Guerre en Ukraine : ce que l’on sait de la situation dans la centrale nucléaire de Zaporijjia, déconnectée du – franceinfo

La gigantesque centrale nucléaire de Zaporijjia, otage de la guerre en Ukraine, donne des sueurs froides à la communauté internationale. La plus grande centrale d’Europe, située à Energodar, dans l’oblast (région) de Zaporijjia, dans le sud de l’Ukraine, est occupée par les troupes russes depuis mars. Elle s’est retrouvée “totalement déconnectée” du réseau électrique ukrainien, a annoncé jeudi 25 août sur Telegram la compagnie publique ukrainienne Energoatom. Or l’alimentation de la centrale en électricité est indispensable au refroidissement des six réacteurs.

Energoatom, qui exploite les centrales ukrainiennes, a accusé “les actions des envahisseurs” russes d’être responsables de cette déconnexion. “La Russie a mis les Ukrainiens, tout comme l’ensemble des Européens, aux portes d’une catastrophe nucléaire”, a renchéri dans la soirée le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

L’entreprise ukrainienne a finalement déclaré, vendredi 26 août sur Telegram, qu’elle était parvenue à rétablir le raccordement du site au réseau électrique national. Franceinfo revient sur ce nouveau coup de chaud qui nourrit les inquiétudes sur la sécurité du site.

Des incendies à l’origine de la déconnexion, selon l’opérateur de la centrale

En temps normal, quatre lignes électriques alimentent la centrale. Trois d’entre elles avaient été “précédemment endommagées lors d’attaques terroristes” russes, selon Energoatom. D’après l‘opérateur ukrainien, la dernière ligne a été déconnectée à deux reprises en raison d’incendies sur le périmètre de la centrale thermique de Zaporijjia, située à proximité de la centrale nucléaire. Selon Le Monde, le foyer principal de l’incendie est situé à 1,6 kilomètre du réacteur numéro 6. 

La centrale nucléaire de Zaporijjia, dont deux des six réacteurs sont encore en fonctionnement, a ainsi été “totalement déconnectée pour la première fois de son histoire” du réseau électrique ukrainien. Or la connexion au réseau électrique est primordiale pour la sécurité nucléaire. “Alimenter la centrale est nécessaire pour refroidir les réacteurs, mais aussi les piscines de stockage de combustible irradié de chacun des six réacteurs”, souligne pour franceinfo Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire et directeur du laboratoire de la Criirad, une association qui alerte sur les dangers de l’énergie nucléaire.

Une alimentation de secours activée en urgence

Dans la soirée de jeudi, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a déclaré avoir été “informée par l’Ukraine” de cette déconnexion. Pour autant, la centrale est restée “en marche”, a souligné l’AIEA. Zaporijjia est en effet restée alimentée en électricité à partir de “la centrale thermique voisine qui peut fournir de l’électricité de secours”, selon l’agence.

Les systèmes de protection d’urgence des réacteurs ont été déclenchés et tous les systèmes de sûreté sont demeurés opérationnels, d’après le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi. “Les unités sont restées déconnectées du réseau également après la restauration de la ligne électrique”, a-t-il annoncé, sans s’avancer sur les causes des coupures de courant.

La situation inquiète cependant le directeur de l’AIEA. “Certes, des systèmes de secours existent pour la faire fonctionner. Mais refroidir une installation d’une telle envergure avec des générateurs diesel, en se demandant de combien de jerricans de pétrole on dispose pour les faire fonctionner… C’est complètement impensable”, alerte Rafael Grossi dans une interview au Monde. “A force de grignoter des marges de sécurité et de sûreté, le risque d’accident grave augmente”, abonde Bruno Chareyron. 

La centrale reconnectée après des travaux de réparations, selon Energoatom

Energoatom a lancé, vendredi matin, des travaux de réparation pour rétablir le raccordement au réseau électrique. En début d’après-midi, l’opérateur a annoncé qu’“un des réacteurs (…) a été reconnecté au réseau électrique”. Ce réacteur “produit de l’électricité pour les besoins de l’Ukraine” et “l’augmentation de [sa] puissance est en cours”. Le second réacteur en activité ces derniers jours devait encore être raccordé. Le groupe a aussi précisé que les équipements et les systèmes de sécurité de cette installation fonctionnaient normalement.

La Russie et l’Ukraine s’accusent de mettre en danger la centrale

La sécurité de la centrale, située près de la ligne de front, et le risque d’un accident nucléaire en cas de bombardement inquiètent les dirigeants internationaux depuis qu’elle est passée aux mains des forces russes, début mars. Encore plus ces dernières semaines. Moscou et Kiev s’accusent en effet mutuellement de plusieurs bombardements ayant ciblé le site.

L’Ukraine accuse également la Russie de stocker des armes lourdes sur ce site et de l’utiliser comme base de frappes sur les positions militaires ukrainiennes. Les Russes démentent de leur côté avoir déployé de telles armes à cet endroit, affirmant n’avoir là-bas que des unités pour assurer sa sécurité. La Russie reproche en retour aux forces ukrainiennes d’y avoir effectué des frappes de drone.

Une mission d’inspection de l’AIEA attendue “la semaine prochaine”

Après ce nouvel incident dans la centrale, la communauté internationale a de nouveau haussé le ton. La diplomatie américaine a prévenu que toute tentative russe de détourner l’énergie nucléaire ukrainienne serait “inacceptable”. “Le nucléaire civil ne doit pas être un instrument de guerre”, a de son côté plaidé, vendredi, Emmanuel Macron. L’ONU a appelé à mettre en place une zone démilitarisée autour de la centrale pour la sécuriser et permettre l’envoi d’une mission d’inspection internationale.

Une mission d’inspection de l’AIEA est attendue sur place “la semaine prochaine”, a signalé jeudi soir la conseillère du ministre ukrainien de l’Energie, Lana Zerkal. “Même si les Russes ont accepté que la mission voyage par le territoire ukrainien, ils sont en train de créer artificiellement des obstacles pour que la mission n’arrive pas à atteindre cette installation”, a-t-elle cependant accusé.

“La question est de savoir si l’AIEA aura véritablement les moyens de travailler efficacement et de manière approfondie et transparente”, s’interroge Bruno Chareyron sur BFMTV.

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