Hésitant sur les retraites, le gouvernement se met tout le monde à dos – Le HuffPost

AFP

Edouard Philippe reçoit les partenaires sociaux à Matignon ce mardi avant la grève du 5 décembre.

POLITIQUE – On ne peut pas plaire à tout le monde. Mais quand on ne prend pas position, on finit par ne plus plaire à personne. C’est ce qui semble être en train de se passer au plus haut sommet de l’État sur l’épineux dossier de la réforme des retraites.

Édouard Philippe reçoit depuis lundi et jusqu’à ce mardi 26 novembre les partenaires sociaux à Matignon pour d’ultimes négociations avant la grève très redoutée du 5 décembre lancée par les syndicats de la RATP et de la SNCF et rejointe par de nombreuses organisations et secteurs comme EDF ou Air France. 

Pression inattendue

Un mouvement que redoute le gouvernement qui n’a toujours pas dévoilé l’intégralité de sa réforme et qui semble de plus en plus tétanisé face à la grogne à venir. Sauf que depuis quelques jours, ce sont d’autres partenaires sociaux, moins habitués à critiquer l’action du gouvernement, qui viennent ajouter une nouvelle forme de pression à celle qui repose déjà sur l’exécutif.

D’abord, la CGC-CFE, le syndicat des cadres, qui n’a pas l’habitude de manifester et qui a vivement critiqué le projet de réforme. “Le projet, à terme, c’est de diminuer les pensions”, a dénoncé au micro de France Inter le président confédéral du syndicat, François Hommeril, qui estime que le gouvernement voit dans le versement des retraites une “dépense publique” et juge la réforme “dangereuse”. Fait très rare, le syndicat des cadres appelle à rejoindre le mouvement du 5 décembre.

“Le flou ajoute de l’anxiété à l’anxiété”

Samedi 23 novembre, c’est un autre partenaire social, qui n’a pas pour habitude de critiquer la majorité, qui est monté au créneau. Le Medef, par la voix de son président Geoffroy Roux de Bézieux, a enjoint le gouvernement à “trancher les points majeurs avant le 5 décembre”, dans un entretien accordé au Parisien. Le patron des patrons souhaite des réponses précises sur “la mesure d’âge retenue”, sa date d’entrée en vigueur ainsi que celle “du régime par points”.

“Le flou ne fait que nourrir l’impression de ne pas savoir où l’on va et cela ajoute de l’anxiété à l’anxiété”, remarque publiquement le représentant des patrons qui compare même le nouveau monde d’Emmanuel Macron à l’”‘ancien monde’ qui consisterait à dire: attendons de voir comment se passe la grande manifestation”, au lieu de dévoiler son jeu. 

Le gouvernement se retrouve donc pris en étau entre les syndicats et les catégories socioprofessionnelles, nombreuses, opposées à l’uniformisation des régimes spéciaux et le patronat qui souhaite, au-delà d’annonces claires sur le contenu, une réforme d’ampleur.

Face à la pression, la majorité promet davantage de clarté: ce mardi, le président du groupe LREM à l’Assemblée Gilles Le Gendre a promis des annonces “d’ici une quinzaine ou une vingtaine de jours”. 

Tergiversations et improvisations

Mais les tergiversations de l’exécutif, entre déclarations changeantes et scénarios de sortie de crise qui fuitent dans la presse, rendent sa stratégie de moins en moins lisible. Et les dernières déclarations d’Emmanuel Macron sur le sujet ne sont pas venues apaiser les tensions. En déplacement à Amiens, le président de la République estime que la mobilisation du 5 décembre est “quelque chose d’étrange”. Des propos qui “jettent de l’huile sur le feu”, selon plusieurs sources syndicales.

Le chef de l’État était déjà intervenu sur le sujet dès cet été lors d’une interview au 20h de France 2 en plein G7. Il se disait, à la surprise générale, défavorable à l’âge pivot, ce que de nombreux spécialistes jugeaient impossible. Une annonce qui laissait percevoir l’improvisation au plus haut sommet de l’État pour une réforme technique et financière qui n’en nécessite aucune. Depuis, le Conseil d’orientation des retraites a estimé que jouer sur l’âge pivot serait au contraire “moins douloureux” que la durée de cotisation. 

À Amiens, Emmanuel Macron a défendu son “engagement pris devant les Français”, soit la réforme des retraites qui mettrait fin aux régimes spéciaux. Il a ensuite déploré une manifestation “contre une réforme dont on ne connaît pas les termes exacts”. C’est d’ailleurs sans doute le problème. 

Sauf que ce n’est pas encore l’objectif de Matignon qui met en avant la large consultation avant de définir les contours précis de la réforme présentée comme la plus importante du quinquennat. Problème, les ministres ne sont pas à l’unisson derrière leur chef de file. 

Plusieurs voix distinctes au gouvernement

Ils sont de plus en plus nombreux à refuser l’un des scénarios de sortie de crise un temps envisagé à Matignon, celui de la fameuse “clause du grand-père”, qui consisterait à faire la réforme seulement pour les nouveaux entrants sur le marché du travail.

Après Jean-Paul Delevoye, le haut commissaire aux retraites qui s’y est opposé publiquement, Agnès Buzyn, la ministre de la Santé qui a fustigé “des revendications très corporatistes”, c’est au tour de Gérald Darmanin de se positionner contre cette hypothèse.

“Si on faisait la clause du grand-père, ça serait dans trente ans qu’on aurait une réforme des retraites. Objectivement, ce n’est pas possible. On ne peut pas dire il y a un problème maintenant, mais on décidera dans trente ans”, a déclaré le ministre des Comptes publics, dimanche 24 novembre, à l’antenne de BFMTV. 

Réunion d’urgence

Afin d’harmoniser les positions et de “caler la feuille de route”, Édouard Philippe organise une réunion d’urgence dimanche 1er décembre avec l’intégralité de ses ministres, quatre jours avant “le mur du 5 décembre”, comme l’a qualifié un conseiller de l’Élysée.

“Le Premier ministre veut rappeler le sens de la réforme”, mais aussi “fixer le calendrier au-delà du 5 décembre” et “revoir le plan pour limiter au maximum l’impact de la grève pour les Français”, a expliqué l’entourage du Premier ministre à l’AFP.

Une façon sans doute aussi de caler des éléments de langage avant la journée du 5 décembre et d’afficher un peu plus d’unité après ce qu’on aurait nommé “couacs” sous le quinquennat de François Hollande.

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