INFOGRAPHIES. Rentrée scolaire : quelles sont les matières qui n’attirent plus les professeurs ? – franceinfo

Y aura-t-il un professeur pour enseigner chaque matière dans le secondaire lors de la rentrée scolaire ? Plus de 2 000 postes dans le second degré (collèges et lycées) n’ont pas été attribués pendant la session de recrutement 2022 de l’Education nationale. Invité du “20 Heures” de France 2, jeudi 25 août, le ministre, qui s’était déjà exprimé sur le sujet ces dernières semaines, a expliqué que “toutes les disciplines ne sont pas concernées par les difficultés”. Pap Ndiaye a toutefois confirmé qu’il manquait “1% d’enseignants dans le primaire, 8% dans le secondaire” à quelques jours de la rentrée des classes. “C’est un peu trop, je le reconnais volontiers.”

Le cas de la rentrée 2022 est particulier, car elle marque le passage d’un recrutement des professeurs à bac+5 (Master 2) et non plus bac+4 (Master 1), faisant mécaniquement baisser le nombre de personnes qui peuvent se présenter au concours. Pour analyser le phénomène dans la durée, franceinfo s’est plongée dans les statistiques du recrutement des professeurs depuis plus de vingt ans. Dans certaines matières, comme les mathématiques ou les lettres, la baisse du nombre de candidats ne date pas d’hier.

Le phénomène est global depuis deux décennies : les candidats pour devenir professeurs sont de moins en moins nombreux. Au Capes, principal concours de recrutement pour enseigner au collège ou au lycée, le nombre de personnes se présentant aux épreuves est passé de plus de 50 000 au début des années 2000 à moins de 20 000 ces dernières années. Il y a donc 60% de candidats en moins par rapport à il y a vingt ans. A l’agrégation, un concours plus exigeant, mais permettant d’accéder au statut plus rémunérateur de professeur agrégé, il y a près de deux fois moins de prétendants aux épreuves aujourd’hui.

Pour le Capes comme pour l’agrégation, la baisse a été très rapide au cours des années 2000. La chute a été brutale en 2011, année qui correspondait à l’entrée en vigueur de la réforme du recrutement des professeurs au niveau master (bac+4 au minimum), contre un niveau licence auparavant (bac+3). Les années suivantes ont été marquées par une légère augmentation, compensant la baisse soudaine due à la réforme. Mais la tendance est de nouveau à la baisse depuis 2016. 

Le pic de 2014 pour le Capes correspond à une année exceptionnelle de recrutement, mis en place afin d’appliquer la promesse du président François Hollande de recruter 60 000 personnes dans l’Education nationale.

Les syndicats Unsa et Fnec FP-FO s’accordent pour dire que le décalage entre le niveau de formation exigé au regard de la rémunération proposée est la cause principale de cette baisse de candidatures. “Le niveau d’étude minimal pour passer le concours est passé progressivement de bac+3 à bac+5 sur les vingt dernières années. Mais dans le même temps, le salaire en euros constants des enseignants a diminué de 25%, dénonce auprès de franceinfo Christophe Lalande, secrétaire fédéral de la Fnec FP-FO.

Un professeur admis au Capes gagne aujourd’hui 1 450 euros net par mois lors de sa première année de stage, puis 1 640 euros au moment de sa titularisation, soit à peine plus de 1,2 smic. Face à cette situation, le gouvernement avait déjà mis en place une prime pour les professeurs en début de carrière et Emmanuel Macron a promis, jeudi 25 août, que la revalorisation générale des salaires des professeurs allait se poursuivre afin qu’aucun d’entre eux ne débute sa carrière “à moins de 2 000 euros net” par mois.

Elise Caperan, responsable formation du syndicat Unsa Education, pointe également les conditions de travail et la difficile évolution des carrières. “D’un côté, il y a des problèmes de ressources humaines : il est très difficile d’obtenir une mutation et de plus en plus rare d’obtenir un temps partiel, explique-t-elle. Et de l’autre, l’école subit l’augmentation des inégalités sociales dans la société, et il est compliqué de gérer l’hétérogénéité des niveaux au vu des effectifs des classes.”

Non seulement les aspirants professeurs sont beaucoup moins nombreux mais, en outre, certaines matières se révèlent également bien moins attractives que d’autres. En histoire-géographie par exemple, il y avait, en moyenne au cours des trois dernières années, plus de cinq candidats pour une place ouverte au Capes. Un chiffre bien supérieur à la moyenne générale du concours (3,25).

L’anglais et la physique-chimie affichaient quant à elles des taux de 3,12 et 2,69 candidats par place ouverte au recrutement lors des trois dernières années, donc près de la moyenne. Mais pour les concours de lettres modernes (qui permettent de devenir professeur de français) et de mathématiques, la situation est bien plus préoccupante, avec un peu plus de deux postulants seulement par place pour la première matière, et même moins de deux pour la seconde. Or, à elles seules, les mathématiques et les lettres modernes représentent 2 200 places au concours du Capes, soit près de 38% de l’ensemble des postes ouverts chaque année.

Ces deux disciplines sont celles pour lesquelles le nombre de candidats par place ouverte au concours a le plus baissé depuis vingt ans. Toutes matières confondues, le nombre de candidats par place au Capes a été divisé par deux en deux décennies. Quand on regarde plus spécifiquement pour les lettres modernes, c’est presque une division par trois : de près de six postulants par poste disponible en 2000 à tout juste plus de deux en 2021. Quant au concours de mathématiques, il y a même quatre fois moins de candidats par place sur la même période, alors que le nombre de postes proposés annuellement a augmenté de 40%.

L’enseignement des mathématiques en particulier pâtit du manque d’attractivité de la profession, juge la responsable formation du syndicat Unsa Education. “Après un master de mathématiques, vous avez beaucoup de possibilités d’emplois bien mieux rémunérés que le métier de professeur, explique Elise Caperan. C’est moins le cas après un master en histoire par exemple.”

L’Education nationale, confrontée à une crise des vocations, a aussi recalé aux concours du Capes et de l’agrégation un nombre inhabituellement élevé de candidats n’ayant pas le niveau exigé. Plus de 40% des places de professeur d’allemand ouvertes n’ont pas été attribuées à l’issue des derniers concours. De même, 43% des places en lettres classiques sont restées vacantes. Pour les concours de mathématiques et de physique, près d’un tiers des postes n’ont pas trouvé preneur. 

L’année 2022 marque un tournant dans le recrutement des professeurs : il est désormais nécessaire d’être en master 2 pour préparer le concours, alors que les étudiants pouvaient le passer en master 1 jusqu’alors. Le nombre de personnes pouvant postuler a donc automatiquement baissé, ce qui explique en partie les nombreux postes non pourvus.

Dans certaines matières, la difficulté pour trouver assez de professeurs ne date toutefois pas de cette année. Concernant l’allemand par exemple, plus d’un quart des postes n’ont pas été attribués ces dernières années. En mathématiques, 14% des places ouvertes au concours sont restées vacantes. Le cas des lettres est, lui, singulier : les lettres classiques connaissent un déficit de candidats très important depuis plusieurs années, mais cette voie ne fournit que 10% du contingent de professeurs de français. La majorité vient de la filière des lettres modernes, qui attribuait ces dernières années la quasi-totalité des places ouvertes.

Ces déficits annuels de recrutement au concours du Capes s’accumulent et le nombre de postes à pourvoir augmente. En mathématiques, plus de 4 000 postes n’ont pas été pourvus depuis 15 ans, soit 20% des places ouvertes. Sur cette période, il n’y a pas une seule année où l’ensemble des postes ouverts ont été attribués.

En anglais et en lettres modernes aussi, de nombreux postes n’ont pas été pourvus ces vingt dernières années (respectivement plus de 1 800 et 1 200). La situation est toutefois moins préoccupante que celle des mathématiques, car ces deux matières arrivent encore à attribuer presque l’ensemble de leurs places disponibles depuis 2018. Le déficit est un héritage du quinquennat de François Hollande, où le nombre de postes créés était plus important.  

Face à ce manque criant de professeurs, le ministère a encore augmenté le recours aux contractuels. Leur nombre a quasiment doublé depuis 12 ans, premier et second degrés confondus. En 2008, il y avait 20 000 enseignants non titulaires et ils représentaient 2,8% des effectifs. Selon les derniers chiffres datant de 2020, ils sont désormais plus de 38 000 (plus de 5% des enseignants).

Une situation dénoncée par Christophe Lalande, de la Fnec FP-FO : “On va chercher les gens sur liste complémentaire du concours. Mais alors qu’on pourrait les recruter en tant que titulaires, on préfère les prendre en contractuels.” Contrairement aux professeurs qui sont fonctionnaires et bénéficient de l’emploi à vie, les contractuels sont le plus souvent recrutés pour des contrats d’un an.

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