Hôpitaux : face aux milliers de manifestants, Macron annonce un « plan d’urgence conséquent » – Le Monde

Mobilisation nationale des personnels soignants pour la défense de l'hôpital public, à Paris, le 14 novembre.

« Soignants épuisés, patients en danger » : des milliers de médecins, d’aides-soignants, mais aussi d’infirmiers, de doyens et d’étudiants ont manifesté jeudi 14 novembre un peu partout en France, pour réclamer davantage de moyens et d’effectifs. Le gouvernement peaufine un « plan de soutien » très attendu. Le président de la République a promis dans la journée que des « décisions fortes » seraient présentées mercredi par l’exécutif, avec des moyens supplémentaires, pour répondre à la colère du personnel hospitalier.

Revivez la journée de mobilisation : Macron annonce des moyens supplémentaires
  • Des mobilisations dans toute la France

L’appel à une « grande manifestation », lancé il y a un mois par le groupement Inter-Hôpitaux, a fait le plein de soutiens. A commencer par le collectif Inter-Urgences, à l’origine d’un mouvement social inédit, débuté en mars à Paris et qui s’est étendu à tout le pays, avec encore 268 établissements touchés en début de semaine.

Mobilisation nationale des personnels soignants pour la défense de l'hôpital public, à Paris, le 14 novembre.

Ce jeudi, ils étaient plusieurs milliers de manifestants à Paris, plusieurs centaines à Lyon, 300 à Toulouse ou Bordeaux, 220 à Lille, une centaine à Marseille… « Il est urgent d’agir », « l’hôpital est mort, réanimez-le », « hôpital public en urgence vitale » : la gravité des slogans sur les banderoles contrastait avec l’ambiance festive et bon enfant des cortèges.

Les revendications des personnels soignants n’ont pas changé : augmentation des salaires, hausse des effectifs ou encore réouverture des lits supprimés…

  • Macron promet des moyens supplémentaires

Emmanuel Macron, le 14 novembre, à Epernay (Marne).

En déplacement à Epernay (Marne), Emmanuel Macron a annoncé que des « décisions fortes » pour les hôpitaux seraient présentées la semaine prochaine. « Nous devons investir et assumer d’investir plus fortement que nous avions envisagé de le faire », a souligné le chef de l’Etat. Ce « plan d’urgence » sera « conséquent » et « s’engagera jusqu’à la fin du quinquennat », a-t-il ajouté, précisant que le premier ministre Edouard Philippe en donnerait, mercredi, « le montant, l’ampleur, les modalités techniques et le calendrier ».

« J’ai entendu la colère et l’indignation » du personnel soignant « face à des conditions de travail parfois impossibles », a souligné M. Macron. « Cette situation (…) est le résultat d’années et d’années de mise sous tension qui ont fait peser sur l’hôpital l’essentiel de l’effort de maîtrise de dépenses de santé. »

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« Je pense qu’on aurait tort de ne vouloir traiter que les conséquences visibles » en mettant simplement plus de moyens, « parce que le plus de moyens sur un système qui ne marche plus, ça ne sert à rien, on colmate », a-t-il fait valoir. Il y aura donc, selon le chef d’Etat, dans les annonces qui seront faites à l’issue du prochain conseil des ministres « des choses très structurantes qui ne figuraient pas dans le plan santé 2022 mais qui viennent corriger des choses qu’on connaît parfois depuis quinze, vingt ans et qui ont conduit au blocage dans l’hôpital ».

M. Macron souhaite une « vraie logique de réorganisation » et « revoir la gouvernance à l’hôpital » en redonnant « plus de place et de sens à ceux qui soignent ». « Si l’hôpital public ne fonctionne plus, le système de santé français ne peut pas bien fonctionner », a-t-il insisté, disant sa « reconnaissance à tous ceux qui le font vivre chaque jour ».

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  • Réflexions sur la suite du mouvement

La commission des affaires sociales du Sénat a reçu Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie de l’hôpital Henri-Mondor (Créteil, Val-de-Marne) et membre du collectif Inter-Hôpitaux, ainsi que deux membres du collectif Inter-Urgences.

Mobilisation nationale des personnels soignants pour la défense de l'hôpital public, à Paris, le 14 novembre.

Une assemblée générale était prévue à l’hôpital Cochin après la manifestation, pour décider de rejoindre, ou non, la mobilisation du 5 décembre contre la réforme des retraites. Une autre était programmée à la Pitié-Salpêtrière pour décider de la suite du mouvement.

Fait rare, l’ensemble des syndicats de la fonction publique hospitalière se sont ralliés à la mobilisation, en particulier la Confédération générale du travail (CGT), Force ouvrière (FO) et la Confédération française démocratique du travail (CFDT), qui peinent tant à s’accorder sur d’autres sujets au niveau national.

  • Débats au Sénat sur la hausse des dépenses de santé

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a promis fin octobre un « plan de soutien » qui mettra l’accent sur « un meilleur investissement courant » et « la revalorisation des salaires ». Mais la ministre a déjà échoué par deux fois à sortir de ce conflit : ni la prime mensuelle de 100 euros versée depuis juillet ni le plan de « refondation » annoncé en septembre n’ont suffi à apaiser les tensions.

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En plein examen du budget 2020 de la Sécurité sociale au Sénat, les débats se polarisent sur la hausse des dépenses de santé, pour l’heure limitée à 2,1 % à l’hôpital, quand les grévistes réclament le double. « Des discussions sont en cours » sur le sujet, mais « elles nécessitent des arbitrages difficiles », a reconnu Mme Buzyn.

Mobilisation nationale des personnels soignants pour la défense de l'hôpital public, à Paris, le 14 novembre.

En face, le ministère de l’économie a déjà fait savoir qu’une reprise, même partielle, de la dette colossale des hôpitaux publics (30 milliards d’euros) « n’est pas une option envisagée ». Bruno Le Maire a prévenu que, « si l’on dépense de l’argent pour l’hôpital », il faudra « trouver des économies en face ».

Dénonçant le « mépris » de l’exécutif, le Sénat boycotte la fin de l’examen du budget de la Sécu

Le Sénat, dominé par l’opposition de droite, a mis brutalement un terme, jeudi 14 novembre, à l’examen en première lecture du projet de budget de la Sécurité sociale pour protester contre ce qu’il considère être un « mépris » de l’exécutif pour le Parlement. Le Sénat a voté le rejet de la partie recettes, puis de l’ensemble du texte, par 281 voix contre, zéro pour et 60 absentions. Les annonces d’Emmanuel Macron, depuis Epernay, ont déclenché l’ire des élus, de droite comme de gauche, qui se considèrent comme court-circuités et amenés à débattre d’un texte « obsolète », voire « insincère ». « Si le président de la République pense encore, après l’épisode desgilets jaunes, qu’il peut se poser en face-à-face du peuple ou de la rue (… ), il connaîtra un grave désenchantement », a mis en garde le chef de file des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau. « C’est un dysfonctionnement institutionnel majeur (…) mais c’est aussi prendre le risque d’accroître le malaise démocratique », a estimé le sénateur de Vendée. « Que le président de la République prenne la mesure du problème hospitalier, c’est une bonne chose (…) mais pourquoi les mesures n’étaient-elles pas comprises dans le projet de loi qui nous était soumis », a interrogé le président du groupe centriste, Hervé Marseille. « Il est normal que le président de la République s’exprime quand un mouvement social est en cours dans notre pays », a justifié la ministre de la santé, Agnès Buzyn, disant cependant comprendre « l’inconfort » des sénateurs.

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