Influence et résaux sociaux : le joli coup de Complément d’enquête

Influence et résaux sociaux : le joli coup de Complément d’enquête

Initialement programmé en seconde partie de soirée du jeudi, le reportage consacré aux influenceurs de Complément d’enquête a été décalé au dimanche, sur le même créneau horaire. En effet, le récent décès de la reine Elisabeth II a saturé l’espace médiatique, ce qui peut se comprendre. Mais, il est fort probable que la rédaction n’avait pas du tout anticipé la suite des évènements.

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Effet Streisand

Dire que ce reportage était très attendu est un euphémisme et la déception était grande jeudi quand il a été indiqué que le reportage serait diffusé dimanche soir, au lieu du jeudi. Qu’à cela ne tienne, les internautes avaient annoncé qu’ils seraient au rendez-vous. Et si on se fie aux trending topics sur Twitter monde, ils l’ont été. Deux autres évènements ont amplement contribué au succès de ce reportage.

Toutes les rédactions ne peuvent pas se vanter d’avoir Booba comme ambassadeur ou agent de promotion. En dehors de la musique, ce dernier est littéralement entré en guerre contre les influenceurs, en particulier contre Magali Berdah, principal sujet de l’émission. Depuis des mois, les deux entités se livrent à une guerre acharnée sur les réseaux sociaux. Le rappeur qualifie Magali Berdah et d’autres influenceurs d’épithètes qu’on retrouve dans un code pénal, Magali Berdah et ses influenceurs font valoir leur bonne foi. La patronne de l’agence d’influenceurs poursuit le rappeur pour cyberharcèlement.

À cela s’est ajouté un autre élément, que tous les dinosaures du Web connaissent : Magali Berdah ainsi que d’autres influenceurs apparaissant dans le reportage, ont souhaité faire interdire ou modifier le documentaire. Effet Streisand garanti : même celles et ceux qui sont totalement éloignés de l’univers des influenceurs ont eu envie de regarder le reportage, que ce soit en direct ou en replay.

Fake à tous les étages

Est-ce nécessaire d’essayer de le cacher ? L’auteur de ses lignes confesse un souverain mépris, qu’on pourrait presque classer comme un mépris de classe, pour les influenceurs dont il était question dans le reportage. Il a surtout été question des femmes influenceuses, même s’il y avait quelques hommes ici et là. Pourquoi ? Parce que la vie montrée n’est pas réelle, que les corps ne sont pas réels, la seule chose qui est authentique est leur QI, qui ne dépasse jamais les deux chiffres.

La compassion a décidé de prendre des RTT quand une influenceuse a expliqué qu’elle avait accepté de se faire faire des injections dans une chambre d’hôtel, qu’un influenceur annonçait fièrement ne pas payer d’impôts en France ou qu’une autre faisait un étalage indécent de tous les bien reçus par des marques. Pourquoi un tel rejet ? Parce que tout est faux justement. La grande différence avec les mannequins professionnels est que personne ne s’imagine que le modèle qui pose pour une marque de cosmétiques est notre amie. C’est un mannequin professionnel, qui a signé un contrat pour « prêter » son visage à une marque, le temps d’une campagne. Elle ne nous fait pas croire qu’elle utilise les produits au quotidien, elle ne nous fait pas rentrer dans son intimité, etc.

Ce qui est très malsain dans le domaine des influenceurs est cette proximité et pour certains, une forme de paternalisme. Les gens qui font confiance à ces influenceurs cherchent des liens sociaux, une forme de reconnaissance, l’appartenance à un club. Pourquoi pas, après tout, mais les clubs se fondent sur des intérêts communs : un sport, une culture littéraire, musicale, un intérêt pour la politique, pour la technologie. Les blogueurs ont créé des communautés et si certains ont fini par admettre à demi-mot qu’ils ont parfois été payés par des marques pour faire la promotion de tel ou tel produit, cela n’allait pas forcément aussi loin.

Distance et tendinite

Qu’on se le dise et qu’on se le répète : les influenceurs ne sont pas des amis virtuels. Pour des adultes, qui ont dépassé la trentaine et qui ont des métiers plus ou intellectuels, il est très facile d’énoncer cela. Qu’en est-il des adolescents et des jeunes adultes ? Si on se base sur le nombre d’abonnés, de commentaires et de ventes réussies en drop-shipping, il paraît évident que cette distance n’existe pas.

On dit souvent que les « digital native » sont plus doués avec l’informatique que leurs aînés. Il paraît flagrant que c’est de plus en plus faux. La maîtrise basique de l’informatique n’est pas toujours présente chez les jeunes générations et visiblement, la distance qu’on doit instaurer entre nous et la machine ne l’est pas non plus. Comment expliquer que des individus puissent acheter, les yeux fermés, des produits, simplement parce qu’ils sont recommandés par une potiche rafistolée ? Qu’ils ne font pas des recherches préalables sur les produits ? Qu’ils ne comparent pas les prix dans les différentes enseignes ?

La cible du reportage n’était clairement pas les adolescents et les jeunes adultes, vu la tranche horaire, mais plutôt les trentenaires, quadragénaires et les pouvoirs publics. Contrairement à ce que raconte Magali Berdah, dans son interview en fauteuil rouge, la législation existe. Il n’est pas nécessaire de la modifier, uniquement de la faire appliquer. Notons au passage que cette interview restera dans toutes les mémoires et sera probablement enseignée dans toutes les formations de communication comme étant exactement ce qu’il ne faut pas faire.

Coup de maître

Soyons objectifs : si on s’intéresse à l’univers des influenceurs, on n’apprend pas grand-chose. Raphaël Grably de BFM TV travaille régulièrement sur ce sujet et se fait souvent l’écho de certaines pratiques. Néanmoins, le reportage a le mérite d’être synthétique et clair. On aurait aimé en voir plus, mais reconnaissons que c’est un carton. L’audimat donne le tournis et chose très rare : la chaîne a accepté de lever la restriction géographique sur le replay, permettant ainsi aux internautes du monde entier de découvrir cette édition. On aurait aimé que la restriction soit levée pour le direct, mais disons qu’il y a des esprits chagrins qui aiment pinailler.

Comme pour prouver qu’elle est extrêmement médiocre en communication, Magali Berdah a décidé de parler le lendemain de la diffusion du reportage sur Brut et de donner une conférence de presse mercredi matin, pour dénoncer les agissements de Booba. Conséquence : Magali Berdah apparaît très régulièrement en trending topic sur Twitter depuis dimanche.

Chose assez rare dans ces colonnes, on va vous donner un conseil presque diamétralement opposé à la ligne éditoriale : pour certains produits, achetez dans des vrais magasins reconnus. En matière de cosmétique, fiez-vous aux grandes enseignes, aux pharmacies et parapharmacies. Regardez si la marque a déposé des brevets. Pour les produits de beauté (fers à lisser, à friser, appareils de massage, etc.), n’achetez jamais en dehors des grandes enseignes, même si l’influenceuse Bidule vous donne un code promo pour tel ou tel site obscure. Quant à l’informatique et l’électronique, vous pouvez vous fier à ZDNet.

« Arnaques, fric et politique : le vrai business des influenceurs » est disponible en replay jusqu’au 12 octobre 2022 sur le site de France Télévisions.

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