Incendie à Rouen : Les agriculteurs de Normandie et des Hauts-de-France inquiets – 20 Minutes

L’incendie de l’usine Lubrizol, près de Rouen, le 26 septembre 2019. — BEAUFILS/SIPA

« Là, chacun respecte la volonté préfectorale de reporter les récoltes de quelques jours, mais on ne va pas pouvoir attendre très longtemps », prévient Aline Catoir. Cette agricultrice tient un élevage de vaches laitières à Catonteville, à 50 km au nord-est de l’incendie. « Hier soir (samedi), vers 21 heures, on a eu la consigne de jeter le lait. On avait trois jours de stock comme habituellement, le laitier devait passer hier soir. Donc on a jeté plus de 5.000 litres de lait : la production de trois jours dans la fosse à lisier », soupire-t-elle, en montrant le liquide déversé.

Dès jeudi, la préfecture de Seine-Maritime a demandé « aux agriculteurs de ne pas récolter leur production en l’attente de précisions ultérieures », au nom du principe de précaution. Dans les Hauts-de-France, les préfectures de la Somme et de l’Aisne interdisent « à titre conservatoire » sur une cinquantaine de communes la récolte des cultures et de denrées alimentaires d’origine animale « en raison de la suspicion de contamination liée » aux retombées des fumées de l’incendie de l’usine Seveso de Lubrizol à Rouen.

« Qu’est-ce que ça va donner sur nos troupeaux » ?

« L’inquiétude prédomine car tout est bloqué : les œufs ne sont pas ramassés, le lait n’est pas ramassé… C’est compliqué » explique Patrice Faucon, de la FNSEA de Seine-Maritime. « On ne sait pas trop la matière en fait qui a brûlé » lors de l’incendie de l’usine chimique, explique-t-il à l’AFP, avant d’annoncer que le syndicat agricole porterait plainte contre X auprès du parquet de Rouen et se constituerait partie civile pour avoir accès au dossier.

A Longuerue, autre petit village typique de la campagne normande, Guillaume Leroy, dont l’exploitation a une surface de 160 hectares (forage, blé, orge et Colza) et qui s’occupe de 140 vaches laitières, se souvient de la journée de jeudi. « On a eu surtout les odeurs qui sont venues vers 9 heures du matin, puis rapidement on s’est rendu compte des tombées de suie et tout ça. Elles étaient probablement déjà là avant mais elles sont devenues flagrantes vers 10 ou 11 heures du matin », se rappelle-t-il. « On s’est rendu compte que ça pouvait être nocif, qu’est ce que ça va donner sur nos troupeaux, sur nos cultures, c’est un gros, gros point d’interrogation », ajoute-t-il.

Dans les Hauts-de-France, les autorités ont indiqué que le nuage de fumée de l’incendie de l’usine chimique Lubrizol « ne présentait pas de toxicité aiguë ». Mais des témoignages faisant état de suies, probablement issues du nuage noir, dans l’Aisne, l’Oise et même à Lille, ont conduit l’Agence régionale de santé des Hauts-de-France à demander aux habitants de signaler aux différents services « la présence de retombées sous forme de suie ».

Indemnisation

Pour beaucoup d’agriculteurs, qui ont déjà eu à subir des tracas et des pertes liés à la sécheresse de cette année, se pose la question du montant des préjudices et les interrogations sur les indemnisations.

« Ils nous imposent plein de choses sur le principe de précaution, c’est logique : on est là pour nourrir les gens, pas pour les empoisonner ! Mais on subit un préjudice pour lequel on est en aucun cas responsable, et ce que demande l’administration représente des coûts », explique Jocelyn Pesqueux, président de la section laitière (FDSEA) de Seine-Maritime.

« A défaut de garanties sanitaires satisfaisantes, ces productions seront retirées de la consommation humaine et de l’alimentation animale et détruites », précisent les textes des arrêtés publiés dimanche dans l’Aisne et la Somme. Le non-respect de cette mesure est puni de deux ans de prison et d’une amende de 300.000 euros. Une fois la consignation levée, la mise sur le marché « s’effectuera sous la responsabilité de l’exploitant » qui devra faire lui-même des contrôles de conformité sanitaire de ses produits.

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