouvernement de combat, de mission, il s’attend à être interrogé sur ce terme », glisse un proche.

L’affaire Darmanin, «impossible à passer sous silence»

En la matière, le président ne pourra éviter une chausse-trappe : la polémique créée par la nomination à l’Intérieur de Gérald Darmanin, visé par une plainte pour viol et harcèlement sexuel. Des associations féministes dénoncent un scandale. « C’est un vrai problème, impossible à passer sous le silence, reconnaît un visiteur du soir d’Emmanuel Macron. Le président doit préserver la présomption d’innocence, dont il est le garant. En même temps, il doit défendre son bilan en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. » Acrobatique… « Si Macron se met à parler de la présomption d’innocence, on va lui reprocher de vouloir couvrir son ministre », se lamente un membre du gouvernement, qui dénonce un « glissement moraliste de certaines associations de gauche ».

En attendant de croiser le fer avec les journalistes, Emmanuel Macron a pu travailler son positionnement de rassembleur, en s’adressant aux militaires au ministère des Armées, pour le traditionnel échange du 13 juillet. Il a salué « l’élan et le dynamisme » des soldats engagés dans la gestion de crise sanitaire. Et de souligner, devant un parterre de participants, masqués pour cause de coronavirus : « Il nous faut rester vigilants, mais la vie a repris son cours ». A condition qu’une seconde vague de l’épidémie ne vienne pas empiéter sur les « 600 jours » qui restent…

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