Incendie de Lubrizol : pour Macron, pas de « défaillance des services de l’Etat » – Blog Le Monde

Un homme portant un masque à gaz, lors d’une manifestation pour exprimer les inquiétudes de la population sur les conséquences potentielles de l’incendie de l’usine chimique de Lubrizol, le 26 octobre 2019 à Rouen.

Emmanuel Macron s’est rendu mercredi 30 octobre en fin de journée à Rouen pour examiner les conséquences de l’incendie de l’usine chimique Lubrizol il y a un mois. Ce déplacement, qui n’était pas à l’agenda présidentiel, a lieu alors que l’inquiétude reste forte dans la ville face à l’impact sanitaire et environnemental de la catastrophe du 26 septembre.

Dans une rue filtrée par un cordon policier, le président a défendu devant des Rouennais rencontrés la gestion de la crise par l’Etat, affirmant ne pas « avoir vu de défaillances ». « Au contraire, j’ai vu beaucoup d’engagement », a-t-il ajouté.

A ceux qui n’ont pas compris son absence sur le terrain après la catastrophe, il a répondu que « le rôle d’un président de la République n’est pas de se précipiter dès que quelque chose se passe ». M. Macron a cependant tenu à rassurer les habitants concernant l’impact sanitaire et environnemental de l’incendie : « On continuera à mesurer, à informer et on continuera la transparence. » Derrière lui, des huées et des cris « Macron démission ! » se font entendre.

Il a fait savoir que « d’ici au 18 novembre, les premières indemnisations ser[aie]nt versées (…) aux agriculteurs, aux commerçants, à celles et ceux qui ont à subir les conséquences de ce qu’il s’est passé ». M. Macron a par ailleurs exprimé le souhait que des « événements internationaux », sans préciser lesquels, puissent être organisés à Rouen dans les semaines ou les mois à venir. Selon lui, il n’y a pas eu de « défaillance des services de l’Etat » dans la gestion de la crise.

Manifestations

Plus tôt, des manifestants du collectif Lubrizol, qui s’étaient réunis devant le palais de justice, ont demandé à le voir, sans y parvenir.

Samedi, 500 personnes s’étaient rassemblées devant le palais de justice de Rouen pour exprimer leur inquiétude face aux conséquences possibles de l’incendie survenu un mois plus tôt. « Avec Lubrizol, on meurt un peu, mais pas trop », pouvait-on lire sur des pancartes brandies par les participants, réunis à l’appel d’un « collectif unitaire », regroupant associations, syndicats et partis politiques. Une nouvelle manifestation est prévue le 26 novembre, deux mois après l’incendie.

« Lutter contre les fausses informations »

« Emmanuel Macron rencontrera le maire de Rouen et témoignera de son soutien aux habitants », selon une source proche de la présidence. Le président avait annoncé le 4 octobre qu’il se rendrait sur place, en expliquant suivre « de très près » la situation, qui est « gérée par le gouvernement ».

Le premier ministre, Edouard Philippe, à deux reprises, et plusieurs ministres s’y sont rendus depuis un mois alors que la communication de l’exécutif dans les jours suivant le violent incendie a été vivement critiquée.

« Il faut lutter contre les fausses informations, et le défi, c’est d’avoir le plus vite possible une voix unique et la plus indépendante possible. C’est pour ça que j’ai demandé au gouvernement de faire monter les agences indépendantes, car nos concitoyens veulent une parole scientifique qui redonne de la confiance », avait souligné Emmanuel Macron.

Sur les réseaux sociaux, de nombreuses fausses informations ont en effet circulé, surfant sur les inquiétudes bien réelles de la population.

Une fausse citation de Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, a également été partagée plus de 4 000 fois sur Facebook. La publication est accompagnée d’une image, présentée comme une capture d’écran d’un tweet de BFM-TV, lui faisant dire que « si le président Macron ne s’est pas encore rendu à Rouen, c’est parce que nous attendons les résultats complets des analyses. La sécurité du président doit être assurée ».

Plusieurs photos et vidéos présentées comme prises à Rouen ou ses alentours sont également devenues virales. L’une d’entre elles, qui montre une route jonchée de volatiles morts, date en fait de janvier 2011 et a été prise en Louisiane (Etats-Unis). Une fausse vidéo de l’explosion, massivement relayée quelques heures après l’incendie, a, elle, été en réalité réalisée en Chine en août 2015.

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Vers un nouveau système d’alerte

Dans la journée de mercredi, le préfet de Normandie, Pierre-André Durand, avait été entendu lors d’une audition devant la mission d’information de l’Assemblée nationale. Il a appelé de ses vœux la mise en place d’un système d’information des populations plus efficace, par message téléphonique plutôt que par sirène, comme c’est le cas actuellement en cas de crise.

Revenant sur sa décision de ne pas sonner les 31 sirènes du plan particulier d’intervention (PPI) de Rouen le 26 septembre, Pierre-André Durand a jugé avoir pris la « moins mauvaise décision », expliquant avoir choisi d’attendre 7 h 51 pour sonner les deux sirènes les plus proches du site et de communiquer dans l’intervalle sur Twitter et les radios.

« J’ai considéré que déclencher les sirènes était contre-productif alors que la population était de fait confinée ou à l’abri. J’aurais inévitablement créé les effets inverses », a assuré M. Durand, évoquant le risque d’avoir « des mouvements de panique ». Il a observé que peu de personnes connaissent « la conduite à tenir » en cas de sirène.

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Investigations en cours

Le 26 septembre, vers 2 h 30, une partie de l’usine Lubrizol et trois bâtiments de l’entreprise Normandie Logistique ont été ravagés par un gigantesque incendie, qui n’a pas fait de victime. Au total, 9 505 tonnes de produits, en majorité chimiques, ont brûlé sur le site classé Seveso seuil haut.

L’Etat a annoncé qu’une « enquête de santé » allait être menée à partir du mois de mars auprès de la population des 215 communes qui se sont retrouvées sous le panache de fumée de 22 km de long émis par l’incendie du site. Lubrizol a de son côté déclaré espérer redémarrer son usine « aussi rapidement que possible », mais en précisant que les lieux de stockage ayant brûlé ne seraient pas reconstruits.

Selon le procureur de la République de Paris, les investigations n’ont pas permis « de déterminer, à ce jour, la localisation précise du départ » du feu. L’enquête sur l’incendie a été confiée mardi à des juges d’instruction parisiens. Le Sénat a pour sa part créé une commission d’enquête parlementaire pour se pencher sur l’application des règles auxquelles sont soumises les installations classées Seveso « afin de tirer les enseignements sur la prévention des risques technologiques ».

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