Hadopi : Les pirates responsables d’un manque à gagner d’1 milliard d’euros en 2019
Plus de 10 ans après la naissance de la Hadopi, on compte encore plus de 11 millions de “pirates” en France. Dans une étude d’impact inédite présentée au début du mois, la Hadopi chiffre le manque à gagner pour les secteurs de l’audiovisuel et du sport à un milliard d’euros en 2019. S’ajoutent à cela 332 millions d’euros de pertes de recettes fiscales pour l’Etat, et la destruction de 2 650 emplois, annonce l’étude.
« La situation du piratage aujourd’hui reste encore très critique, et le fléau est loin d’être éradiqué », affirme Denis Rapone, président de la Hadopi, en marge de la présentation de l’étude. « Face à cette situation, il nous paraît plus que nécessaire de faire du renforcement de la lutte contre le piratage une priorité et de considérer qu’il y a urgence. Chaque jour compte », souligne ce dernier.
Chiffres à l’appui, la Hadopi espère justifier son action en braquant les projecteurs sur les modèles de piratage en puissance que sont l’IPTV et le streaming, pour lesquels l’autorité indépendante n’a aucun moyen d’action (pas plus que dans le domaine du sport d’ailleurs). Le téléchargement de pair-à-pair, qui est la technique prise en compte dans la riposte graduée, diminue au contraire de jour en jour. En creux, on peut y voir la preuve des lacunes et faiblesses de la riposte graduée opérée par la Hadopi, qui rapporte d’ailleurs bien moins que ce qu’elle coûte.
La fusion avec le CSA, la planche de salut de la Hadopi ?
Ce n’est pas nouveau que la Hadopi pousse pour un renforcement de ses moyens d’action dans la lutte contre le piratage. Alors que le projet de loi audiovisuel, qui devait contenir des éléments en faveur d’un renforcement de la lutte contre le piratage, a été mis en stand-by pendant la crise sanitaire, la Hadopi demande aux autorités d’agir. Denis Rapone en appelle « ardemment » de ses vœux à « la reprise de l’examen parlementaire de ces dispositions, et nous continuons à travailler pour qu’elles puissent trouver leur pleine efficacité dans l’hypothèse, que nous souhaitons devenir rapidement réalité, où elles seraient adoptées ».
Denis Rapone ne manque pas de relever, pendant l’audition menée conjointement avec son homologue du CSA hier devant l’Assemblée nationale, un certain manque de cohérence entre les mesures conjoncturelles, prises dans le contexte sanitaire, et structurelles. Selon lui, « la lutte contre le piratage doit être perçue comme une contribution directe à la relance économique des filières touchées ». Le manque à gagner d’un milliard d’euros du secteur représente la moitié des crédits du plan de relance consacrés à la culture. « Une action conjoncturelle aurait son plein effet si une action structurelle pour lutter contre le piratage était parallèlement entreprise. C’est dommage que le structurel ne soit pas au rendez-vous », justifie-t-il.
Avec le gel du projet de loi audiovisuel, c’est aussi le projet de fusion CSA/Hadopi sous une nouvelle entité, “Arcom”, qui est repoussé. A ce sujet, les présidents du CSA et de la Hadopi ont fait savoir qu’ils soutenaient ce rapprochement entre les deux entités. Les deux parties sont d’ailleurs mobilisées depuis plusieurs mois pour préparer la fusion. « Le défaut de visibilité à ce stade de ce projet de fusion, s’il venait à perdurer, est un élément qui risque de remettre en cause cette mobilisation et cette motivation des équipes », s’inquiète Denis Rapone.
Le budget de la Hadopi s’amincit
A ces rebondissements législatifs s’ajoute encore une mauvaise nouvelle pour la Hadopi, qui touche cette fois-ci à son portefeuille. La somme de 3,5 millions d’euros vient d’être retirée de son budget pour 2021, qui rappelons-le était de 9,4 millions d’euros en 2019. Denis Rapone a exprimé sa « surprise » de voir que le Sénat avait adopté l’amendement du sénateur David Assouline, qui prévoit de ponctionner 3,5 millions d’euros du budget de la Hadopi pour alimenter le fonds de soutien aux radios associatives.
« Personnellement, je dois dire qu’avec 9 millions d’euros, nous étions en état de faire face à nos missions actuelles et celles qui viendront à l’issue de la transposition de l’article 17 de la direction droit d’auteur, qui donne un rôle dans la mise en place des technologies de reconnaissance de contenu », indique-t-il. « Je dis ma surprise, et sans doute notre incapacité à pouvoir faire face à l’ensemble de nos attributions. »
Si ces dernières années, le budget de la Hadopi s’était stabilisé, le sujet financier est un serpent de mer pour la haute autorité. Ce n’est pas la première fois qu’elle bataille pour décrocher un budget suffisant pour réaliser ses missions.