Grève du 31 janvier: les mairies ont-elles le droit de fermer? – BFMTV

À l’appel de Fabien Roussel, plusieurs édiles ont annoncé leur intention de fermer leur mairie pendant plusieurs heures ce mardi 31 janvier, en solidarité avec le mouvement contre la réforme des retraites. Pour les élus, qui ne peuvent pas faire grève, cette fermeture est autorisée, sous certaines conditions.

Paris, Villejuif, Montreuil… Depuis l’appel du secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel de fermer les mairies en solidarité avec le mouvement contre la réforme des retraites, les réponses positives d’édiles se multiplient.

Plusieurs mairies en France resteront donc portes closes une partie de la journée le 31 janvier, nouvelle journée de grève interprofessionnelle contre la réforme portée par le gouvernement d’Emmanuel Macron.

Ce jeudi, c’est la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, qui annoncé qu’elle rejoignait l’appel du député du Nord. “Le bâtiment en tant que tel sera fermé au public. On maintiendra les cantines scolaires, l’état civil aussi, d’une façon sans doute un peu différente puisqu’il y aura beaucoup de personnels en grève”, a expliqué l’ancien candidat à la présidentielle au micro de BFM Paris Île-de-France.

La situation est “beaucoup trop grave”, a-t-il également expliqué sur France 2, estimant que la réforme du gouvernement était “injuste et injustifiée”.

En Île-de-France, d’autres élus ont embrayé: le maire de Bonneuil-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, celui Villejuif, dans le même département, ou encore le maire de Montreuil, en Seine-Saint-Denis.

En Gironde, le maire de Saint-Pierre-d’Aurillac, Stéphane Denoyelle, a également annoncé son intention de fermer sa mairie, et dans le Nord, l’édile de Faches-Thumesnil, Patrick Proisy, a pour sa part annoncé que les heures de grève des agents de sa ville ne seraient pas décomptées à partir de 14 heures, “afin qu’ils puissent se rendre l’après-midi à la manifestation à Lille”.

Des services essentiels à assurer

Mais les maires ont-ils seulement le droit de fermer les portes de leur mairie? Les élus ne sont pas salariés et ne peuvent donc pas faire grève à proprement parler. Les personnels, salariés, ont quant à eux le droit constitutionnel de faire grève.

“Que l’on interrompe le fonctionnement de certains services non urgents pendant une journée ne me paraît pas poser de problème”, analyse pour BFMTV le constitutionnaliste Didier Maus.

Mais si un maire choisit de fermer sa mairie, il doit quand même assurer certains services essentiels, comme l’état civil. L’édile doit également assurer “les services d’urgence” et prendre en charge d’éventuelles “grandes catastrophes”, comme le relogement de personnes en cas d’incendie par exemple.

Devoir de neutralité du service public

Pour Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas et docteur en science politique, la question est surtout celle qui se pose autour de l’obligation de neutralité du service public, qui ne doit “pas avoir d’objectif partisan”.

Comme l’explique également à BFMTV.com Anne-Chalène Bezzina, politologue, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public à l’Université de Rouen, “un élu n’a pas le droit de politiser ses actions administratives”. Or, dans le cas de fermetures de mairies, “on est un peu dans une zone grise”. Les fonctionnaires, qui ont eux le droit de grève, ne peuvent toutefois pas par exemple préparer des tracts ou slogans sur leur lieu de travail.

Vers des actions en justice?

Et si un citoyen s’estimait de l’une des communes concernées s’estimait lésé, il pourrait saisir la justice, ainsi que le préfet ou le ministère de l’Intérieur. En cas d’une procédure, “la jurisprudence penche en faveur de la neutralité du service public”, rappelle Anne-Charlène Bezzina.

Des précédents existent: en 2018, la cour administrative de Lyon avait jugé illégale la journée sans services publics décrétée par le maire de Grenoble pour dénoncer la baisse des dotations budgétaires.

“Le maire de Grenoble (…) a pris part à un mouvement national, de nature politique (…) Un tel motif, étranger à l’intérêt de la commune ou au bon fonctionnement des services municipaux, est de nature à entacher cette décision d’illégalité”, expliquait alors la cour.

Les maires concernés “prennent un vrai risque”, abonde Benjamin Morel auprès de BFMTV.com, affirmant qu'”au regard de la jurisprudence”, les élus sont dans l’illégalité.

Éventuels recours déposés ou non, la situation du 31 janvier s’annonce inédite par son ampleur et sa rareté. “C’est très exceptionnel”, rappelle Anne-Charlène Bezzina.

Fanny Rocher

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