Guerre en Ukraine : les bourreaux russes de Boutcha sont identifiés – Le Figaro
Parmi les auteurs russes des massacres de civils à l’ouest de Kiev, figurerait notamment le lieutenant-colonel Azatbek Omurbekov.
Il s’appelle Mikhaïl Tkach, et il n’a pas honte. Ce soldat russe de 20 ans à la bouille ronde, au visage poupin, a été identifié parmi les auteurs des atrocités commises à Boutcha (340 morts) et retrouvé sur le réseau social russe V Kontakte (VK) par le journaliste ukrainien Andriy Tsaplienko. «Tu es un criminel de guerre et un bourreau, l’apostrophe un internaute. Sur tes mains, il y a le sang des civils exécutés à Boutcha. Tu rôtiras en enfer !» Mikhaïl Tkach répond aussitôt sur VK, indiquant au passage que son unité, à peine retirée des abords de Kiev, semble prête à repartir au combat : «Je suis déjà sur le chemin du retour, et je vais bientôt vous niquer. Dès que je vous retrouve, je vous couperai tous la tête».
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Une telle violence verbale résonne en écho de celles, bien réelles, commises dans le paisible bourg résidentiel qu’était Boutcha, durant 33 jours d’occupation russe : exécutions gratuites, viols collectifs, torture, pillage systématique, à la manière de soudards du Moyen-âge.
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La technosphère ukrainienne, bien aidée par la divulgation le 3 avril des coordonnées de 120 000 soldats russes par les hackers du groupe Anonymous, a permis d’identifier les responsables probables des crimes de guerre de Boutcha. D’après Inform Napalm, un collectif ukrainien de veille en ligne qui écume la toile et corrèle les informations ouvertes, les premiers coupables appartiennent à l’unité 51460, correspondant à la 64e brigade de fusiliers motorisés de l’armée de terre russe, basée à Kniazé-Volkonskoïé, un village à la frontière chinoise, près du fleuve Amour et de la cité de Khabarovsk.
Ses effectifs, à en juger par les photos régimentaires disponibles, sont composés majoritairement de Mandchous, un peuple toungouse de l’Extrême-Orient russe. Son commandant, le lieutenant-colonel Azatbek Asanbekovich Omurbekov, est un officier trapu d’une quarantaine d’années, photographié en novembre 2021 après avoir été béni par le patriarche orthodoxe de Khabarovsk.
Décapitations post-mortem
D’autres unités, de passage à Boutcha, ont peut-être perpétré certains des meurtres, mais ne sont pas aussi précisément ciblées que la 64e brigade. Mercredi, un officiel du Pentagone confiait prudemment qu’il «serait possible d’identifier les unités russes responsables des exactions», une tâche ayant visiblement reçu la «plus extrême priorité» pour l’Administration Biden.
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Les horreurs commises par les hommes d’Omurbekov laissent pantelant. «Des enfants gisaient au-dehors, les mains liées dans le dos. Des enfants … Ils ont ligoté des enfants, et les ont abattus comme des chiens», témoigne le journaliste ukrainien, Evgeny Spirin. D’autres corps sont piégés. Un autre a été décapité post-mortem. Nombre de cadavres se sont décomposés durant des semaines, sans que les assassins, maraudant et pillant les maisons alentour, se soucient de l’odeur, de la vermine, de leur propre hygiène. Pourquoi du reste l’auraient-ils fait, alors que les cadavres de plus de 200 compatriotes parachutistes lors de la bataille pour l’aéroport de Hostomel, à 5 kilomètres de là, n’ont eux-mêmes jamais été enterrés, ni rapatriés ?
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Membres d’une armée orpheline de sa «grandeur» à l’ère soviétique, connue pour ses violences internes et sa discipline relative, ces jeunes soldats ont peut-être été dupés par les prédictions du Kremlin, selon lesquelles la population ukrainienne libérée des «néonazis» et des «ultranationalistes» les accueillerait avec des fleurs. Au lieu de cela, ils se sont retrouvés en butte à des civils hostiles et ont réagi brutalement, en tuant comme à Boutcha tous les hommes en âge de se battre et en violant les femmes. L’alcool, le désœuvrement, l’absence de supérieurs moralement impliqués, ont fait sauter les derniers verrous du monde civilisé. À supposer qu’un tribunal international se saisisse du cas de Boutcha, la question de la préméditation se posera pour les suspects. «Je dirai juste que rien qu’en observant les images, quand vous voyez des gens ligotés, avec une balle dans la tête, cela semble terriblement planifié, prémédité», ajoute l’officiel du Pentagone, sous couvert de l’anonymat.
Pour la première fois de l’histoire, les auteurs de crimes de guerre ne sont plus anonymes. Leurs noms, comme celui de Mikhaïl Tkach, s’étalent sur de longues listes accessibles à tous. Formellement identifiés, à la différence de la plupart des bourreaux d’Oradour-sur-Glane, My Lai au Vietnam, Vukovar en Croatie, ou Srebrenica en Bosnie, ils seront traqués toute leur vie, à moins que lors des combats à venir, l’Ukraine ne devienne leur tombeau.
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