Harcèlement scolaire : « Il y a une prise de conscience continue depuis 2011 » qu’il faut lutter contre ce fléau – 20 Minutes

Le suicide de Dinah, 14 ans, retrouvée pendue chez elle ce 4 octobre après avoir souffert de harcèlement scolaire durant deux ans, est le drame le plus récent d’un phénomène bien plus vaste. D’après un rapport parlementaire publié le 13 octobre 2020, près de 700.000 enfants sont victimes de harcèlement scolaire chaque année en France, soit 5 à 6 % des jeunes au total. Insultes, moqueries, diffusion de rumeurs, mise en ligne de vidéos gênantes, incitations au suicide, etc, le harcèlement scolaire, qui s’exerce aujourd’hui majoritairement en ligne, touche de plus en plus d’adolescents et d’adolescentes​. Comment la France lutte-t-elle contre ce fléau ? 20 Minutes fait le point.

Quels sont les chiffres du harcèlement scolaire en France ?

Près de 10 % des élèves feront la douloureuse expérience du harcèlement scolaire pendant leur scolarité, selon l’enquête nationale de climat scolaire et de victimation datant de 2015 (Depp). Un pourcentage relativement stable depuis dix ans, mais qui monte en flèche lorsqu’il s’agit du cyberharcèlement. Le nombre de victimes de contenus en ligne insultants diffusés sur les réseaux sociaux (Facebook, Snapchat, etc.) est passé de 4,1 % en 2015 à 9 % en 2018, selon les chiffres de la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco). Un cyberharcèlement qui touche plus les filles que les garçons : 9,9 % d’entre elles seraient concernées contre 8,1 % de leurs camarades masculins. Enfin, 25 % des collégiens et 14 % des lycéens déclarent avoir été la cible d’attaques sur Internet dans le cadre scolaire (le portable est interdit en école primaire).

Quels moyens ont été mis en place pour lutter contre le harcèlement scolaire ?

Eric Debarbieux, sociologue et spécialiste du harcèlement scolaire, note une véritable évolution en dix ans : « Il y a une prise de conscience continue depuis 2011 et les Assises nationales contre le harcèlement. On ne peut pas dire que rien ne se fait. Cette prise de conscience est sociétale, il n’y a qu’à voir le nombre d’articles et même de textes de lois sur la question. » Depuis 2019, un programme de prévention du harcèlement à l’école est ainsi expérimenté dans six académies (Aix-Marseille, Nice, Normandie, Rennes, Strasbourg, Toulouse). Baptisé  programme pHARe, il a été étendu à tous les établissements en 2021.

Ces principales mesures ? La mise en place d’un comité d’expert national, l’adoption de la loi pour une école de la confiance (l’article 5 consacre le droit à une scolarité sans harcèlement), la formation au numérique et à la lutte contre le cyberharcèlement (renforcement de la présence du numérique dans les enseignements scolaires), le financement et l’extension des horaires du 3020 et 3018 (numéros d’aide aux victimes), la création d’ambassadeurs harcèlement parmi les élèves et la formation des professeurs. De « bonnes mesures » selon Colette Mélot, sénatrice au groupe Les Indépendants et autrice de la mission d’information « harcèlement scolaire et cyberharcèlement », mais qui peinent à être connues. L’exemple le plus parlant étant les numéros d’aide : « Combien d’élèves et de professeurs ignorent totalement leur existence ? La majorité. Il faudrait les mettre en évidence sur le carnet de liaison des élèves par exemple, afin qu’ils soient plus connus et plus accessible », déplore la sénatrice.

Une Journée nationale contre le harcèlement scolaire aura lieu le 18 novembre, ce qui devrait permettre, selon Colette Mélot, une meilleure communication autour du programme pHARe.

Comment encore mieux lutter contre le harcèlement scolaire ?

Les chiffres le prouvent, les mesures prises sont insuffisantes. Actuellement, deux tiers des professeurs se disent mal formés aux questions de harcèlement scolaire, selon l’Education nationale. « Il y a un véritable manque de formations, d’accueil des parents, de coopération entre les différents acteurs », note Eric Debarbieux. Même chose du côté de Colette Mélot qui assure qu’il faut une bien meilleure médiatisation du harcèlement et des mesures prises. La sénatrice estime qu’il faut améliorer grandement la détection et la prise en charge des cas de harcèlement : « Lors de la plupart des drames, le harcèlement était connu et on déplore une inaction. Plus vite on détecte les premiers signes, plus on peut agir efficacement. Il faut donc un personnel formé, attentif et encouragé à prendre des mesures. »

« Les réseaux sociaux doivent être activement surveillés et contrôlés », note également la sénatrice, qui prend notamment l’exemple réussi de la prise en charge du  phénomène #Anti2010. A la rentrée scolaire 2021, ce hashtag était parmi les populaires sur TikTok, réseau social le plus prisé des (très) jeunes, et invitait à « victimiser » les nouveaux élèves de sixième, en raison de leur année de naissance, censée être un marqueur social. Une prompte intervention du ministère de l’Education, des professeurs et des parents d’élèves avaient permis de retirer le hashtag. « Preuve que quand on veut agir, on peut agir, et même de manière préventive », encourage la sénatrice.

Enfin, Colette Mélot plaide pour un meilleur encadrement et une meilleure prise en charge des harceleurs : « Les élèves harceleurs d’aujourd’hui sont les citoyens de demain, c’est un choix de société d’éviter qu’ils recommencent et qu’ils comprennent la portée de leur acte. » De son côté, le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a estimé, ce lundi, que les élèves harceleurs devaient être sanctionnés mais pas déscolarisés, afin de garder un œil sur leur éducation. Communiquer, former, sensibiliser et encadrer permettrait de lancer un mouvement de « libération de la parole », analyse la sénatrice, et peut-être d’éviter des drames comme celui de Dinah.

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