Incendies en Algérie : 5 minutes pour comprendre le bilan meurtrier en Kabylie – Le Parisien

Déjà 69 morts. C’est le bilan provisoire annoncé par le gouvernement algérien sur les incendies en Kabylie mercredi. Depuis lundi soir, plus de 70 feux se sont déclarés au nord de l’Algérie, ravageant des forêts entières et encerclant des villages. Le point sur ce qu’il s’est passé ces derniers jours.

Une sécheresse qui complique tout

Les incendies se sont déclarés lundi soir en Kabylie. Les chiffres sur le nombre de feux déclarés diffèrent selon les organismes. D’après le Premier ministre, depuis lundi, ce sont plus de 70 incendies qui se sont déclarés dans 18 wilayas (nom des circonscriptions administratives en Algérie), du nord du pays. Le Colonel Farouk Achour de la Protection civile, parlait quant à lui mercredi de « 99 foyers dans 18 wilayas. Ce matin, nous sommes à 69 foyers dans 14 wilayas. Beaucoup d’efforts ont été consentis durant la nuit, où il y a eu l’extinction de 30 foyers d’incendies », sur la Radio Chaîne III.

Selon un bilan fourni mercredi par la télévision nationale algérienne, les incendies ont fait au moins 69 morts dont 28 militaires. La plupart de ces victimes viennent de la wilaya de Tizi-Ouzou. Les militaires sont décédés alors qu’ils évacuaient des villageois mardi en fin de journée. 12 autres sont « hospitalisés dans un état critique ».

« À cause du climat actuel en Afrique du Nord, la puissance des feux sort de l’ordinaire. Cela oblige à envoyer beaucoup de monde, parfois à pied, dans des conditions qui sont dangereuses. Avec ces températures, c’est extrêmement difficile de travailler pour les forces armées », explique le colonel Pierre Schaller, expert des feux de forêt.

En effet, la sécheresse que connaît le pays n’aide pas à contenir les flammes. Lundi, la journée a été marquée par de fortes chaleurs (45 degrés), et des vents forts, qui favorisent la propagation d’incendies, ajoutés à la sécheresse des végétaux à cette période de l’année.

Mercredi, des chaînes de solidarité s’affichaient sur les réseaux sociaux. Vêtements, médicaments, ou encore produits pour bébés étaient demandés dans les récoltes de dons. Des appels à la venue de médecins, étudiants en médecine, et vétérinaires, étaient également affichés, face à la saturation des hôpitaux.

La piste criminelle

En ce qui concerne les origines de ces feux, les autorités mettent en avant la piste criminelle. « Il n’y a que des mains criminelles qui peuvent à elles seules être à l’origine du déclenchement de plus de 50 incendies dans toutes les municipalités de l’État en même temps », déclarait mardi le ministre de l’Intérieur Kamal Beljoud soulignant la similitude de ces feux avec d’autres incendies enregistrés dans d’autres régions du pays, comme à Khenchela en juillet. Plus de 2 500 ha avaient alors brûlé.

Le conservateur des forêts de la wilaya de Tizi-Ouzou, Youcef Ould Mohamed livre la même analyse selon le journal Le Soir d’Algérie : « Le déclenchement simultané d’une trentaine de feux, dont dix importants, dans différentes communes de la wilaya le jour même où un bulletin météorologique spécial lance une alerte canicule, ne peut avoir une origine naturelle. De par notre expérience, il est impossible que l’origine de ces départs de feux soit naturelle, il s’agit d’incendies criminels ».

La radio publique algérienne a annoncé mardi l’arrestation de trois « pyromanes » à Médéa dans le Nord, où un incendie s’est aussi déclaré. Un quatrième a été arrêté à Annaba, selon l’agence Algérie Presse Service.

Manque de moyens

Dans ce contexte, les partis politiques de l’opposition ont dénoncé le manque d’action du gouvernement. « Depuis le début de l’après-midi, des dizaines d’incendies se sont déclenchés dans quelques wilayas du pays, notamment en Kabylie, sans que les autorités ne déclenchent ne serait-ce qu’un semblant de plan ORSEC (NDLR : de gestion de crise) ou qu’un officiel ne daigne s’exprimer », déclarait lundi soir Mohcine Belabbas, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).

Le parti des Travailleurs, lui, explique que « les moyens adéquats en pareille circonstance ne sont pas disponibles car, comme pour le Covid-19, aucune mesure d’anticipation n’a été prise par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis des décennies », soulignant qu’« aucune leçon n’a été tirée non plus des incendies qui ont ravagé Khenchela récemment », comme le rapporte le journal TSA. Ce ne sont pas les premiers feux de forêt en Algérie : en 2020 déjà, 43 918 ha avaient brûlé.

La situation ne risque pas de s’arranger, avec la canicule sur plusieurs régions algériennes annoncée mardi. À Tizi-Ouzou par exemple, la température atteignait les 44° mercredi, et il n’est pas prévu que la chaleur baisse beaucoup dans les jours qui suivent.

VIDÉO. En Grèce, l’île d’Eubée toujours en proie aux flammes

« Ça va être très long, comme on l’a vu en Grèce. Non seulement il faut ralentir et arrêter la progression du feu, mais ensuite ça va être des semaines de travail pour éviter une reprise, c’est un travail épuisant et dangereux, qui mobilise beaucoup de moyens humains » relate Pierre Schaller.

Dans une déclaration à la télévision algérienne, le Premier ministre Bin Abdul Rahman a indiqué que l’Algérie travaillait avec l’Europe pour louer des avions afin d’éteindre les incendies. D’après nos informations, la France va envoyer deux canadairs et un avion d’investigation en Algérie demain. La semaine dernière, le gouvernement a déjà envoyé 3 Canadairs, 40 sapeurs sauveteurs, et 40 sapeurs-pompiers en Grèce, pour aider à contrôler les incendies qui ont fait au moins 9 morts.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *