Incendie de l’usine Lubrizol de Rouen : ce que l’on sait (et ce que l’on ignore encore) trois jours après l… – Franceinfo

Le préfet a confirmé, samedi, la présence d’amiante dans le toit de l’usine parti en fumée, mais s’est montré rassurant à propos de la qualité de l’air.

“Nous sommes dans un état habituel de la qualité de l’air à Rouen.” Le préfet de Normandie et de Seine-Maritime, Pierre-André Durand, s’est montré rassurant, samedi 28 septembre, trois jours après l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen, classée Seveso. Toutefois, certaines zones d’ombre demeurent quant à la cause de l’incendie, ou à la toxicité à plus long terme des émanations. Voici ce que l’on sait, et ce que l’on ignore encore, de cet accident industriel majeur.

Ce que l’on sait

• Des mesures de qualité de l’air “normales”. Le préfet a livré les résultats des analyses complémentaires menées dans l’air après l’examen de premiers prélèvements. Ces analyses ont été menées sous l’égide de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris). Les éléments volatils ont tous été mésurés à “des taux inférieurs au seuil de quantification”. “Nous sommes dans un état habituel de la qualité de l’air à Rouen”, a assuré Pierre-André Durand. “A une exception près”, selon le préfet, qui a fait état d’une “présence de benzène sur le site” de l’usine.

• De l’amiante dans le toit parti en fumée. Les toits de l’usine sinistrée sont équipés d’un toit en fibrociment, un matériau reconnu pour ses qualités isolantes mais qui contient de l’amiante. A ce sujet, “un programme de mesures de fibres dans l’air a été lancé dans un rayon de 300 mètres autour du site”, a annoncé le préfet. Ce périmètre a été déterminé en prenant en compte les circonstances du sinistre, lors duquel “la quasi-totalité du toit s’est affaissée”.

• Des traces de plomb à certains endroits. Le préfet s’est voulu rassurant au sujet de l’état des sols touchés par les suies qui se sont déposées sur le sol par l’effet des pluies. Il n’y a “pas de différences significatives entre un prélèvement
témoin et d’autres situés sous le panache”, a assuré le préfet. “On retrouve les teneurs habituels pour une suie”, a-t-il précisé.

Des traces de plomb ont en outre été relevées à certains endroits. Mais selon le préfet, elles sont “vraisemblablement imputables à des traces historiques”, cest-à-dire à une pollution préexistante à l’incendie.

• Des plaintes déposées. Au moins cinq personnes ont décidé de porter plainte contre X, à la suite de vomissements et malaises survenus après l’incendie de l’usine Lubrizol. Leurs avocats, Jonas Haddad et Grégoire Leclerc, précisent que d’autres plaintes seront déposées dans les prochains jours. Me Leclerc évoque “une vingtaine de rendez-vous dès lundi”. Les deux avocats disent avoir reçu “depuis 48 heures des appels de particuliers mais aussi d’entreprises”.

“Certains plaignants se sont plaints d’avoir eu des nausées importantes, d’autres ont été obligés d’aller à l’hôpital. L’un des plaignants a eu un malaise pendant la nuit à cause de ça, alors qu’il n’est jamais pris de vertiges, et il est tombé la tête la première, ce qui lui a occasionné des points de suture”, précise Jonas Haddad. “Une autre personne évoque le fait qu’elle avait stocké des eaux, et l’intégralité des eaux a été souillé par les suies d’hydrocarbures”, ajoute l’avocat.

• Une enquête judiciaire élargie. Dès la survenue du sinistre, une enquête pour “destructions involontaires par l’effet d’une explosion ou d’un incendie” a été confiée au service régional de la police judiciaire de Rouen, en cosaisine avec l’office central contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, la direction centrale de la police judiciaire et la direction générale de la gendarmerie nationale.

Samedi, cette enquête a été élargie pour le chef de “mise en danger d’autrui”. Dans un communiqué, le procureur de la République de Rouen, Pascal Prache, a justifié cette décision par “les plaintes portées à la connaissance du parquet, dans le ressort du tribunal de grande instance de Rouen ou hors ressort”, et qui lui sont “adressées au fur et à mesure”.

Ce que l’on ignore encore

• La cause de l’incendie. On ignore toujours les raisons du gigantesque incendie qui s’est déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi. Dans un communiqué, Lubrizol a précisé que “l’incendie a touché un entrepôt, une installation d’enfutage et un bâtiment administratif”.

Jeudi, le préfet avait affirmé que cette usine était “aux normes telle que nous l’avons vue en 2019”, “parfaitement à niveau”. Il avait cependant reconnu qu’“elle ne l’a pas toujours été” et qu’en 2017, “elle a fait l’objet d’une mise en demeure” en raison de “dix-sept manquements” puis qu’une “mise à niveau” avait été réalisée. Lors de la conférence de presse de samedi, il n’a livré aucune autre information à ce sujet.

• La liste des matériaux qui ont brûlé. “Des hydrocarbures, des huiles et des additifs chimiques pour huiles de moteur” constituent “l’essentiel de ce qui a brûlé”, a indiqué le préfet, sans détailler la liste exacte des composants chimiques. Il a souligné que “l’intégralité” des matériaux utilisée par l’entreprise était consultable publiquement, mais n’a pas précisé lesquels avaient brûlé et lequels avaient été épargnés.

Le préfet et un responsable du Sdis (pompiers) de Seine-Maritime ont confirmé que des éléments radioactifs scellés, utilisés pour des instruments de mesure, étaient bien présents sur le site, mais que ceux-ci n’avaient pas été affectés par l’incendie.

• La toxicité des émanations. Au total, 51 personnes ont consulté les établissements de santé rouennais jeudi et vendredi matin à cause de l’incendie. Parmi eux, cinq adultes qui avaient déjà des pathologie respiratoires auparavant ont été hospitalisés, selon le Samu. Immédiatement après l’incendie, le préfet avait indiqué qu’il n’y avait “pas de toxicité aiguë” dans la fumée, selon les premières analyses, précisant que les bruits d’explosion entendus par les habitants correspondaient à des explosions de fûts d’huile. Une observation confirmée par les analyses complémentaires.

En revanche, une toxicité à long terme n’est pas exclue. “L’inquiétude est absolument légitime. Ce nuage qui est passé au-dessus de Rouen est chargé en poussière hautement toxique au minimum cancérogène”, estime Annie Thébaud Mony, directrice de recherche honoraire à l’Inserm, spécialisée dans les cancers professionnels.

• Les conséquences sur les cultures agricoles. Des mesures conservatoires ont été décidées. “Les productions végétales non récoltées ne devront pas l’être”, a annoncé le préfet. Les productions récoltées avant le 26 septembre et susceptibles d’avoir été exposées, “devront être consignées sous la responsabilité de l’exploitant jusqu’à obtention de garanties sanitaires sur les productions et sur la base de contrôles officiels et d’une évaluation du risque sanitaire”.

En ce qui concerne les potagers de particuliers, il est recommandé de ne pas consommer les produits souillés. Ils peuvent cependant l’être après avoir été soigneusement lavés ou épluchés, a précisé le préfet.

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