Immigration: l’exécutif veut durcir son arsenal – Le Figaro

Le durcissement de ton d’Emmanuel Macron sur l’immigration, égrené dans ses confidences à Valeurs actuelles , sera-t-il suivi d’effet? Ou s’agissait-il d’une posture? C’est tout l’enjeu du comité interministériel réuni à Matignon mercredi matin.

Autour du premier ministre, pas moins de douze ministres ont été conviés pour prendre en main le sujet et donner un contenu au débat parlementaire organisé début septembre. Une vingtaine de mesures doivent y être présentées. Elles se veulent équilibrées, selon le premier ministre. «Je veux que ce plan incarne une sorte de “en même temps” assumé», a expliqué Édouard Philippe, en petit comité, lors du petit déjeuner de la majorité, mardi matin. Il le sait, le thème fait tousser dans sa majorité, dont le centre de gravité penche à gauche, et nécessite du doigté politique.

Côté contrôle des flux, les reconduites à la frontière doivent être rendues plus effectives. Et l’attribution de visas, plus contrôlée.

Le gouvernement serre la vis sur l’attribution de deux prestations. Il doit annoncer une période de carence de trois mois pour pouvoir bénéficier de la protection universelle maladie (PUMA), cette aide destinée aux demandeurs d’asile. Il promet parallèlement de faire la chasse aux «abus» qui concernent l’aide médicale d’État (AME), après la publication d’un rapport sans concession de l’Inspection générale des affaires sociales, pointant une «migration sanitaire» liée à cette prestation.

Réservée aux clandestins, l’AME fait l’objet d’une intense polémique. La droite demande à cor et à cri qu’elle soit réduite aux urgences vitales. Mais l’exécutif, après avoir hésité, ne souhaite pas réduire le périmètre de son panier de soins. Autre mesure: la carte bleue délivrée aux bénéficiaires de l’allocation demandeurs d’asile (ADA) devrait servir uniquement comme carte de paiement et plus de retrait.

En revanche, le gouvernement se dit prêt à assumer une politique migratoire de travail, avec des quotas régulant les arrivées économiques. «Cela se faisait de façon cachée, clandestine, jusqu’à présent», souligne un proche du chef de l’État. «On est prêt à augmenter s’il le faut cette catégorie pour des emplois non pourvus, explique un conseiller à Matignon. Il ne s’agit pas de quotas par zone géographique, mais d’objectifs par profession

Main tendue

L’appareil d’État serait mis à contribution pour faire coïncider les entreprises en recherche de profils rares et les prétendants potentiels. C’est d’ailleurs sur ce point que la gauche a concentré ses critiques. Mardi, socialistes et Insoumis ont en effet parlé d’une même voix pour dénoncer la «stigmatisation» qui était orchestrée selon eux par l’exécutif.

Dans le même temps, le gouvernement a reçu un étonnant soutien en la personne de Yannick Jadot: l’eurodéputé Europe Écologie-Les Verts a considéré que la méthode des quotas allait permettre de «sortir du fantasme que nous sommes envahis» et de montrer que «notre société a besoin de migrants économiques». «Souvent, ces histoires de migrations sont des histoires de succès, de réussite, qui créent de l’activité et de l’emploi dans notre pays», a-t-il expliqué, se disant prêt à «en débattre» si tant est que la discussion reste «dans cette perspective-là».

La main tendue a été appréciée par les proches du premier ministre et par ceux du président de la République. À l’Élysée, on trouve d’ailleurs que la «séquence immigration» a été plutôt bien amenée dans le débat public par le chef de l’État. Au moins en matière de communication. «Emmanuel Macron, c’est quelqu’un qui pense le temps, qui pense le moment, qui pense le timing, qui pense la gestion…», assure l’un de ses plus proches.

Plan bien huilé

Selon ce conseiller, plusieurs réunions ont été spécifiquement dédiées à l’élaboration de la stratégie qui est appliquée actuellement. «Il a décidé, il y a six mois, qu’il fallait qu’on s’attaque à l’immigration. Résultat, quinze jours avant le débat au Parlement, il dégoupille devant les parlementaires de la majorité (réunis au ministère de Marc Fesneau début septembre, NDLR). Après son discours, le sujet monte d’un coup. Ensuite, il le fait exister sur deux semaines, jusqu’à ce que le débat arrive… Puis il en remet quelques couches, par-ci par-là», détaille-t-on de même source.

Seul bémol dans ce plan a priori bien huilé: l’exécutif espérait initialement pouvoir aborder le sujet dans un contexte «apaisé». Mais l’attaque au couteau à la préfecture de police de Paris, puis l’incident autour de la mère voilée accompagnatrice de sortie scolaire sont venus contrecarrer cette stratégie. Et ragaillardir l’opposition, notamment de droite, qui salue des déclarations d’intention louables, mais réclame des actes.

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