« Il a fait le job » au cœur d’une crise inédite… Olivier Véran, le « médecin de terrain » devenu atout du gouvernement – 20 Minutes

Inconnu du grand public il y a encore quelques mois, le mininstre de la Santé Olivier Véran s’est imposé comme l’un des membres phares du gouvernement. — Thibault Camus/AP/SIPA
  • Propulsé ministre de la Santé au démarrage de l’épidémie de coronavirus, Olivier Véran a pris au vol la gestion de la crise sanitaire.
  • Mis en cause pour le manque de masques destinés aux médecins et soignants de ville, il a dû essuyer des critiques.
  • Mais jugé bon communiquant et volontaire, il devrait être assuré de conserver son ministère en cas de remaniement, qui pourrait être annoncé par le chef de l’Etat après le second tour des élections municipales.

Restera ? Restera pas ? Alors que se profile un deuxième tour mouvementé des élections municipales, où LREM devrait faire des scores assez médiocres, les rumeurs de remaniement ministériel vont bon train. Début juillet, le chef de l’Etat pourrait annoncer des changements dans la composition de son gouvernement.

Et au milieu de cette tempête politique qui s’annonce, c’est peut-être le dernier arrivé qui pourrait tirer son épingle du jeu. Nommé ministre de la Santé le 16 février en remplacement d’Agnès Buzyn, elle-même catapultée en un week-end dans la course à la Mairie de Paris après le «  Benjamin Griveaux Gate », le discret Olivier Véran s’est imposé comme l’une des figures politiques de ces derniers mois, prenant ses nouvelles fonctions de ministre alors que la crise du Covid-19 éclatait en France.

« L’antithèse de Buzyn la bourgeoise »

Dès sa nomination, « on a attendu beaucoup de lui, parce qu’il incarne l’antithèse d’Agnès Buzyn, la technocrate bourgeoise issue de l’élite médicale, confie le Dr Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l’Union française pour une médecine libre (UFML). Contrairement à elle, il est resté un médecin proche du terrain ». Car avant d’être député de l’Isère puis ministre, le Grenoblois Olivier Véran est d’abord neurologue, et fait ses armes au CHU de Grenoble. Choisi par Emmanuel Macron pour construire le volet santé de son programme présidentiel aux côtés de Jérôme Salomon, l’actuel directeur général de la santé, l’ex-socialiste devenu marcheur est élu rapporteur général de la Commission des affaires sociales à l’Assemblée, et défend notamment l’expérimentation du cannabis thérapeutique. « C’est un provincial et un médecin reconnu. Son parcours fait de lui un ministre qui maîtrise ses dossiers, qui sait de quoi il parle », analyse Jocelyn Raude, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et spécialiste des maladies infectieuses émergentes. Décrit comme « une boule de nerfs » et un « travailleur acharné » par son entourage, Olivier Véran l’ambitieux aime être dans l’action. Pressenti dès 2017 au poste de ministre de la Santé, c’est finalement Agnès Buzyn qui le coiffe au poteau. Avant de lui céder à contrecœur sa place moins de trois ans plus tard.

Quand il est nommé ministre en février, le virus n’a fait qu’une victime dans l’Hexagone. « Mais il hérite tardivement de la gestion de l’épidémie de coronavirus qui est sur le point d’éclater en France, souligne Jocelyn Raude. Il arrive à un moment où il est déjà trop tard pour certaines décisions qui auraient dû être prises plus tôt, qu’il s’agisse du stock de masques ou des capacités de dépistage. Ce manque d’anticipation ne peut pas être totalement rattrapé, et c’est ainsi que la France a dès le départ un train de retard sur d’autres pays comme l’Allemagne, qui a très tôt mis le paquet sur ses capacités de dépistage, quand ici, nous avons rapidement frôlé la pénurie de réactifs et d’écouvillons, ne permettant pas un dépistage massif par PCR comme le recommandait pourtant l’OMS ».

Des couacs dans sa gestion de la crise sanitaire

Ce retard à l’allumage, Olivier Véran tente de le rattraper, en vain. Le 21 mars, lors d’un point presse, « et alors que l’on est déjà en pénurie et que des médecins de ville n’ont pas de masques pour affronter l’épidémie et recevoir les malades dans leur cabinet, Olivier Véran annonce la commande de 250 millions de masques, rappelle le Dr Jérôme Marty. Une commande dont la livraison est alors prévue pour juin, ce n’est pas sérieux ! Et ça l’est d’autant moins que Jérôme Salomon et lui ont travaillé pour Marisol Touraine quand elle était ministre de la Santé. L’état insuffisant des stocks de masques, il le connaissait ».

Ce même 21 mars, alors que l’Etat a toutes les peines du monde à procurer des masques à ses soignants, et que se pose la question de l’intérêt du port du masque en population, Olivier Véran l’assure, « une personne qui marche dans la rue, pour aller faire ses courses, n’a pas besoin de porter un masque ». Une position alors défendue par l’ensemble du gouvernement et sur laquelle Olivier Véran fera marche arrière quelques semaines plus tard. « C’est un bon ministre de la pénurie », souffle à L’Obs le Pr Philippe Juvin, chef des urgences de l’hôpital Pompidou et maire LR de La Garenne-Colombes. Fervent défenseur du port du masque par la population, le médecin remet en cause la gestion de crise du ministre de la Santé.

Visé par une plainte

« Je comprends qu’il occupe un poste particulièrement difficile, il s’est retrouvé dans une situation de crise sanitaire sans précédent, admet le Dr Marty. Mais il a promis des masques FFP2 aux médecins de ville qui ne sont jamais arrivés. Dès la fin février, ils ont pris en charge les malades du Covid-19. Or, faute de masques, certains généralistes ont bouffé de la charge virale des jours durant, sans protection, et ont fini par développer des formes graves qui leur ont coûté la vie. Les pharmaciens n’avaient plus aucun masque à nous délivrer. Et la dotation de trois masques chirurgicaux par jour et par médecin annoncée par Véran est arrivée trop tard et n’a pas suffi. Résultat : la médecine libérale a payé un lourd tribut, plus d’une trentaine de médecins généralistes sont morts du coronavirus ».

Endeuillée, la médecine libérale attend que le gouvernement lui rende des comptes. Trois médecins membres du collectif C19, soutenus par plus de 600 personnels de santé, ont porté plainte contre Olivier Véran et saisi la Cour de justice de la République, seule instance habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement français dans l’exercice de leurs fonctions. « Le gouvernement n’a pas présenté jusque-là de preuves de commandes ou de contrats pour les équipements nécessaires » de protection, à commencer par des masques, a indiqué leur avocat, Me Fabrice Di Vizio. Ces trois médecins ont également déposé plainte contre Agnès Buzyn et le Premier ministre Edouard Philippe, pour s’être « abstenus » de prendre à temps des mesures pour endiguer l’épidémie. « Olivier Véran a hérité des errements des autorités sanitaires et du gouvernement sur les masques, même si lui aussi a changé de discours sur le sujet, reconnaît Jocelyn Raude. Mais Agnès Buzyn lui a cédé sa place à un moment vraiment critique. Je pense vraiment qu’il faut faire preuve d’indulgence envers lui. Il n’a pas démérité ».

Un ministre populaire qui a toutes les chances de rester

Fallait-il maintenir le premier tour des élections municipales ? Aurait-on pu se procurer des masques quand il en fallait et autant qu’il en fallait ? A-t-on trop confiné ? A-t-on tardé à déconfiner ? Tout au long de la crise sanitaire, les choix de l’exécutif ont fait l’objet de vives critiques. Au point pour Emmanuel Macron de voir sa cote de popularité dévisser, quand dans le même temps, celle de son chef du gouvernement Edouard Philippe – perçu comme le commandant aux manettes de cette crise sanitaire inédite – a grimpé. Une situation qui pousserait donc le chef de l’Etat à plancher sur un large remaniement ministériel. Le locataire de Matignon pourrait être renvoyé pour de bon dans ses pénates havrais. Tout comme le marcheur de la première heure, Christophe Castaner, qui pourrait bientôt vider son bureau place Beauvau.

Olivier Véran, lui, n’aurait pas trop de souci à se faire. « C’est un très bon communiquant, il est affable, a un discours apaisé, est très bon orateur et pédagogue, estime le spécialiste des maladies infectieuses émergentes Jocelyn Raude. Il a su faire preuve de prudence, de calme et de clarté, sans être péremptoire ». Ainsi, selon une députée influente citée par Le JDD, il n’y a aucun doute, son maintien au sein du gouvernement « est une évidence ». « Il a fait la démonstration de ses capacités techniques, il sait parler aux Français, avec pédagogie et sans aucune arrogance. Il a un sens politique. C’est clairement un atout. »

Une popularité confirmée par les sondages, puisque 41 % des Français ont une opinion favorable d’Olivier Véran, selon le baromètre Ifop-Fiducial pour Paris Match et Sud Radio du mois de juin. « Il a crevé l’écran, estime Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. Il a réussi son intégration dans le gouvernement et est désormais le troisième ministre le plus populaire derrière Bruno Le Maire et Jean-Yves Le Drian. Et le fait qu’il ait remplacé Agnès Buzyn au pied levé ne le pénalise pas Pour beaucoup de Français, il a fait le job pendant la crise ».

Une enveloppe de 6 milliards d’euros ?

Alors que le « Ségur de la santé » est lancé depuis un mois, Olivier Véran a dévoilé mercredi l’enveloppe prévue pour les hausses de salaires des soignants. Elle serait de 6 milliards d’euros, à partager entre hôpitaux et Ehpad publics, mais aussi pour partie avec le secteur privé. Cela se ferait sans compter les médecins, qui font l’objet d’une négociation parallèle.

Ces 6 milliards incluraient une augmentation générale des salaires des agents de la fonction publique hospitalière (hôpitaux, Ehpad…), une refonte des primes, et des hausses ciblées sur certaines professions, selon plusieurs sources.

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