Internet satellitaire : Bruxelles veut placer sa propre constellation sur orbite
Pour le commissaire européen de la politique industrielle et du numérique Thierry Breton, la question est tranchée : pas question de laisser l’internet satellitaire aux acteurs américains ou chinois. Alors que SpaceX a désormais déployé son service Starlink dans l’hexagone et que d’autres acteurs américains – à commencer par Blue Origins, la société de Jeff Bezos – se penchent sur ce sujet, Bruxelles n’entend pas être en reste. Au terme d’une étude de faisabilité initiée début 2021, la Commission européenne présente ce mercredi les contours adoptés par le futur système spatial souverain de communications européen.
Le sujet est d’importance géostratégique : pour l’UE, un tel système “contribuera à la protection des infrastructures critiques, à la surveillance, aux actions extérieures, à la gestion des crises et aux applications qui sont essentielles pour l’économie, la sécurité et la défense des États membres”. “Ce système garantira un accès ininterrompu sur le long terme, dans le monde entier, à des services de télécommunications par satellite sécurisés d’un bon rapport-coût efficacité”, fait valoir l’exécutif européen, qui souhaite également surfer sur ce système pour en finir une bonne fois pour toute avec les zones blanches sur le Vieux Continent.
La constellation européenne devrait voir le jour à l’horizon 2030, espère-t-on du côté de Bruxelles. En ce qui concerne le financement de ce système souverain, la Commission l’a chiffré à 6 milliards d’euros, dont 2,4 milliards d’euros de contribution directe entre 2022 et 2027. Autant de capitaux qui ne devraient pas être injectés en vain, assurent les commissaires européens, pour qui l’initiative renforcera l’écosystème spatial et le marché de la connectivité en Europe avec, à la clé, une valeur ajoutée brute estimée entre 17 et 24 milliards d’euros.
Eviter les embouteillage spatiaux
“Notre nouvelle infrastructure de connectivité fournira un accès à l’internet à très haut débit, servira de solution de remplacement de notre infrastructure internet actuelle, améliorera notre résilience et notre cybersécurité, et fournira une connectivité à toute l’Europe et l’Afrique. Il s’agira d’un projet véritablement paneuropéen, qui permettra à nos nombreuses start-up et à l’Europe dans son ensemble d’être à la pointe de l’innovation technologique”, a fait valoir Thierry Breton lors de la présentation de ce plan.
Ce n’est pas tout. Alors que le nombre de satellites en orbite basse ne cesse d’augmenter, au risque d’un embouteillage spatial monstre, Bruxelles entend bien encadrer plus strictement la gestion du trafic au-dessus de nos têtes. “Il est indispensable de sauvegarder la pérennité à long terme des activités spatiales en veillant à ce que l’espace demeure un environnement sûr, sécurisé et viable”, estime la Commission européenne, pour qui cette question est désormais considérée comme “prioritaire”.
Pour Bruxelles, “l’objectif est d’élaborer des initiatives concrètes afin de promouvoir l’utilisation sûre, sécurisée et viable de l’espace tout en préservant l’autonomie stratégique de l’Union et la compétitivité de l’industrie européenne”. Pour y arriver, l’UE entend mettre en place un plan stratégique reposant sur une évaluation des besoins civils et militaires en matière de gestion du trafic spatial, un renforcement des technologies de gestion de ce trafic, l’adoption d’un “cadre normatif et législatif approprié”, ainsi que la mise en place de partenariats internationaux dans ce domaine.
“L’espace est plus fréquenté que jamais, ce qui accroît la complexité et les risques liés aux activités spatiales. Pour relever ce défi mondial, nous développerons des capacités concrètes, fixerons des normes et dialoguerons avec des partenaires clés et dans les enceintes multilatérales afin de garantir une utilisation sûre, sécurisée et viable de l’espace”, a fait valoir Josep Borrell, haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, lors de la présentation du plan concocté par l’UE pour revenir dans la course à l’Espace.