Indemnisation du chômage: pourquoi une réforme et ce qu’elle va changer – BFM Business

Face aux difficultés de recrutement rapportées par les entreprises, l’exécutif veut à nouveau changer les règles d’indemnisation du chômage. Le point sur ce qui pourrait évoluer.

Assurance chômage, saison II: l’exécutif donne mercredi en Conseil des ministres le coup d’envoi d’une nouvelle réforme visant à répondre aux difficultés de recrutement en faisant varier les conditions d’indemnisation des chômeurs selon la conjoncture, une idée catégoriquement rejetée par les syndicats.

Première réforme sociale du second quinquennat, ce projet de loi vise paradoxalement dans un premier temps à pouvoir prolonger les règles actuelles de l’assurance chômage. Issues d’une réforme déjà controversée du premier quinquennat, elles arrivent à échéance le 31 octobre.

• Pourquoi une réforme

Il s’agit d’éviter tout vide juridique pour l’indemnisation d’environ 2,5 millions de demandeurs d’emplois et l’application du “bonus-malus” sur les cotisations de certaines entreprises qui recourent fortement aux contrats courts.

Plus que le contenu du texte, qui sera débattu dès le début de la rentrée parlementaire d’octobre, c’est la séquence qu’il enclenche qui fait débat. Le gouvernement veut moduler les indemnisations chômage en fonction de la conjoncture. Pour Emmanuel Macron, les règles doivent être “plus strictes quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuses quand le chômage est élevé”.

L’exécutif martèle, à l’image du ministre du Travail Olivier Dussopt, qu’il y a urgence parce qu’il est “insupportable d’être encore à un taux de chômage de 7,4% et d’avoir dans le même temps un retour unanime des chefs d’entreprises sur les difficultés de recrutement”. Il fait de cette réforme une des conditions pour atteindre l’objectif de plein emploi (un chômage d’environ 5%) en 2027.

• Comment se passe actuellement l’indemnisation?

Les salariés sont assurés contre le risque chômage. Mais tous les demandeurs d’emploi ne sont pas indemnisés, loin de là (pour certains parce qu’ils n’ont pas assez travaillé). Selon des données de l’Unédic, on dénombrait 6,5 millions de personnes inscrites à Pôle emploi en décembre 2021, mais seulement 2,6 millions (40%) d’entre elles étaient indemnisées. L’organisme qui gère le régime d’assurance chômage prévoit qu’elles seront 2,4 millions fin 2022.

Le montant net moyen d’indemnisation est de 960 euros pour l’ensemble des indemnisés (1070 euros pour les allocataires qui ne travaillent pas et 720 euros pour ceux qui travaillent et complètent ainsi leur revenu). Les allocataires consomment en moyenne 68% de leurs droits.

Avec la dernière réforme, depuis le 1er octobre 2021, le calcul du salaire journalier de référence (SJR), base de l’allocation chômage, a été modifié. Il prend en compte à la fois les jours travaillés et les jours non travaillés durant les 24 mois précédant le chômage (avec un plancher garantissant une allocation minimale). Cela pénalise les demandeurs d’emploi alternant chômage et activité, “les permittents”. L’indemnisation était auparavant calculée en divisant les revenus par les seuls jours travaillés pendant la période de référence.

Pour ouvrir des droits, il faut aussi, depuis le 1er décembre, avoir travaillé six mois (soit 130 jours travaillés ou 910 heures) et non plus 4 au cours des 24 derniers mois (36 mois pour les plus de 53 ans). Auparavant, il fallait avoir travaillé 4 mois. Pour les chômeurs de moins de 57 ans ayant perçu une rémunération supérieure à 4500 euros brut, une dégressivité de -30% des allocations s’applique à partir du 7e mois.

• Ce qui pourrait changer

Pour inciter les chômeurs à reprendre plus rapidement une activité, le gouvernement envisage, non pas de baisser les indemnités, mais leur durée tout en durcissant les conditions d’accès.

L’exécutif souhaite moduler les conditions de l’assurance chômage selon la situation du marché du travail, à l’image de ce qui se fait par exemple au Canada –mais sans calquer ce modèle à l’échelon régional.

“Quand ça va bien, on durcit les règles et, quand ça va mal, on les assouplit”, a résumé le ministre du Travail Olivier Dussopt. Trois paramètres peuvent ainsi potentiellement bouger: montant de l’indemnisation, critères d’éligibilité, durée d’indemnisation.

Olivier Dussopt semble exclure le premier paramètre en observant que “la question du niveau de l’indemnité n’est pas forcément la bonne”. Ce sont “plutôt les critères d’accès à l’indemnisation à taux plein et la durée d’indemnisation à taux plein qui peuvent être des clés de discussion”, dit-il.

Pour Marc Ferracci, député Renaissance et un des inspirateurs de la précédente réforme, “l’éligibilité produit les résultats les plus rapides sur l’emploi”. “Si on ne joue que sur la durée, les effets se feront attendre, or on a besoin d’avoir des résultats rapides”, explique-t-il à l’AFP.

Le Medef est favorable à une évolution des règles d’indemnisation en fonction de la conjoncture, mais les syndicats, eux, sont tous contre le principe même de modulation. Sur les critères pour moduler, “il faut faire simple, transparent, éviter de croiser plusieurs indicateurs”, plaide Marc Ferracci. Il préconise de “prendre un indicateur sur lequel il n’y a pas de débat, avec une temporalité de publication suffisamment fréquente”.

Le taux de chômage BIT publié par l’Insee est, selon lui, “un bon candidat, car il est corrélé à la durée de chômage effective. Quand la conjoncture se dégrade, la durée de chômage s’allonge”.

Concernant d’autres critères de conjoncture comme la croissance, il faut garder “une prudence à l’esprit”, a déclaré Olivier Dussopt, invité de BFM Business ce mercredi 7 septembre, car “la croissance peut être présente sans nécessairement se manifester par des créations d’emplois” et inversement.

Quant à une modulation par région, “c’est une complexité supplémentaire”, a-t-il jugé, tout en ne fermant pas la porte au débat sur la question.

• Quand tout cela pourrait entrer en vigueur?

Le gouvernement veut aller vite. Il voudrait que la mesure s’applique d’ici au 1er janvier 2023. Pour cela, il va d’abord tenter de s’appuyer sur les partenaires sociaux. Des concertations vont s’ouvrir dans les jours ou les semaines à venir. Les discussions s’annoncent compliquées.

Les syndicats sont tous opposés à cette mesure. Ils vont d’ailleurs publier une déclaration commune d’ici la fin de la semaine prochaine. Pour eux, les difficultés de recrutement sont liées à des problèmes de formation et d’attractivité. Durcir les droits des chômeurs ne changera rien. La CFDT et le Medef avaient déjà prévenu qu’ils refusaient une négociation. La CFDT parce qu’elle est contre, et le Medef parce qu’il savait qu’il n’y avait pas de compromis possible avec les syndicats et que ces discussions étaient vouées à l’échec.

Caroline Morisseau et Pascal Samama avec AFP

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