« Hydroxychloroquine, l’amour à mort » – Le Monde

Une plaquette de Plaquenil, comprimé à base d’hydroxychloroquine, dans les mains d’un membre de l’IHU, à Marseille, le 26 février 2020.

Une plaquette de Plaquenil, comprimé à base d’hydroxychloroquine, dans les mains d’un membre de l’IHU, à Marseille, le 26 février 2020. GERARD JULIEN / AFP

Chronique. Les Français plébiscitent la chloroquine. A près de 60 %, selon un sondage IFOP, ils sont convaincus de son efficacité pour traiter le Covid-19. Sur les réseaux sociaux, des centaines de milliers de personnes réclament la libéralisation de sa prescription. Un ancien ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy, lance une pétition en ce sens et recueille un demi-million de signatures. De distingués professeurs, des politiques de droite et de gauche, abondent. Le chef de l’Etat lui-même se déplace à Marseille pour capter quelques éclaboussures de la gloire qui auréole ces jours-ci le microbiologiste Didier Raoult (Institut hospitalo-universitaire, IHU, Méditerranée infection), promoteur du remède miracle. Tout en lui apportant, après celle de Donald Trump, une seconde caution présidentielle.

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Le pays semble sombrer dans la folie. L’engouement pour l’hydroxychloroquine est même, à certains égards, presque aussi inquiétant que la maladie qu’elle est supposée soigner, et qu’elle ne soigne probablement pas. Il faut bien sûr attendre, pour s’en convaincre tout à fait, les résultats des études de qualité lancées sur le sujet. Ils ne tarderont pas. Mais il est déjà certain que la communication outrancière autour de la chloroquine et ses dérivés a jusqu’à présent été fortement délétère.

Elle conduit à des achats de masse qui risquent de priver de ce produit des malades qui en ont vraiment besoin. Elle induit des comportements d’automédication mortifères. Quant à l’administration d’hydroxychloroquine aux malades du Covid-19, elle a jusqu’à présent provoqué en France une cinquantaine d’accidents cardiaques graves, dont sept arrêts du cœur et la mort d’au moins quatre patients, selon les données de la pharmacovigilance. Or celle-ci ne capte généralement qu’une petite part des effets indésirables d’un traitement. La réalité est sans doute bien plus lourde. Tout cela pour des bénéfices dont il n’existe, au moment où ces lignes sont écrites, aucune preuve tangible.

Méthode défectueuse

L’enthousiasme planétaire pour ce produit repose sur la publicité donnée à un essai publié fin mars par l’équipe de M. Raoult dans la revue International Journal of Antimicrobial Agents (IJAA). Cet essai suggère une baisse de charge virale plus marquée chez les patients recevant l’hydroxychloroquine, additionnée ou non d’un antibiotique (l’azithromycine), par rapport à ceux ne recevant ni l’un ni l’autre. Mais voici une autre manière de présenter les résultats de cette étude : parmi les patients ayant reçu le traitement, 3,8 % sont morts et 11,5 % ont vu leur état se dégrader au point qu’ils ont été transférés en soins intensifs. Quant aux patients non traités, aucun n’est mort, aucun n’a été transféré en soins intensifs.

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