Hors coronavirus, le renoncement aux soins prend des proportions très inquiétantes – Les Échos

Publié le 16 avr. 2020 à 13h03Mis à jour le 16 avr. 2020 à 14h50

Du ministre de la Santé, Olivier Véran, au directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, en passant par le directeur de la Caisse nationale d’assurance-maladie, Nicolas Revel, ils le répètent tous : faites-vous soigner, consultez votre médecin , même si vous n’avez pas de symptômes du coronavirus ! Depuis le début de l’épidémie, la baisse des consultations en ville prend un tour inquiétant, non seulement pour l’activité des professionnels libéraux , mais surtout pour la santé publique. Car les malades risquent des complications s’ils reportent trop longtemps leurs soins. Il ne faudrait pas qu’après la vague du Covid-19, un flot d’autres patients atterrissent aux urgences.

Mercredi, le comité d’alerte sur le respect de l’objectif de dépenses d’assurance-maladie s’est retenu de tirer la sonnette d’alarme sur le dérapage des coûts (à l’hôpital), puisqu’une loi de financement de la Sécurité sociale rectificative va relever le défi. A l’inverse, il a signalé « des baisses d’activité parfois très fortes, notamment des professionnels de santé en ville, déjà constatées sur les trois premières semaines de confinement ».

Le même jour, devant la commission des Affaires sociales du Sénat, Nicolas Revel a chiffré ce « freinage » à 350 millions d’euros net par semaine, en dépit de 185 millions supplémentaires de dépenses liées aux arrêts maladie dérogatoires. Soit, pour deux mois de confinement, 2,8 milliards de dépenses de soins en ville en moins. Il ne s’agit pas uniquement de rémunérations qui baissent, mais aussi de médicaments moins prescrits, même si, pendant trois semaines en mars, la possibilité de renouveler certaines ordonnances directement auprès du pharmacien a fait bondir les achats en officine.

40 % de baisse des consultations chez le généraliste

Selon l’Assurance-maladie, même en comptabilisant les téléconsultations qui ont bondi (1 million par semaine), les consultations chez les généralistes sont en chute de 40 %, et chez le spécialiste, de 50 % ! Ces glissades sont de respectivement 44 % et 71 % de janvier à avril, relève pour sa part Doctolib, prestataire de services auprès de 125.000 cabinets libéraux, qui a équipé gratuitement 30.000 professionnels avec son logiciel de téléconsultation pour les aider à faire face à la crise. Dans certains secteurs, précise la société, l’activité a quasiment disparu : les chirurgiens-dentistes (-95 %), les masseurs-kinésithérapeutes (-96 %) et les podologues (-96 %).

Côté patients, le nombre de rendez-vous pris via la plate-forme Doctolib a baissé de 66 %. Un échantillon de ces utilisateurs a été sondé. Sur une proportion de 35 % qui déclarent avoir renoncé à consulter au moins une fois depuis le début de l’épidémie, 38 % se sont abstenus par peur d’être contaminés, 28 % pour ne pas déranger leur médecin et 17 % parce que le cabinet avait fermé.

« Les médecins généralistes se sont organisés pour accueillir des patients Covid, mais ils ont finalement eu moins de consultations que prévu au titre de l’épidémie et même plus largement. Car, les Français ont suivi la consigne de ne sortir que pour les besoins médicaux urgents », explique Nicolas Revel. Certains ordres professionnels ont demandé à leurs affiliés de cesser leur activité (dentistes, kinés). Les orthophonistes et les spécialistes du bloc opératoire ont d’eux-mêmes massivement levé le pied, du fait de risques importants de contagion à défaut de masques et de blouses.

Patients chroniques en déshérence

Parmi les préoccupations majeures, Nicolas Revel note que les malades chroniques, diabétiques, cancéreux ou insuffisants cardiaques ont cessé de consulter dans les mêmes proportions que les autres. « Nous avons décidé d’envoyer un courriel à ces 11 millions de patients particulièrement fragiles pour les inciter à consulter », explique le directeur de l’Assurance-maladie, qui veut également lancer une campagne de communication avec Santé publique France.

« Les centres régionaux qui organisent le dépistage du cancer ont suspendu leur activité, et les commandes de kits de dépistage du cancer colorectal par les généralistes ont chuté de 10.000 par jour à 2.000 », s’inquiète Nicolas Revel.

Vaccins, IVG…

Mercredi soir, le directeur général de la Santé a quant à lui rappelé le « droit à l’interruption volontaire de grossesse », et annoncé que le délai pour l’IVG médicamenteuse à domicile était désormais allongé de sept à neuf semaines. Quelques jours plus tôt, il avait évoqué la nécessité de continuer à effectuer les vaccins obligatoires sur les jeunes enfants.

« Le Covid n’est pas la seule maladie. Appelez votre médecin. Allez faire votre dialyse. Appelez le 15. Les médecins et les hôpitaux sont là pour vous accueillir », a-t-il exhorté, parce que mieux vaut prévenir que guérir, surtout quand les services de réanimation affichent complet.

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>>> La France face à l’épidémie de coronavirus. Quelles ont été les différentes étapes de l’alerte ? Quelle est la situation épidémiologique au jour le jour ? Quelles sont les mesures décidées par le gouvernement pour limiter la propagation de la pandémie ? Pour soutenir l’économie ? Réponses ici dans le dossier spécial des « Echos » .

>>> Le mode d’emploi du déconfinement. Qu’a d’ores et déjà annoncé l’exécutif comme plan de sortie ? Quelles sont les nombreuses questions en suspens ? Que recommande le Conseil scientifique ? Et les autres experts ? Comment procèdent nos voisins européens ? Réponses ici dans le dossier spécial des « Echos » .

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