“Il a donné l’alerte au prix de sa vie” : comment Li Wenliang, le médecin chinois qui a tenté de prévenir l… – franceinfo

Li Wenliang avait été arrêté par les autorités chinoises pour avoir lancé l’alerte sur le coronavirus, fin décembre. Après l’annonce de sa mort vendredi, la colère gronde dans le pays.

“Il a donné l’alerte au prix de sa vie”, “Vous étiez le rayon de lumière dans la nuit”. Sur le réseau social chinois Weibo, les messages d’hommage affluent après l’annonce de la mort, vendredi 7 février, d’un médecin de Wuhan, Li Wenliang, atteint du coronavirus 2019-nCoV. Il était l’un des premiers à avoir tenté d’alerter ses confrères sur la dangerosité du virus.  

Avec sept autres personnes, il avait pour ce motif été convoqué par la police, qui l’avait accusé de propager des rumeurs. Il fait désormais figure de héros national, face à des responsables locaux accusés d’avoir caché les débuts de l’épidémie.

Li Wenliang était médecin ophtalmologue. L’homme de 34 ans officiait à l’hôpital central de Wuhan, foyer de l’épidémie dans le centre de la Chine. C’est dans un groupe d’anciens étudiants de l’école de médecine, sur l’application de messagerie WeChat, qu’il témoigne de l’épidémie de coronavirus 2019-nCoV pour la première fois, le 30 décembre. Photo d’un test à l’appui, il affirme que sept patients ont été diagnostiqués au coronavirus, une famille de virus dont fait partie le Sras et qui avait tué 349 personnes dans le pays en 2002-2003. Placés en quarantaine, ils s’étaient tous rendus au marché aux poissons de la ville. 

Il prévient ses amis dans une conversation privée, raconte CNN. Mais ses messages sont massivement partagés sur les réseaux sociaux. Et son nom n’est pas flouté. 

Quand j’ai vu les images circuler en ligne, j’ai compris que ça devenait hors de contrôle et que j’allais être puni.Li Wenliangà CNN, en janvier

Les messages sont en effet rapidement captés par les autorités. Le jour même, la commission de santé de la municipalité de Wuhan informe les établissements médicaux de la ville de l’apparition d’une “pneumonie d’origine inconnue”. Un message qui s’accompagne d’un avertissement : “Aucune organisation ou personne n’a le droit de divulguer des informations [sur la maladie] au public sans autorisation”, rapporte CNN.

Li Wenliang et sept autres médecins sont interpellés et visés par une enquête pour avoir “répandu des rumeurs” et “perturbé gravement l’ordre social”, le 1er janvier. Questionné pendant plusieurs heures, il est contraint de signer un procès-verbal reconnaissant qu’il “perturbe l’ordre social”, détaille Le Monde.

Dès le début de l’épidémie, les autorités chinoises tentent donc de contrôler les informations sur le virus. Sur le réseau social Weibo, la police de Wuhan annonce qu’elle a pris des “mesures légales” contre des personnes ayant “publié et partagé des rumeurs en ligne”, “causant un impact négatif sur la société”

Le lendemain, l’information est reprise par la chaîne CCTV, la télévision d’Etat, qui ne précise pas que les huit personnes accusées de “répandre des fausses rumeurs” sont des médecins, explique Le Monde.

Dans les deux semaines qui suivent, les autorités de Wuhan sont les seules à communiquer sur le virus. Les scientifiques chinois identifient le nouveau coronavirus le 7 janvier, mais les nouveaux cas de contamination tardent à être annoncés. Les autorités maintiennent également que la contamination entre humains n’est pas prouvée. Relâché après son interpellation, Li Wenliang retourne travailler à l’hôpital. Mais le médecin se sent impuissant face aux autorités. 

Je ne pouvais rien faire. Tout doit respecter la ligne officielle.Li Wenliangà CNN, en janvier

A ce moment-là, seuls 41 cas sont officiellement recensés dans la ville, le 17 janvier, indique CNN. Mais face aux critiques qui se multiplient sur les réseaux sociaux, le gouvernement chinois est obligé de réagir. Le président Xi Jinping souligne la nécessité de partager rapidement des informations avec le reste du monde, le 20 janvier. Le même jour, le bilan des autorités de Wuhan est porté à 198 cas et la transmission entre humains est confirmée.

A la fin du mois de janvier, l’épidémie s’étend dans le monde et la gestion de la crise par le gouvernement chinois est largement critiquée dans le pays. Le régime communiste est accusé par des internautes de manquer de transparence. Fait rare, la Cour suprême réhabilite les lanceurs d’alerte, le 28 janvier. Elle concède que “l’information délivrée par les huit personnes [dont Li Wenliang] n’était pas fabriquée de toutes pièces”, rapporte Le Monde.

Li Wenliang est lui testé positif au coronavirus 2019-nCoV le 1er février. Il avait commencé à développer les symptômes du virus le 10 janvier. Hospitalisé deux jours plus tard, il avait été transféré dans une unité de soins intensifs et placé sous assistance respiratoire, relate CNN

Le médecin a finalement succombé à la maladie vendredi 7 février. La télévision nationale CCTV et le quotidien Global Times avaient dans un premier temps annoncé son décès dès jeudi soir, avant de retirer cette information des réseaux sociaux. L’hôpital central de Wuhan avait en effet démenti son décès, ajoutant qu’il se trouvait dans un “état critique”. L’établissement a quelques heures plus tard confirmé sa mort sur Weibo. Les publications sur ce réseau annonçant la nouvelle ont cumulé plus de 1,5 milliard de vues dans la nuit de jeudi à vendredi, selon l’AFP.

Sur le groupe de messages privés WeChat, les réactions de recueillement et de colère se mélangent. “Que tous ces fonctionnaires qui s’engraissent avec l’argent public périssent sous la neige”, s’est emporté un internaute, dans un commentaire promptement effacé par la censure. Un autre a republié les images de la télévision centrale de Chine annonçant l’arrestation des médecins en décembre. 

Si les autorités ont laissé passer ces dernières semaines des critiques des responsables locaux, les commentaires publiés depuis la mort du médecin s’en prennent à la nature autoritaire du régime. “Les Chinois n’ont qu’une sorte de liberté, celle qui est octroyée par le gouvernement et le Parti communiste”, dénonce un autre internaute. Sur Weibo, le mot-dièse “Nous voulons la liberté d’expression” a largement été partagé avant d’être censuré.

Réagissant promptement à la colère populaire, le pouvoir central a annoncé l’ouverture d’une enquête sur “les circonstances entourant le docteur Li Wenliang, telles qu’elles ont été rapportées par les masses” et l’envoi sur place d’une équipe d’enquêteurs anti-corruption.

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