Hongkong inflige une gifle électorale cinglante à Pékin – Le Figaro

Envoyé spécial à Hongkong

Une vague «jaune» s’est abattue sur Hongkong cette nuit, offrant un bol d’air démocratique à la révolte anti-Pékin, après des mois d’escalade dans la rue. Le camp démocrate a remporté par KO l’élection locale de dimanche 24 novembre, infligeant une déroute spectaculaire aux «bleus» des partis pro-establishment favorable à Pékin. Lundi matin, les démocrates avaient pris le contrôle de 17 des 18 Conseils de districts en jeu, et raflé près de 90% des sièges, selon la télévision RTHK, alors que le dépouillement se poursuivait dans l’ancienne colonie britannique.

«C’est une gifle monumentale pour Pékin, qui va au-delà de nos espérances», se réjouit Claudia Mo, parlementaire démocrate. L’opposition a raflé au moins 390 des 452 sièges en jeu, infligeant une défaite historique au Democratic Alliance for the Betterment and progress (DAB), premier parti de l’île et ses affidés qui régnaient en maître sur dix-sept des Conseil dans la précédente législature. «C’est un tsunami démocratique», s’est réjoui Tommy Cheung, l’une des figures de la contestation dans la rue, qui a raflé un siège à Yuen Long, près de la frontière avec la Chine communiste, théâtre d’affrontements violents entre les «triades» et la jeunesse, cet été.

La mobilisation spectaculaire de près de 3 millions d’électeurs a changé la donne de cette élection locale traditionnellement chasse gardée des formations pro-Pékin. La participation a bondi à 71%, contre 47% lors du précédent vote en 2015, grâce à la mobilisation massive des jeunes, déterminés à envoyer dans les urnes un signal de détermination au pouvoir, après des mois d’affrontement dans les rues.

L’opposition a remporté haut la main son pari, transformant ce scrutin local en référendum contre le pouvoir, sanctionnant Lam et envoyant un message de défiance à la seconde puissance mondiale. Le verdict des urnes met à mal la ligne officielle de Pékin, qui dénonce depuis des mois des «émeutiers radicaux» minoritaires, imposant la violence à une «majorité silencieuse». Ce matin, sur le continent, la presse officielle faisait profil bas et le sujet des élections était censuré sur la plateforme Weibo, le Twitter chinois, signalant la nervosité du régime. «Où est la majorité silencieuse?», rétorque Mo. «Les jeunes ont voulu envoyer un message clair à Pékin: ils veulent la démocratie, et ils vont continuer à se mobiliser. C’est une situation compliquée pour la Chine», juge Jean-Pierre Cabestan, professeur à l’Université Baptiste d’Hongkong.

Un répit après des semaines d’escalade de la violence

Cette victoire galvanise la jeunesse contestataire à point nommé, alors que le mouvement était gagné par le doute et les divisions, après le siège de l’Université Polytechnique d’Hongkong (PolyU) qui a conduit à l’arrestation de 1100 sympathisants, la semaine dernière. Cette élection offrait un rare répit électoral après des semaines d’escalade de la violence. Sous la pression de Pékin, toujours plus menaçant, la police redoublait d’efforts ces dernières semaines pour mater la révolte, menant des arrestations de masses, et menaçant de suspendre les élections. À la veille du scrutin, le calme est revenu sur la cité de sept millions d’habitants, signalant la détermination des contestataires à tirer profit de cette fenêtre électorale.

Tous les yeux se tournent désormais vers Carrie Lam et Pékin, sous pression et avares de réaction ce lundi matin. «Le gouvernement écoutera humblement les opinions des citoyens et y réfléchira de manière sérieuse», a promis la bureaucrate, plus affaiblie que jamais, dans un bref communiqué. Les manifestants attendent des concessions, notamment la nomination d’une commission d’enquête sur les violences policières, et l’élection du chef de l’exécutif au suffrage universel, un véritable chiffon rouge pour le Parti Communiste. «Quelle que soit la force de Carrie Lam, j’espère qu’elle pourra répondre aux souhaits du peuple, répondre aux cinq demandes et donner une chance aux jeunes», a déclaré à la presse le militant Jimmy Sham après avoir remporté un siège dans un conseil de district. Mais les espoirs d’une percée restent maigres aux yeux de nombreux électeurs, face à une dirigeante démonétisée. «Je doute que ce gouvernement écoute le message des élections», explique Joey, trentenaire.

L’ombre autoritaire de la Chine communiste plane sur les gratte-ciel d’Admiralty, et la marge de manœuvre de Lam semble épuisée. Lundi matin, Pékin temporisait, préparant sa réplique, après la déroute de ses affidés. Le retour au calme ces derniers jours accorde un répit au régime, après des semaines de violence, offrant la possibilité d’ouvrir une nouvelle séquence politique, pour enrayer l’escalade dans la rue. «Ce résultat offre une opportunité d’ouverture pour lancer des négociations. Dans n’importe quelle démocratie, le pouvoir aurait fait des gestes après six mois de crise. Mais ce gouvernement a montré sa capacité à encaisser les gifles sans broncher. C’est la nature du système communiste, qui réclame un contrôle total», s’inquiète Margaret Ng, juriste, ancienne parlementaire démocrate. Et la poussée démocrate confirme la détermination de la population hongkongaise à ne pas se laisser avaler par l’autoritaire seconde puissance mondiale. Alors que Pékin affiche sa détermination à contrôler plus étroitement le système judiciaire du territoire semi-autonome, les experts doutent que ce scrutin local puisse changer la donne. «Pékin va garder le cap, mais pourrait faire des ajustements tactiques», juge Cabestan.

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