Haïti : le président Jovenel Moïse assassiné, selon le premier ministre sortant – lemonde.fr

Le président d’Haïti, Jovenel Moïse, lors d’une conférence de presse à Port-au-Prince le 7 janvier 2020.

L’événement menace de déstabiliser un peu plus le pays le plus pauvre des Amériques, déjà confronté à une double crise politique et sécuritaire. Le président d’Haïti, Jovenel Moïse, a été assassiné par un commando dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 juillet, a annoncé le premier ministre sortant, Claude Joseph.

« Le président a été assassiné chez lui par des étrangers qui parlaient l’anglais et l’espagnol. Ils ont attaqué la résidence du président de la République », a-t-il déclaré mercredi dans un communiqué, assurant que « la situation sécuritaire est sous contrôle ».

L’épouse du président a été blessée dans l’attaque qui a eu lieu vers 1 heure locale (7 heures, heure française) et hospitalisée, a précisé M. Joseph. Il a appelé la population au calme et ajouté que la police et l’armée allaient assurer le maintien de l’ordre. Les rues de la capitale, Port-au-Prince, étaient calmes mercredi matin, sans présence renforcée de la police ou des forces de sécurité, selon des témoins.

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Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 et avait pris ses fonctions le 7 février 2017. Lundi, il avait nommé un nouveau premier ministre, Ariel Henry, un médecin chirurgien de 71 ans. Le précédent chef de gouvernement, Claude Joseph, n’a même pas tenu trois mois à ce poste. Le nouveau premier ministre a assuré mardi avoir que la priorité du gouvernement restait la préparation des élections, qui devront se dérouler dans un « environnement propice », une éventualité qui semble lointaine, vu l’instabilité actuelle dans le pays.

Quelques heures après l’annonce de l’assassinat du président, la République dominicaine a ordonné la « fermeture immédiate » de sa frontière avec Haïti, sur l’île d’Hispaniola. Il s’agit « d’une attaque terrible, une attaque tragique, ayant ciblé le président d’Haïti et sa femme au cours de la nuit », a réagi Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche, à Washington. « Nous sommes prêts à assister sous n’importe quelle forme la population d’Haïti, le gouvernement d’Haïti, s’il y a une enquête », a-t-elle ajouté.

Sur Twitter, le premier ministre britannique, Boris Johnson, s’est dit « choqué et attristé par la mort du président Moïse ». « C’est un acte odieux et j’appelle au calme », a-t-il ajouté, présentant ses condoléances à la famille du président et à la population haïtienne.

Le président colombien, Ivan Duque, a appelé l’Organisation des Etats américains à envoyer d’urgence une mission en Haïti pour « protéger l’ordre démocratique ». « C’est un acte lâche et barbare contre l’ensemble du peuple haïtien », a-t-il déclaré.

Des soldats prennent position dans le quartier où le président haïtien, Jovenel Moïse, a été assassiné à son domicile, à Port-au-Prince.

Un pays gangrené par l’insécurité

Haïti, pays des Caraïbes et nation la plus pauvre du continent américain, est gangrené par l’insécurité et notamment les enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d’une quasi-impunité. Le président Jovenel Moïse, accusé d’inaction face à la crise, était confronté à une vive défiance d’une bonne partie de la population civile.

Dans ce contexte faisant redouter un basculement vers le chaos généralisé, le Conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis et l’Europe considèrent que la tenue d’élections législatives et présidentielle libres et transparentes, d’ici à la fin 2021, est prioritaire.

Ariel Henry, septième premier ministre de Jovenel Moïse en quatre ans, est proche de l’opposition politique. Cependant, la plupart des partis politiques de l’opposition rejetaient sa nomination et continuaient d’exiger le départ du président.

M. Moïse lui avait fixé pour objectif de « former un gouvernement d’ouverture », de « résoudre le problème criant de l’insécurité » et d’œuvrer à « la réalisation des élections générales et du référendum ».

Ce référendum constitutionnel, d’abord prévu le 27 juin et reporté au 26 septembre, était voulu par le président mais largement contesté par l’opposition et jusque dans le camp présidentiel, car la procédure est accusée de ne pas respecter les dispositions de l’actuelle Constitution. Le texte de cette réforme constitutionnelle visant à renforcer l’exécutif est encore en cours de rédaction. Deux avant-projets déjà présentés proposaient de supprimer le Sénat et d’ouvrir la possibilité d’effectuer deux mandats présidentiels successifs.

Lire la tribune : « Il est temps pour les amis d’Haïti de s’élever contre un gouvernement anticonstitutionnel, corrompu et répressif »

Le Monde

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